Le 11 janvier 1944, 67 Marocains de tous bords et de toutes les sensibilités prennent l'initiative, à leurs corps défendants, de signer un manifeste public revendiquant l'arrêt de la colonisation et l'indépendance du Maroc. Cet un tournant dans la vie du royaume. La classe politique prend sur elle-même la responsabilité de revendiquer l'indépendance et l'intégrité de la nation marocaine unifiée autour de sa monarchie. La célébration d'un événement d'une telle envergure recouvre des significations plurielles dans la vie de la Nation. Une relecture des considérants de ce manifeste restitue, dans l'esprit et la lettre, le contexte et la force qui a présidé au lancement d'une telle initiative. Les rédacteurs de ce manifeste notent, en premier lieu, que le Maroc a toujours constitué un Etat libre et souverain, et qu'il a conservé son indépendance pendant treize siècles au moment de la rédaction de ce document historique. Ils ont en même temps noté que le régime du protectorat a été dévoyé. Un régime pensé à l'époque comme une dynamique de réformes ne devant en aucun toucher «à la souveraineté traditionnelle du peuple marocain sous l'égide de son Roi». Ce manifeste avait fait le constat que l'occupant avait pris prétexte sur ce régime de protectorat pour spolier le peuple marocain de ses richesses et de ses attributs de souveraineté et d'unité. Cette prise de conscience salutaire a pu trancher avec les velléités de division et d'effritement de l'unité du Maroc que portait en elle la logique colonialiste de la France. Cette dynamique revendicative inaugura une lame de fond qui a traversé l'histoire moderne du Maroc. Le combat pour l'indépendance s'est par ailleurs décliné, en termes de valeurs, sur le plan interne par le renouvellement d'une demande sociale adossée à l'aspiration pour la mise en place d'une série de réformes sociales, économiques et politiques sous l'égide du souverain, symbole de l'unité du pays. Aujourd'hui, on est en droit de se poser la question : que reste-t-il de cette flamme nationaliste ? Les nouvelles générations sont-elles suffisamment mobilisées pour prolonger et maintenir en vie cette lanterne revendicative avec la même vigueur ? La réponse à ces interrogations n'est pas simple. On parle volontiers de perte de repères identitaires et de manque de mobilisation chez les jeunes en ces temps de NTIC et de révolution du virtuel. Il est certain, par ailleurs, que ces déficits de mobilisation sont la résultante de ce que les sociologues qualifient de déficits dans le processus de socialisation de la jeunesse. L'intérêt pour cette frange de la population ne dépasse guère la sphère du discours. Cela dit, il est aussi légitime de se poser la question de savoir si notre manière d'enseigner l'histoire était en adéquation avec les évolutions qui se font jour autour de nous. La manière redondante et souvent statique d'enseigner l'histoire la rend distante par rapport aux jeunes plus préoccupés par tout ce qui leur vient de l'extérieur. La célébration du manifeste de l'indépendance devra être une opportunité pour nous tous d'insuffler une nouvelle dynamique de mobilisation de toutes les forces de la Nation et au premier rang desquelles les jeunes.