Véritables élections 2.0 ou simple complément communicationnel des compagnes électorales, les scrutins du 4 septembre n'ont en tout cas jamais été aussi «virtualisés». Sitewebs, Facebook, Twitter, YouTube, Flickr et blogs, tout est le bienvenu pour mettre toutes les chances à ses côtés, au vu de la forte pénétration des médias sociaux parmi les jeunes. C'est une bataille virtuelle qui bat son plein entre différents candidats et chefs de partis avec pour enjeu numéro 1: décrocher un maximum de voix parmi les internautes marocains dont le nombre avoisinerait les 20 millions. Aucun effort n'est ainsi ménagé pour rallier à sa cause le «peuple de Facebook» ou les membres de ce parti non sans importance, dit du «canapé». Les médias sociaux, des arènes politiques qui ont gagné leurs titres de noblesse lors des élections organisées un peu partout dans le monde, s'imposent de facto comme un outil incontournable pour se procurer un sérieux avantage concurrentiel. Or, confier hasardeusement son image aux réseaux sociaux peut avoir un effet contraire et dévastateur en termes de «e-réputation», en l'absence de stratégies bien appropriées en la matière. L'engouement politique pour le digital est tel que le SG du PJD, parti structurellement présent sur Internet, a inauguré récemment une station webradio du parti. Très actif sur la toile depuis les législatives de 2011, le PJD peut compter sur ce que certains appellent «l'armée électronique du PJD», constituée principalement de militants de la jeunesse pjdiste. Sur sa page officielle, Abdelilah Benkirane partage tout avec ceux qu'il a appelé un jour «les habitants de la planète Facebook», y compris ses activités personnelles. L'homme fort du PJD, habilles traditionnels et décor des plus simples, avait même tenu à féliciter les Marocains via une vidéo tournée chez lui, à l'occasion de l'avènement du Ramadan, avant de partager avec eux le contenu du prêche du vendredi auquel il a assisté quelques jours plus tard. Sur l'autre rive, le SG du Parti de l'Istiqlal, Hamid Chabat, n'est pas en reste. Avec plus de 200.000 j'aime et un millier de «followers», il semble avoir le pied à l'étrier. Il peut se vanter surtout d'un siteweb assez dynamique qui partage avec les internautes les moindres péripéties de la campagne électorale. Du côté de la majorité gouvernementale, le SG du PPS, Mohamed Nabil Benabdellah, n'est atterrit certes qu'en début de l'année sur les réseaux sociaux, mais il est depuis assez actifs sur Facebook, Twitter, Youtube et Flickr. Un autre candidat des élections communales et régionales, Moncef Belkhayat, a lui aussi jeté son dévolu sur les réseaux sociaux. Un des premiers à annoncer sa candidature dans une vidéo postée par lui-même, le membre influent du RNI aurait tout de même pêché en publiant son programme, en français, au grand dam des commentateurs. La présence sur les réseaux sociaux peut ainsi tourner à la débâcle, en l'absence d'une véritable communication politique fondée sur une connaissance approfondie de l'audience virtuelle. Pour Abdelmalek Alaoui, président du Think Tank «AMIE Center», cette forme de communication est une arme à double tranchant, d'où l'importance de disposer d'une politique globale en la matière. Selon l'expert en communication d'influence, l'engouement pour les réseaux sociaux n'est pas un phénomène nouveau, les médias sociaux ayant été très convoités lors des dernières élections législatives avec des nuances en termes d'approches et de modus operandi. Facebook est le champ de bataille le plus disputé, en ce qu'il compte le plus grand nombre d'internautes marocains parmi tous les espaces collaboratifs, souligne M. Alaoui, pour qui l'appétence des politiques pour les réseaux sociaux est bien palpable, mais reste saisonnière et partant un complément communicationnel des campagnes. La conquête politique des réseaux sociaux n'est en effet qu'à son début. Plusieurs partis ont placé l'audience virtuelle au centre de leurs stratégies de mobilisation à l'image du PAM, du PSU et du MP. En revanche, l'arrivée des politiques sur Internet ne s'est pas faite sans heurts. Entre attaques frontales, cafouillages programmatiques et manque de créativité, certains ont carrément raté leur entrée sur les réseaux sociaux. Interrogé à ce sujet, Abdelouahhab Errami, enseignant chercheur à l'ISIC, fait remarquer que contrairement à la communication traditionnelle, les campagnes virtuelles comportent des risques liés notamment à l'adaptation du discours politique à la «jeunesse d'internet», une audience à caractère volatil dont les réactions sont imprévisibles. Certains jeunes marocains vivent une «citoyenneté virtuelle» avec pour principale vocation la communication et non l'accès à la politique, note l'expert. Ceci dit, il est on ne peut plus évident que de ces élections très disputées, seuls les réseaux sociaux sont assurés de sortir gagnants, car il n'est désormais pas plus facile au politique et à l'électeur de se passer du web, qu'à l'un ou l'autre de se passer des rassemblements et campagnes sur le terrain.