Chechaouen, Chefchaouen, Chaouen: trois noms désignent la même petite ville du Rif. Base arrière des réfugiés andalous fuyant l'Espagne, ville sainte et point de chute des errants mystiques soufis venus d'Arabie, cette cité, toute de bleu vêtue, nous invite à la méditation. Une légende raconte que pour tracer la route qui mène à Tétouan, on lâcha un âne dans le jbel. On fit la chaussée là où il réussit à passer. Au sud de Tétouan, dans le pays jbala, on découvre Chaouen (à 600m d'altitude). Les montagnes en forme de cornes, le Djebel Tissoukou (2050m) et le Djebel Meggou (1116m), au pied desquels se trouve ce petit village du Rif, lui ont valu son nom, d'origine berbère : chuf chaouen : regarde les cornes. En rifain Chaouen (ou Chefchaouen) signifie aussi les "deux cornes". Sur les flancs de la ville s'étale une belle vallée verte traversée par l'Oued Laou. La médina de Chefchaouen fut construite par des Musulmans et des Juifs d'Espagne fuyant Grenade et les persécutions à partir du XVe siècle. Dès lors, la ville sera interdite aux Chrétiens, jusqu'en 1920. En 1883, le Père Charles de Foucauld y pénètre le premier. Déguisé en rabbin juif, il y passe une nuit. William Harris s'y risque en 1889. William Summers y est empoisonné par les habitants en 1892. Dans un contexte de résistance à la conquête ibérique, Moulay Ali Ben Rachid (plus connu par Ibn Joumaa) fonde en 1471 (876 de l'hégire) Chefchaouen. Il est assassiné par les Portugais. Aujourd'hui, on vient encore nombreux, des quatre coins du Rif pour se recueillir sur sa tombe. Edifiée dans un style architectural Andalous-Maghrébin, la ville comprenait: une kasbah, le quartier Souiqa et une mosquée. Un puissant rempart flanqué de tours est percé par sept portes : Bab Souq, Bab El Ayne, Bab El Harmoune, Bab El Himar, Bab El Mahrouq, Bab El Maqaddam et Bab El Ansar. Ce château fortifié devait stopper la progression à l'intérieur des terres, des Portugais et des Espagnols arrivés à Ceuta, par le détroit de Gibraltar. La ville est peuplée par une première vague de musulmans andalous chassés d'Espagne ; puis au XVIIème siècle, par une seconde vague de réfugiés andalous. L'arrivée massive et successive de toutes ces familles andalouses contribue au développement démographique et architectural de la ville. Chaouen fut aussi un haut-lieu de la résistance au protectorat espagnol. Dès 1924, elle devient le champ clos de la lutte qui opposait les troupes d'Abdelkrim aux soldats espagnols.