L'écriture en langue arabe et en langue française, Cette double écriture revient à mon enfance. Je me rappelle bien que j'étais un élève doué dans les arts, et parmi les meilleurs élèves de la classe ; surtout dans les matières littéraires. J'étais même à ce temps là reconnu par les élèves et les professeurs comme l'écrivain. Je ne l'étais pas seulement pour ma classe mais pour mon école toute entière. Ainsi j'ai commencé à écrire des poèmes d'amour et d'amitiés innocents, et à les lire et à les relire devant mes amis : filles et garçons. Un jour, une fillette est venue me voir en me suppliant d'écrire un poème d'amour sur elle. Puisque j'étais un poète de langue arabe -car en ce temps-là tous les poèmes que j'écrivais étaient en arabe - elle n'a pas hésité de dire qu'elle préférait que le poème fût en langue de Molière. C'était un joli défi pour moi. Alors j'ai écrit le poème en arabe puis je l'ai traduit en français. Le poème a trouvé son chemin dans deux mondes bien différents, celui des arabophones grâce à moi et celui des francophones grâce à cette belle fillette. Surtout que ce poème là a été pour elle un grand triomphe - non pas pour moi qui suis tombé amoureux d'elle - mais pour ses amies qui l'entouraient tout le temps. Après cette belle aventure avec l'écriture en langue française je suis devenu si fier de moi que j'ai commencé depuis à écrire mes poèmes et mes récits en arabe et en français. Mon crayon/ma plume a commencé de jour en jour à ressembler à un serpent dont la langue est séparée en deux dimensions ; l'orient et l'occident. C'est pour cela que j'ai réussi après à publier dans les journaux et les revues de langue françaises tels Libération, L'opinion, Agora, Al-bayane, Vision et bien d'autres. J'ai réussi en même temps et avec les mêmes capacités, ou peut-être plus, de publier dans les autres revues et journaux de langue arabe. Ainsi j'ai plongé dans les mers de ces deux belles langues. Mais la plus belle des choses c'est que ceux qui lisent en français me considèrent comme un écrivain marocain de langue française tandis que les autres qui lisent en arabe me considèrent comme un écrivain marocain Arabophone. Seuls ceux qui lisent dans les deux langues me considèrent maintenant comme un écrivain universel, surtout après la parution de mon premier recueil de langue française «Le jardin des passions» et mon premier recueil de nouvelles «Les tablettes blanches» en langue arabe. C'est comme ça que cette double écriture, qui est la mienne, ou plutôt ce double jeu/je me plait beaucoup, et me tire vers lui souvent, car l'écriture avec/par deux langues différentes me rend plus riche dans mes pensées, et rend mes écrits pleins de significations et plus diverses. Des significations qui appartiennent à l'occident comme ils appartiennent à l'orient. Pour en finir, j'aimerais bien citer ces belles paroles de mon professeur Abdelkebir Khatibi, qui sont tirées de son roman autobiographique «La mémoire tatouée», à propos de cette double écriture : « Soit le français et l'arabe. Il faudrait imaginer ce désir insensé d'une écriture bilingue. Bilingue ? Autant dire une écriture folle. Quelle folie effective ? Quel corps imprononçable ? Deux langues en position hétérogène travaillant l'une sur l'autre, se chevauchant, se refoulant, se croisant selon un soubassement différent de structure, de métaphysique, de civilisation...».