La question de la protection des enfants vis-à-vis des médias se pose avec acuité, surtout dans un contexte marqué par la multiplication des canaux de communication. Le débat a justement été soulevé lors du séminaire organisé par la Haute autorité de la communication audiovisuelle sur «la protection de l'enfance et l'éducation aux médias», fin de semaine dernière à Rabat. La rencontre, qui a connu la participation d'experts représentant différentes organisations de l'audiovisuel, a permis de faire le point sur les dangers auxquels sont exposés les mineurs, mais aussi les moyens à même d'y faire face. Les avis sont unanimes : il faudra veiller à ce que cette catégorie développe une pensée critique qui leur permette d'utiliser les médias à bon escient. D'où la nécessité de promouvoir l'éducation aux médias pour mieux apprendre aux enfants à décoder, avec un sens critique, les contenus offerts par les médias. Cela revient à adopter une approche proactive au lieu de s'inscrire dans une logique de réparation et de censure, comme l'a souligné Divina Frau-Meigs, sociologue des médias. «L'enjeu est de taille si l'on sait que les enfants consacrent aux médias plus de temps qu'à toute autre activité», insiste Amina Lemrini Elouahabi, présidente de la HACA. D'après des études citées par la patronne de la HACA, les médias remplacent désormais la famille comme vecteur de socialisation. Pour Elouahabi, les médias présentent certes d'importants atouts, comme l'accès à l'information et le partage d'idées, mais les risques qui y sont liées sont tout aussi importants. Parmi les dangers cités, «l'exposition de la vie privée et l'accès à une information biaisé ainsi qu'aux contenus pornographiques». Ceci-étant, «la protection des enfants pose d'importants défis », a souligné KwasiGyan-Apenteng, président de la National Media Commission (NMC) du Ghana. En tête, «la nécessité d'accompagner cette révolution médiatique par une conscientisation éthique», estime-il. De son côté, Elouahabi recommande la règle du «3-6-9-12» pour protéger les enfants des abus des écrans. Cette règle, développée par Serge Tisseron, interdit les écrans aux moins de 3 ans, les consoles de jeux aux moins de 6 ans et l'internet aux moins de 9 ans. Ce n'est qu'à partir de l'âge de 12 que les mineurs pourront naviguer sur la toile. Aujourd'hui, l'ambition de la HACA est de lancer un plaidoyer pour sensibiliser tous les acteurs concernés. L'idée est d'organiser des activités multidisciplinaires centrées sur l'éducation aux médias. « Nos générations voyaient dans l'école une institution qui va leur apprendre à lire, à écrire et à calculer. Nous voudrions ajouter une quatrième composante qui est celle d'apprendre le numérique dès l'âge de 5-6 ans pour développer un esprit critique dans l'usage des médias», explique Jamal-Eddine Naji, directeur général de la HACA. Pour lui, l'école ne doit pas se limiter à sa seule mission d'apprendre à lire et à écrire. Au contraire, «la mission phare de l'école à l'ère numérique repose sur l'apprentissage de la communication à l'enfant dès son jeune âge, sur la base de deux principes fondamentaux : l'esprit critique et le droit d'accès à l'information», a-t-il dit. Encore faut-il que le secteur privé adhère à ce chantier, en l'occurrence les sociétés de production. A défaut, il faudra renforcer l'arsenal juridique pour contrôler cette boulimie. Car, comme l'a rappelé le DG de la HACA, «90% des programmes dédiés aux enfants ne sont pas produits par des Marocains». Ce qui pose d'ailleurs le problème d'adaptation des contenus avec les valeurs de la société marocaine.