Albert Peyriguère, ce Berbère, cet Arabe Le Père Albert Peyriguère (28 septembre 1883-26 avril 1959), disciple de Charles de Foucauld, au Maroc depuis 1927, à El Kbab où il a fondé, en 1928, l'Ermitage avec un dispensaire, était, avec sa longue barbe blanche et son selham blanc, tellement berbérisé qu'on le croyait Marocain. Un jour, des touristes le prennent en photo, certains d'immortaliser sur la pellicule un type physique remarquable caractéristique du Moyen Atlas. Le Père se laisse faire, sourit à l'objectif, puis se présente avec son bel accent du sud-ouest : «Albert Peyriguère, né à Trébons, Hautes-Pyrénées.» Un autre jour, dans un car, une élégante Française, voyant ce grand barbu dans son burnous de laine assis à la place qu'elle convoite, derrière le chauffeur, lui lance un injonctif «Pousse-toi, Ahmed !» auquel il répond claironnant de sa forte voix : «Dis donc, Catherine, nous n'avons pas gardé les vaches ensemble quand nous étions jeunes !» La dame devient toute rouge devant l'éclat de rire général. Collège de Foucauld, Casablanca, mai 1947. La communion solennelle est l'objet d'une fête, comme tous les ans. On voit arriver de tout le pays des parents de communiants, fils de colons, d'officiers des AI, d'agents de l'OCP, etc. Les grandes cours du collège sont alors transformées en parkings où viennent se garer toutes sortes de voitures américaines. Le Père Peyriguère, fringué comme à son habitude, arrive incognito. Sans doute connaît-il les parents d'un communiant. Il entre discrètement dans la chapelle. Un des gardiens de parking, scandalisé, court aussitôt vers le Père Préfet, criant «Père, Père, y a un Arabe dans la chapelle». (Sources : Michel Lafon, «Albert Peyriguère, disciple de Charles de Foucauld», éditions Fayard, 1993 ; lettre de Francis Fornairon, ancien du Collège de Foucauld, Casablanca.)