Organisé récemment à Casablanca sous le thème «Digitalisation des moyens de paiement, quelle stratégie adoptée ?», le Mpay Forum Africa se veut un réel creuset de réflexion sur les nouvelles technologies de paiement, de banque, et leur impact sur la sphère sociale. Le monde des moyens de paiement en Afrique a connu une réelle métamorphose au cours des dernières années. Nous avons assisté à l'avènement d'une multitude de nouveaux moyens de paiement, physiques et surtout virtuels, combinant à la fois le mobile (paiement et banking), les crypto-monnaies (monnaies virtuelles privées) et en particulier, le Bitcoin. Autant de facteurs qui imposent une analyse approfondie d'un environnement en pleine expansion,afin de faire des projections et s'interroger sur les enjeux de ces nouveaux instruments pour l'Afrique.C'est dans ce cadre que les opérateurs du secteur se sont réunis au Mpay Forum Africa, organisé récemment dans la capitale économique du Maroc. Réalisée en partenariat avec l'APEBI (Fédération Marocaine des technologies de l'information, des télécommunications et de l'offshoring), cette édition a connu une forte participation des acteurs publics et privés, nationaux et internationaux. « Les entreprises (petites comme grandes), les consommateurs et l'administration voient arriver cette révolution à une grande vitesse. Pour y faire face, elles doivent s'y préparer rapidement en adoptant une stratégie et des mécanismes pour éviter de subir les conséquences. Ne pas agir pourrait impacter négativement leur business», affirme Mohamadou Diallo, membre du comité d'organisation du Mpay Forum. Il est à noter qu'actuellement, 80% des transactions se font cash au Maroc, ce qui coûte cher à l'Etat et aux particuliers. En plus, cela se répercute négativement sur la transparence des opérations et participe à alimenter le secteur informel. Ce rendez-vous représente ainsi une occasion pour mener des réflexions poussées sur la manière d'accélérer la généralisation de ce mode de paiement au Maroc et en Afrique. Par ailleurs, aborder la question du Mpayment ne devrait en aucun cas occulter la question du Mbanking en Afrique. Plus de 50% des 270 offres de « mobile banking» commercialisées dans le monde se trouvent en Afrique et sur les 134 millions de comptes actifs répertoriés en 2015, 84 millions sont en Afrique subsaharienne. Selon Hassan Debbagh, Directeur Général Adjoint à la Banque Centrale Populaire, «le système capitalise énormément sur ce qui a été réalisé dans la monétique, notamment sur la partie switching et le gâteau est très grand, comme il reste énormément de choses à faire dans ce domaine car plus de 400 milliards de DH sont à intégrer dans le système de paiement ». Asmaa Bennani, Directrice de la surveillance des systèmes et moyens de paiement et de l'inclusion financière à Bank Al Maghrib, a affirmé à cette occasion qu'outre les disparités homme/femme en matière de revenu et de bancarisation, il faut avouer qu'une partie significative du milieu rural marocain est complètement isolée, notamment en termes d'offre de services financiers. L'arrivée du paiement mobile permettra d'atténuer relativement ces grandes disparités. Un terrain fertile ! L'Afrique est devenue le véritable épicentre de la mobile money, selon les données de la GSMA (l'association Mondiale des Opérateurs Mobiles). «Au Maroc, le taux de bancarisation est de 64%,alors que le taux de pénétration du parc mobile est de 130%. Mais malgré les avancées constatées sur la digitalisation des opérations, la majorité des transactions sont réalisées en espèces et les paiements par chèque, cartes, virements ou prélèvements bancaires restent à des niveaux faibles, avec 4 à 5 transactions annuelles par habitant», a déclaré Saloua Karkri Belkeziz, Présidente de l'APEBI. Et d'ajouter qu'à l'opposé, «au Kenya, qui a lancé une plateforme en 2007, 60% des Kenyans utilisent aujourd'hui le système et réalisent 67% du volume des transactions». Il est donc important de promouvoir les échanges de bonnes pratiques et de s'inspirer des initiatives internationales comme au Kenya, en Côte d'Ivoire ou encore en France dans la perspective de faire émerger des idées innovantes et des orientations à même de donner à l'expérience marocaine, une dynamique positive et les conditions optimales pour un succès régional. Omar Cisse, PDG d'Tintouch SA, a précisé à ce niveau que «l'avantage du Maroc est qu'il bénéficie d'un historique très fort dans le domaine de la monétique. Mais il faut noter que ce n'est pas l'aspect technologique qui manque. C'est plutôt l'innovation au niveau du business modèle de ces nouvelles solutions de paiement qui compte». Nombreux sont les axes qui ont été débattus par les experts à l'occasion de cette deuxième édition duMpay forum, notamment les problématiques liées à l'identification des nouveaux acteurs, l'impact de la transformation de l'environnement des paiements de l'inclusion financière et les champs d'application, surtout les solutions apportées par les Fintech. La question de la sécurité a occupé également une place particulière dans les interventions des professionnels. Mohamed Saad, DSI Bourse de Casablanca, président de l'AUSIM – Maroc, a affirmé qu'il est indispensable de regarder dans le rétroviseur pour voir d'où on vient. «En 2001, nous avons connu la chute d'Enron et d'un certain nombre de grands mastodontes de l'industrie et suite à cela, a eu la loi Sarbanes-Oxley. En 2008, on a vécu une grande crise qui a bouleversé le monde de la finance et selon une étude réalisée par la Commission européenne, plus de 4100 milliards de DH ont été injectés pour sauver le système financier. Aujourd'hui, les établissements financiers publics et privés sont appelés à faire recours de plus en plus à des experts dans les différents domaines, pour mieux assurer la conformité au nouveau cadre juridique adopté après la crise de 2008», ajoute Mohamed Saad. Les experts ont analysé, par ailleurs, le rôle des banques, en affirmant que ces établissements doivent répondre à la problématique de la gestion urgente d'une transformation digitale de leurs métiers, tout en alliant agilité, adaptabilité et performance. Il s'agit d'une condition indispensable à leur survie. Finalement, les entreprises et les administrations devront adopter une stratégie gagnante pour réussir la transformation du paysage du paiement électronique.