Le débat sur la nature, la cadence et le sens des réformes au Maroc est souvent focalisé sur le volet des droits humains. Cette approche nécessaire ne doit pas nous faire éluder certains chantiers fondamentaux comme celui de la construction des bases de l'Etat de droit économique. L'option faite par le Maroc pour une économie ouverte, où les mécanismes de marché fonctionnent et la régulation assurée par l'Etat doivent garantir une concurrence saine et loyale entre les acteurs. Cette situation idéale n'a pas été toujours observée et de nombreuses voix se sont élevées à l'intérieur et à l'étranger pour dénoncer des dérapages du système de gouvernance économique dans le pays. Les rapports périodiques qui évaluent le climat des affaires au Maroc ont à maintes reprises mis le doigt sur des déficits graves concernant le système judiciaire. Le non respect des règles de la concurrence et l'existence de passe-droits ont été aussi soulignés par différentes appréciations de la marche du monde des affaires dans notre pays. Le PPS a consacré d'abondantes analyses et fait de nombreuses recommandations afin d'assainir ce climat et donner toutes les garanties institutionnelles dans ce sens. Notre conviction est ancrée sur la nécessité d'instauration des conditions de fonctionnement normal et normalisé de l'Etat de droit. Ce dispositif renferme une composante essentielle en matière de garantie des droits des investisseurs nationaux et étrangers. Cela d'autant plus que l'attractivité pour les investissements directs étrangers est largement déterminée par la stabilité du système politique et son système de gouvernance économique. Or, l'apparition de situations de rente et de positions monopolistiques et oligopolistiques de fait, sur des secteurs clefs de l'économie, a participé à la création d'un climat de suspicion et de perte de confiance chez les opérateurs économiques. La création du Conseil de la Concurrence en août 2008, organe garant de la compétitivité du tissu économique national et de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, avait suscité de l'espoir. Ce conseil peine aujourd'hui à trouver un espace suffisant pour exécrer ses compétences en dehors du carcan institutionnel dans lequel il a été mis. C'est actuellement une institution qui fonctionne au mieux comme une boite de consignation. Placé sous tutelle de la primature, le conseil aspire aujourd'hui à changer de statut en se voyant octroyer un pouvoir décisionnel qui lui permettrait d'être efficace et de jouer pleinement son rôle d'arbitre alors que de fait, l'Etat, censé être régulateur, est perçu en tant que juge et partie. L'amendement de la loi 06/99 s'avère inévitable. L'autorité de la concurrence devrait avoir les mêmes attributions que ses pairs dans les pays à niveau de développement similaire. L'on ne peut que dénoncer ce blocage inexpliqué du dispositif réglementaire régissant la liberté des prix et de la concurrence au Maroc. A quoi bon se doter d'un tel conseil, purement consultatif, de le priver de contacts directs avec le monde économique, de le priver de pouvoir décisionnel, d'indépendance et d'autonomie financière ? Réguler la concurrence suppose surtout de disposer d'un pouvoir de sanction seul à même d'assurer cette mission d'arbitrage et d'agir efficacement dans le paysage institutionnel et suivre ainsi l'évolution de l'environnement économique, juridique et social du pays. ? C'est là tout le sens à donner à la notion de réformes qu'entreprend le Maroc actuellement. On ne peut accepter que des zones d'ombre subsistent dans notre système de gouvernance économique.