La 17ème Edition du FNF est passée presque inaperçue... Il est surprenant de constater une présence officielle de haut niveau à l'ouverture, avec parfois des discours jovialement accueillant, alors que la moindre banderole ou affiche n'annonce l'évènement dans une ville qui s'acharne à pérenniser le rendez-vous. Des festivals de médiocre importance, arrivent à occuper le temps qu'il faut l'espace médiatique, alors que même les chaînes publiques du même giron ministériel, semblent détournées de cet évènement culturel National... A l'heure des bilans 2015 du CCM, pas le moindre débat dans le prime time des chaînes nationales... Cette hypo-médiatisation de l'événement, serait-elle la traduction d'une insatisfaction intrinsèque par rapports aux bilans, avant même que le rideau soit levé sur l'activité phare du Festival ? Si tous les bilans relevant des attributions du CCM prêtent matière à réflexion et à débat, les images réfléchies sur l'écran du cinéma Roxy,sont venues poser de nouvelles questions sur l'état des lieux de la création cinématographique marocaine de 2015. De nouvelles tendances avilissantes ont émergé au point où nous pouvons parler d'une autre forme d'exploitation cinématographique... C'est au sens de gisement qu'il faut entendre le terme exploitation... C'est du flair arriviste cherchant le filon d'or qu'il est question dans ce papier. Faire un film, c'est d'abord avoir envie de donner un monde à voir...c'est exprimer un regard original sur un sujet quel qu'il soit... Partir de la question « quel serait le film qui drainerait un financement savoureux ? », ou « quel est le film qui ferait plus de recettes aux salles qui vivotent encore au Royaume ? », est révélateur d'une malicieuse intention de faire du cinéma... Pourquoi ne pas emprunter cette voie, me diriez-vous, si l'objectif est d'exister par la création artistique ?... Pourquoi pas, alors que de nombreux chefs d'œuvre artistiques ont été à l'origine des œuvres de commande, souvent bien récompensées par les commanditaires ?... Il est ici important de rappeler qu'après la réconciliation du public marocain avec son cinéma au début des années quatre-vingt-dix, les films marocains vont d'abord connaître, une première ruée vers l'or, en se bousculant pour des sujets d'actualité marocaine... L'émigration clandestine, la situation de la femme, les années de plomb... Au lieu de laisser apparaître une prise de conscience autour de principes et de valeursfondatrices qui se traduiraient au cinéma par l'adoption d'un regardet de choix esthétiques affirmés, l'engouement manifeste de notre cinémas'est davantage mobilisé par des logiques cherchant les raccourcis et les recettes faciles de la création filmique. Avec la 17ème édition du festival national du film, ce sont de nouveaux phénomènes qui commencent à émerger, augurant l'ère d'une nouvelle ruée vers l'or... Il est d'abord question de ces films venus "raviver" le nationalisme marocain : "Résistance» et "La marche verte». Des films ne proposant pas de regards artistiques sur les évènements historiques sur lesquels ils s'appuient. Ces films n'ambitionnent même pas de dépasser le niveau de piètres illustrations romancées d'un manichéisme scolaire. Même leurs titres ne suggèrent rien de plus que les événements qu'ils relatent... « Les hommes d'argile », bien qu'émanant d'une autre sphère cinématographique, tombe lui aussi dans la même platitude etson "has been" thématiquesouffre de nombreux dysfonctionnements dramaturgiques dont le tardif démarrage du récit et les conflits-clichés qui l'animent...Ces films sont-ils plus adeptes de la Nation que "The sea is behind" ou "le poids de l'ombre», qui sont l'aboutissement d'un autre processus financier ? Ne dit-on pas que l'attachement à la Nation n'a de crédibilité que s'il est lié à des actes ? Devrait-on se contenter des grands efforts de reconstitution historique pour applaudir ces films dans leur globalité ? La chose artistique ne nécessite-t-elle pas de renoncer aux sentiers battus ? La question nationale de ces films est prise autrement dans "La isla de perejil ». Du système qui envoie un simple agent des forces auxiliaires veiller sur une ile arrachée au territoire national, à la naïveté de l'agent largué sur le rocher, le nationalisme est pris à la dérision... et c'est bien dommage que l'écriture du film n'a pas développé les intentions des autorités marocaines par une telle décision. Le commanditaire de la situation loufoque sur l'ile, a été escamoté dansla suite du récit... C'est à ce niveau que la comédie socio-politique a perdu son intérêt. L'orchestre de minuit, bien que provenant d'un autre bain culturel marocain, a produit un discours nostalgique sur le Maroc d'une certaine époque, en se focalisant sur le poids de l'ombre d'un père redécouvert à titre posthume par son fils... La quête de reconstruction de l'orchestre de minuit par le fils, présumé moteur du film, n'a malheureusement pas fonctionné... Même les sketchs de bonne facture qui sont venus émailler ce récit, n'ont fait que souligner son incohérence. "Les larmes de Satan", qui a essayé de reposer la question du rapport à entretenir avec les années de plomb, tenait lui aussi une autre question de portée nationale... mais il a préféré l'exploiter en poussant l'action vers le non-stop animal. Le tout musical, abandonné depuis les années cinquante au cinéma,revient ici en force. La bande son du film est révélatrice de cette volonté d'amplifier l'action par le subterfuge. Beaucoup de déceptions du côté de la fiction cinématographique marocaine de 2015. Qu'en est-il alors des deux documentaires fortement attendus ? "Le poids de l'ombre" n'a fait que nous rappeler un fragment d'hier dont l'ombre s'est alourdi après cinq ans... Un fragment de "Fragment», étiré jusqu'à l'extrême. Seul le devoir de conscience et le militantisme par le cinéma peuvent justifier la nécessité d'une telle redondance..."Raja, Bent El Mellah", bien que tenant un filon humain intéressant parait mal-à-l'aise dans son développement. Très tôt dans le film le climax est présenté. Les images de ces fragments de trophées disloqués suite à l'écroulement du plafond, est certainement le moment le plus fort, le plus significatif, le plus rhétorique dans le film... Mais le découvrir à l'aube du récit installe forcement une attente qui sera déçue par la suite du film... C'est ainsi que la suite du film a pataugé dans une redondance ennuyeuse. Raja et le film enclavés dans l'évident triangle « misère, gloire éphémère et indifférence de la profession». Des informations filmiques y ont été ressassées, alors que des questionspertinentes y ont été occultées : Qu'a-t-elle fait de son cachet du filmqui l'a révélé et des récompenses pécuniaires de Marrakech et de Venise ? Sous quel toit vit-elle aujourd'hui ? ... En dehors de la représentation de la profession chez Raja, le film tend vers l'empathie sentimentale. N'y avait-il pas de film avec un réel enjeu artistique en 2015 ? Heureusement que de petits bijoux sont venus nous redonner espoir. "La mélodie de la morphine", outsider de 2015 est certainement la révélation. Avec son admirable texte et la réflexion qu'il dégage sur les rapports de la création artistique avec la douleur, il vient comme un manifeste contre la facilité et le trivial qui squatte le cinéma marocain... Il a au moins réussi à interpeller la donne cinématographique dans sa profondeur. Espérons voir l'auteur du film persévérer dans ces choix comme c'est le cas de Hicham Lasri et Chrif Tribak, qui sont restés inébranlables dans leurs choix. Avec " The se is behind" et "Petits bonheurs", ils affirment le propre de leurs cinémas, qui par ailleurs dévoilent un regard personnel sur des sujet qu'ils connaissent ou qui les habitent... Avec "Petits bonheurs" nous avons assisté à une modeste leçon sur une notion qui semble-t-il échappe encore à un grand nombre de nos cinéastes... celle de la justesse de l'écriture filmique à travers la mise en cadre et la mise en scène du récit. Ce n'est que par la traduction juste d'un regard artistique personnel que notre cinéma peut faire penser avec admiration à notre background national.