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Facebook LE cinquième POUVOIR
Publié dans L'observateur du Maroc le 15 - 02 - 2011

Lors de son passage sur Dream 2, lundi 7 février 2011, Shaheed, de son pseudonyme sur la toile, a fait pleurer dans les chaumières, du Caire à Alexandrie, de Gizeh à Assouan. Arrêté le 27 janvier 2011, deux jours après son arrivée des Emirats Arabes Unis, où il réside, l'administrateur sur facebook du groupe «We are all Khaled Said», du nom du blogueur torturé à mort par la police égyptienne en juin 2010, a été accusé par la police de Moubarak d'avoir ourdi sur le réseau communautaire le soulèvement de la jeunesse égyptienne. Libéré au bout de 12 jours de détention secrète, Wael a explosé le taux d'audience de la chaîne privée satellitaire égyptienne avec son récit bouleversant sur sa détention, les yeux bandés durant 12 jours, et son interrogatoire musclé par la Sécurité d'Etat. W. Ghonim, cadre marketing chez Google Moyen-Orient, affirme ne pas avoir été maltraité physiquement, mais son épuisement moral est évident. Les mères se reconnaissent dans le désarroi de la maman de Wael, cet enfant porté disparu du jour au lendemain, et craquent devant la fragilité sincère de ce fils de bonne famille : "Je veux dire à toute mère, tout père qui ont perdu un fils, que je m'excuse. Ce n'est pas de notre faute, je le jure, ce n'est pas de notre faute, c'est de la faute de toute personne qui était au pouvoir et s'y est accrochée». La voix entrecoupée de sanglots, il répète comme un leitmotiv qu'il n'est pas ce «traître à la solde de forces étrangères», mais un Egyptien amoureux de son pays qui voulait simplement que ses compatriotes se battent pour leurs droits et leur nation: tous les enfants de «Oum addounia» se projettent en lui. Le cyber-militant défend «les enfants de Facebook» : ados et jeunes adultes s'identifient à ce fervent geek, salarié ordinaire devenu citoyen extraordinaire, par la seule force de son clavier. «Je ne suis pas un héros. J'étais endormi pendant douze jours. Les héros sont ceux qui étaient dans la rue, ceux qui se sont fait tabasser, ceux qui se sont fait arrêter, qui se sont mis en danger. Cette révolution appartient d'abord à la jeunesse internet, elle appartient ensuite à la jeunesse égyptienne, elle appartient enfin à tout le peuple. Il n'y a pas de héros. Personne ne doit voler ce rôle. Nous sommes tous des héros», tempère Wael Ghonim.
Wael n'est pas Gamal
Mais la magie du tube cathodique, alliée au «buzz power» du réseau de Mark Zuckerberg, opère en un éclair. Le lendemain de son entrevue avec Mona El Shaziy, qualifiée de «tremblement de terre», de «tournant dans la révolution», 130.000 Egyptiens lui réclament de devenir le porte-parole de leurs revendications. Et voilà le jeune cyberactiviste érigé en icône de l'ire populaire en quelques clics. Sur la place Tahrir, épicentre de la contestation anti-Moubarak, Wael Ghonim est accueilli avec des slogans appelant à la chute du régime, des acclamations et des pleurs : «il faut que vous insistiez pour que nos revendications soient satisfaites. Pour nos martyrs, il faut que nous insistions. Vive l'Egypte!», scande le cyberdissident. Des jeunes filles, voilées ou cheveux à l'air, le prennent en photo sur leur portable, bouche bée et yeux brillants tandis qu'il tient son discours. Des femmes d'âge plus mûr essuient leurs larmes pudiquement tandis qu'il enserre dans ses bras la maman de Khaled Saïd. Les gens se bousculent pour le toucher, comme ils l'auraient fait 50 ans plus tôt avec Gamal Abdel Nasser, ou, ailleurs, avec Ghandi, John Kennedy ou Martin Luther King. Mais Wael Ghonim n'est pas Gamal Abdel Nasser. Il n'est aucune de ces figures révolutionnaires qui ont bouleversé le cours de l'histoire de leur pays et du monde par leur idéologie et leurs actions politiques. Mais juste un jeune actif politiquement vierge, excité d'avoir été reçu par le ministre de l'Intérieur, Mahmoud Wagdi, en personne. Ou encore d'avoir été libéré sous la pression de Hossam Badrawi, le nouveau secrétaire général du Parti national démocrate (PND) du président Moubarak, auquel il aurait «exigé de ne plus voir le logo du PND dans aucune rue d'Egypte». Cet ingénieur hautement diplômé, employé dans une multinationale géante, résidant dans un riche émirat du golfe et marié à une Américaine, ne représente pas l'Egyptien de base, illettré, pauvre, et foncièrement conservateur, mais uniquement une petite fange de la jeune bourgeoisie égyptienne. Et des milliers de jeunes geeks égyptiens, branchés à leur PC depuis l'école primaire, qui y puisent tout et n'importe quoi, souvent sans souci de recoupement ni esprit analytique, et épousent des causes au gré des buzz. Autant d'internautes qui s'improvisent révolutionnaires sans réelle connaissance des arcanes du pouvoir, des intrigues de basse et haute politique, ni des enjeux géostratégiques et de l'influence cachée des puissances occidentales dans ce «Moyen-Orient compliqué» comme le surnommait si bien le Général De Gaulle.
Cyberactivistes et Che Guevara de paille
Contrairement à leurs parents ou à leurs grands-parents, qui se sont sacrifiés pour la libération de leur pays du joug colonial ou le triomphe de leurs convictions dans des nations arabes prises en étau entre guerre froide et panarabisme, très peu de ces enfants de Facebook, Twitter ou autre Youtube, sont prêts à braver la prison, la torture, ou du moins le harcèlement moral de la police politique pour faire avancer leur cause. Peu, en parallèle à leur activisme virtuel, sont engagés dans des réseaux associatifs concrets, avec des leaders solides, des membres engagés et une structure connectée à la réalité socio-politique du pays. Tout au plus ces mousquetaires du web posteront-ils anonymement des commentaires au vitriol en langage MSN sur les forums de discussion ou, pour les plus téméraires, pirateront les sites gouvernementaux derrière un avatar guerrier. Une poignée se fera remarquer par ses photos chocs sur Dailymotion et ses saillies minute après minute sur Twitter, s'autoproclamant aussitôt «journalistes-reporters» devant la première caméra étrangère qui posera l'œil sur eux. Et quand bien même certains parviendront à percer, à l'instar d'un Wael Ghonim l'Egyptien ou de la cyberésistante Lina Ben Mhenni la Tunisienne, leur gloire de Che Guevara de paille ne durera pas bien longtemps. Ou s'estompera tout simplement à l'épreuve du rude terrain politique. On n'entend plus ainsi parler de Slim Amamou, le bloggeur devenu secrétaire d'Etat à la jeunesse et aux sports au lendemain de la révolution de jasmin en Tunisie, ni des «six dé-jeuneurs» du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI) au Maroc. Car ce sont bien là les limites du militantisme informatique, dépourvu d'encadrement politique et logistique, d'idéologie claire et de projets de société réalistes. Dans l'effervescence entraînée par la soif de changement et de leaders, la rue fait monter les porte-parole de ces mouvements virtuels sur un piédestal, puis, comme dans la finale d'une émission de téléréalité, les fait redescendre brutalement sur terre, une fois passée la fièvre populaire. Pour choisir ses véritables meneurs, puisés parmi les militants chevronnés de la société civile ou auprès d'une opposition politique domestique ou exilée, qui attendait depuis longtemps, trop longtemps, son heure pour se la faire confisquer par de jeunes loups aux crocs de lait.
Facebook, catalyseur de la marche du monde
Ce sont ainsi ces vétérans du changement à l'ambition politique remontant souvent à leur prime jeunesse, qui se retrouvent finalement au-devant la scène. Ironie du sort, beaucoup parmi eux voient leur visibilité et leur ascension boostée par ce même Internet qui a fait émerger, le temps d'une révolution, les jeunes cyberactivistes. On pense inévitablement à Rached Ghannouchi, fondateur et chef de la mouvance islamiste tunisienne Ennahda, dont le retour au bercail le 30 janvier 2011 a été judicieusement préparé sur la toile, bien avant la chute de Zine El Abidine Ben Ali. Ou encore à Mohamed El Baradeï, l'ex directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), prix Nobel de la paix en 2005, et ses 250.000 partisans sur Internet, parmi lesquels des Frères Musulmans. El Baradeï affirme ne pas vouloir se présenter à une présidentielle égyptienne pressentie comme imminente eu égard à la ténacité de la place Tahrir depuis le 25 janvier 2011. Il n'en demeure pas moins que le web, Facebook en tête, aura beaucoup aidé cet opposant de Moubarak à devenir «l'acteur de la transition», rôle attribué par l'Oncle Sam dans son projet de Grand Moyen-Orient prétendent les mauvaises langues. Ceci étant, dénigrer la force mobilisatrice de Facebook et des autres réseaux sociaux dans le soulèvement tunisien, algérien, égyptien et auparavant iranien serait faire montre de cécité. Le réseau communautaire fondé voilà 7 ans par des étudiants de Harvard, est aujourd'hui le second site le plus visité au monde après Google et compte plus de 500 millions d'inscrits, dont 70% de moins de 44 ans. C'est dire sa foudroyante puissance de frappe auprès des futures générations dirigeantes. Sans toutes ces nouvelles technologies de communication, souvent l'unique soupape pour une jeunesse arabe muselée par des présidents dinosaures, détachée d'une arène politique sclérosée, arthritique et mise au ban du bien-être social et du progrès économique de son pays, Ben Ali n'aurait pas été éjecté de son siège de potentat en moins d'un mois, après 23 ans de pouvoir sans partage. Et Moubarak continuerait probablement à faire torturer en secret ses opposants de tous poils dans les geôles du Caire, sans qu'une vidéo amateur tournée sur un téléphone mobile et postée aussitôt sur Youtube, puis relayée par les milliers de jeunes Egyptiens inscrits sur Facebook, ne vienne troubler le travail de ses bourreaux. De même, en Algérie voisine, sans l'incroyable célérité et la réactivité offertes par la toile, il serait autrement plus difficile pour les journalistes professionnels marocains de recueillir sur le vif les réactions de confrères quant aux véritables raisons de l'explosion du symbolique Bab El Oued et de la bombe à retardement féministe contre Abdelaziz Bouteflika. En somme, une chose est sûre : quels que soient les acteurs du printemps arabe, leur âge, leur sexe, leur expérience ou leur virginité politique, Facebook et les réseaux sociaux ont leurs noms désormais étroitement liés à l'histoire d'un Maghreb et d'un Moyen-Orient en marche. Reste à apprendre, aux gouvernants comme aux opposants, à manier habilement et intelligemment cette arme à double tranchant pour une meilleure transition démocratique. Ce même outil technologique qui a grandement aidé un certain Barack Obama à devenir le premier président noir de l'histoire des Etats-Unis…
«Le web 2.0 est utilisé plus efficacement par l'économique que par le politique.»
Jean Zaganiaris, Enseignant chercheur au Centre d'Etudes et de Recherches sur l'Afrique et la Méditerranée (CERAM)/Ecole de Gouvernance et d'Economie (Rabat).
Entretien réalisé par Salaheddine Lemaizi
L'Observateur du Maroc. Comment le web 2.0 change-t-il la manière d'agir des citoyens dans la sphère publique?
Jean Zaganiaris. Le web 2.0 ne change pas le comportement de tous les citoyens mais uniquement celui de certains acteurs de la sphère publique. En effet, il peut modifier certaines manières d'agir et de communiquer chez ceux qui l'utilisent fréquemment mais ne touche pas ceux qui l'utilisent de manière marginale ou ceux qui ne s'en servent jamais. Il est donc important de s'intéresser aux catégories sociales qui utilisent Facebook ou Twitter, et de voir quels sont les divers usages sociaux qu'ils en font. Ensuite, il faut se demander si ces réseaux sociaux changent véritablement le comportement de ceux qui les utilisent régulièrement. Ce n'est pas parce que le web 2.0 est une nouveauté et qu'il amène à de nouvelles formes de communication qu'il induit forcément des changements dans les pratiques sociales.
Vous voulez dire que ces outils ne sont pas si révolutionnaires…
On nous dit que ce sont les réseaux sociaux qui auraient conduit les gens en Egypte à manifester sur la place Tahrir. Je veux bien admettre que le web 2.0 ait pu servir comme outil de communication. Toutefois, avant Facebook et autres réseaux sociaux, il y avait aussi des moyens à travers lesquels on appelait à manifester (les tracts, les réunions, les journaux partisans). Il y a des choses dont on parle sur les réseaux sociaux, qui sont des nouveaux moyens de communication, mais qui induisent des comportements dans la sphère publique qui ne sont pas nouveaux.
A quel degré les partis politiques ont-ils intégré la dimension numérique dans leur stratégie de communication?
Je peux voir qu'il y a une volonté chez eux, au moins depuis les législatives de 2007, de recourir à Internet pour communiquer aux citoyens. On peut voir de beaux portails, des annonces, voire des études ergonomiques, mais derrière cela, il convient de se demander quels seront les usages sociaux que les citoyens (les futurs électeurs des législatives de 2012) feront des messages de communication que les partis mettent en ligne. Des questions importantes se posent : quelles seront les cibles hétérogènes que l'on prétend atteindre ? Quel sera l'intérêt que les cibles auront à l'égard des messages? L'adhésion aux messages ? Si les récepteurs, entité hétérogène dont il faut comprendre la diversité des manières de s'approprier un message, considèrent que la communication politique n'est qu'un ornement esthétique de la campagne électorale et qu'elle n'amènera aucun changement, l'argent mis dans la gestion de site ou de blog ne sera qu'un simple gaspillage. Il faut comprendre sociologiquement les comportements des divers publics auxquels on s'adresse !
Facebook soulève un paradoxe, une quasi-absence des partis politiques d'un côté et une activité engagée des jeunes marocains de l'autre. Comment expliquer cela?
Les réseaux sociaux font l'objet d'un vif intérêt par les entreprises, par les entrepreneurs et par ceux qui ont des choses à vendre ou à promouvoir (notamment les artistes). Le web 2.0 est utilisé plus efficacement par l'économique que par le politique. Sans doute parce que le marketing politique est en train de montrer ses limites et que le citoyen n'est pas un consommateur ! Le politique est affaire de gouvernance et de bien commun des populations, de changements, d'amélioration, d'espoir et de convictions éthiques. Il reste à lui trouver des formes de communication qui lui soient propres et le réconcilient avec le citoyen. Cela passe par des formes de visibilité concrètes au sein de la cité pour tout ce qui a trait au bien être des gens, et pas par des constructions communicationnelles sur le net. Les gens ne sont bien souvent pas dupes par rapport à la communication et savent en prendre et en laisser! Cela ne signifie pas que les gens ne s'intéressent pas à la politique mais tout simplement qu'ils en font autrement, par d'autres moyens que ceux liés aux sollicitations des gouvernants. L'engagement politique des citoyens se fait ailleurs que dans le jeu électoral. Il a lieu dans le monde associatif, musical, culturel.
Politique 2.0
Terra incognita au Maroc
Salaheddine Lemaizi
La campagne présidentielle de Barack Obama, premier «chef d'Etat 2.0», est un tournant en matière de communication politique. Autonome 2008, les spin doctors (conseillers en communication) du candidat démocrate mettent en place une équipe à plein temps pour gérer la présence sur Internet d'Obama. Dirigé par Chris R. Hugues, l'un des fondateurs de Facebook, ce staff crée le fameux mybarackobama.com, réseau social du candidat. Fruits de ce travail: des meetings politiques de 75.000 fans se tiennent un peu partout aux Etats-Unis pour scander le slogan d'Obama «yes, we can». Cerise sur le gâteau, sur des réseaux sociaux comme Facebook ou MySpace, deux millions de dollars ont été récoltés auprès des internautes. Au Maroc, ce cas d'école séduit mais en est à ses premiers balbutiements.
Facebook, la com' des militants
La présence des partis politiques marocains sur Facebook, le réseau social le plus en vue, est éparpillée, peu visible et marquée par l'amateurisme. La toile du réseau social est parsemée de partis ayant plusieurs pages et des groupes sans identité visuelle uniforme et sans mise à jour régulière. Et pour cause, la gestion de l'image des formations politiques à travers cet outil de communication est laissée aux militants de ces formations.
Seuls six partis (Istiqlal, USFP, PAM, PJD, PSU et RNI) sur les vingt-sept existants tentent d'avoir une présence active sur Facebook. L'Istiqlal, l'USFP et le PAM comptent environ 5000 membres ou fans chacun, répartis sur une vingtaine de groupes sur Facebook. «À l'origine de ces groupes, des initiatives personnelles et qui ne sont pas structurées par la direction du parti», annonce Salah El-Ouadie, porte-parole du Parti authenticité et modernité (PAM). En quatrième position arrive le PJD avec 2700 fans et 10 groupes ou pages. «Notre commission d'information ne gère pas les pages Facebook du PJD. Les jeunes militants du parti sont très présents sur cet outil et animent ces pages», explique Mohamed Yatim, député du parti islamiste et secrétaire général de l'Union nationale marocaine du travail (UNMT), syndicat proche du PJD. En cinquième position, on retrouve le PSU avec 1200 fans et enfin le RNI avec 530 fans.
Législatives 2012, un premier test
Pour S. El-Ouadie, «il n'est pas question d'organiser notre présence sur les réseaux sociaux, du moins pour le moment. Certes il faut structurer le message sur ce support mais sans pour autant toucher à la spontanéité de l'outil». Une fois n'est pas coutume, un responsable du Parti de la Justice et du développement (PJD) partage l'avis du «parti du tracteur», M. Yatim déclare que «Facebook se base sur la spontanéité et la réactivité, or on ne peut pas garder ces deux éléments si nous tentons de gérer notre présence». Ce syndicaliste est aussi bloggeur depuis plusieurs années. Pour préparer le prochain congrès de l'UNMT, il vient de lancer une page dédiée à ce syndicat et précise que «c'est une initiative personnelle et non pas institutionnelle». Quant au porte-parole du PAM, il estime que «l'importance que prennent ces supports de communication mérite certainement que nous nous y intéressions de près. Mais auparavant, il faut savoir le niveau critique à partir duquel on peut juger que cet outil est primordial pour nous. Pour le moment, on continue de suivre avec attention ce qui se passe sur ce réseau, à l'évaluer, avant d'intervenir dessus».
Les agences se spécialisent
Surfant sur la vague du web 2.0, une agence communication spécialisée dans ce types de médias, vient de voir le jour au Maroc, et sa directrice générale ne partage pas l'analyse de nos deux politiciens et estime que «la seule source d'information crédible pour les jeunes est le web et surtout Facebook et Twitter. De là, il est grand temps pour les partis politiques d'essayer de rattraper le retard sur les medias sociaux et se munir très vite d'une stratégie professionnelle».
Les législatives de 2012 seront un vrai test pour évaluer l'usage des réseaux sociaux par nos politiciens, et l'agence prépare déjà son offre pour ce rendez-vous, «outre le conseil en stratégie de positionnement sur les réseaux sociaux et la maîtrise des technologies numériques, notre expertise se traduira par la production de contenu adapté, son enrichissement permanent et sa personnalisation, qui répond à la vision stratégique du client», explique la DG.
Facebook pour concilier les jeunes avec la politique ? «Les jeunes lisent de moins en moins les médias classiques et rares sont ceux qui font confiance aux discours des partis politiques publiés dans ces supports de communication. Aujourd'hui, les médias sociaux offrent une véritable opportunité de développer de nouveaux liens avec cette cible», soutient cette spécialiste de la communication 2.0.
Un indicateur politique performant
Une présence accrue sur ses réseaux signifie-t-elle qu'un parti politique va avoir les faveurs des jeunes ? La popularité d'un parti peut-elle se traduire par des suffrages dans les urnes ? Selon une étude réalisée sur ce sujet, Christine B. Williams et Girish J. Gulati, professeurs à l'université de Bentley (USA) au moment des élections législatives de mi-mandat de 2006, sont arrivées à la conclusion que «le lien de corrélation est significatif : un nombre de soutiens deux fois supérieur sur Facebook correspond à 1,1% de voix supplémentaires pour un candidat en place, et 3% pour un candidat challenger». Ces chercheurs estiment néanmoins qu'il est nécessaire de soulever quelques limites à l'impact potentiel de Facebook sur les suffrages et estiment que « les jeunes sont la catégorie de la population la plus représentée sur le site mais aussi celle qui vote le moins. Facebook reste une phénoménale chambre d'écho et un indicateur performant des préférences des citoyens pour une cause ou un candidat».
Mohammed VI
Le Roi de la Saint-Valentin
Suite aux révolutions tunisienne et égyptienne, un groupe de jeunes étudiants, d'informaticiens et de producteurs se mobilise sur Facebook afin d'organiser une marche le 6 février 2011, pour prouver leur amour et leur loyauté envers le Roi Mohammed VI et «contrer les ennemis du pays qui ont créé le mouvement de la “marche de colère”». Une manifestation qui a cependant été rapidement annulée mais activement remplacée. «Après de longues consultations, nous avons décidé de ne pas faire la marche dans la rue vu la période sensible par laquelle notre région passe et pour ne pas permettre aux ennemis de notre pays de s'infiltrer dans la foule pour créer des perturbations» soulignent-ils. Il a donc été décidé de fixer la date du 14 février, le jour de la Saint-Valentin, pour montrer son amour envers le pays en demandant aux utilisateurs de Facebook de changer leurs photos de profil par une photo du Roi. Le groupe incite les gens à plus de mobilisation à travers les villes du pays pour réussir cette marche d'amour sur Facebook.
La marche du 20 février 2011
Piège sur la toile
Février 2011. Le mouvement «Démocratie et liberté maintenant» voit le jour sur Facebook et crée plusieurs groupes sur le réseau social. Objectif : rassembler des Marocains pour manifester publiquement dans les rues de plusieurs villes, le 20 février 2011. Résultat sur Facebook : de nombreux groupes créés, dont le plus grand rassemble plus de 6200 utilisateurs. Le mouvement revendique une réforme profonde du système politique marocain avec plus de libertés et moins de corruption. Sur Facebook, les discussions s'enflamment et les débats sont virulents. «Nous percevons cela avec énormément de sérénité», affirme Khalid Naciri, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement lors d'un point de presse le 3 février 2011. Quelques jours après, les Marocains de Facebook sont unanimes : «C'est un piège du Polisario pour mettre la sérénité du pays en péril». Les Facebookers se mobilisent et expliquent que prévoir une manifestation de protestation émane de mauvaises intentions malsaines des ennemis du Maroc. Le mouvement «anti-marche» est né.
Evénements de Laâyoune
La marche virtuelle
Le 28 novembre 2010. Suite aux événements de Laâyoune et les prises de position de la presse et du parti populaire espagnols, les Marocains sont sortis en masse. Trois millions de manifestants pour exprimer leur indéfectible attachement à la cause du Sahara marocain et montrer au monde entier leur unanimité concernant tout ce qui touche à l'intégralité du Maroc. Les Marocains de Facebook n'y sont pas allés de main morte et ont créé plusieurs groupes de protestation. Après la marche des trois millions, le groupe «Le cercle des intellectuels», sur le même réseau social, lance une nouvelle initiative : une marche virtuelle des Marocains du monde, en proposant à chaque Marocain, là ou il se trouve, d'insérer la photo du drapeau marocain en remplacement de la photo personnelle visible pour les internautes. Déjà 25.000 facebookers marocains ont répondu présent à cet appel de cœur et de la citoyenneté marocaine à travers le monde. Selon le groupe, le souhait de cette initiative est d'atteindre la mise en œuvre d'une marche virtuelle de 8 millions de Marocains à travers le monde. Ce qui permettra à ceux qui n'ont pas pu être présents à la manifestation, qui s'est tenue à Casablanca dimanche 28 novembre 2010, d'exprimer ainsi leur solidarité et leur ferme attachement à leur pays.
MALI
Les (dé) jeûneurs de Ramadan
En 2009, le M.A.L.I (Mouvement alternatif pour les libertés individuelles), composé de six jeunes Marocains, crée un groupe sur Facebook pour défendre les libertés individuelles au Maroc. Après une mobilisation exceptionnelle sur le réseau social, le mouvement fixe le 13 septembre 2009 comme date pour revendiquer la liberté de culte d'une façon inédite. C'était ramadan. Les membres du groupe Facebook se donnent rendez-vous devant la gare de Mohammedia pour protester contre l'ingérence dans la vie privée et pour la liberté de ne pas jeûner pendant le mois de ramadan, ce qui revient à revendiquer l'abrogation de l'article 222 du code pénal. Les manifestants, munis de leurs sandwichs, voulaient casser la croûte en public devant la gare. Après le rassemblement d'une vingtaine de personnes, les autorités locales et les services de sécurité de la ville mettent en échec leur tentative de rompre publiquement le jeûne. Cette manifestation, la première du genre au Maroc, a été largement couverte par certains organes de presse nationaux et étrangers. Les médias annoncent que les promoteurs du mouvement seront traduits en justice et provoquent l'indignation d'une grande partie de la société, des associations de défense des droits humains et des pays dont les médias ont relayé l'information. Après quelques jours d'interrogatoire, les six «activistes» ne sont pas poursuivis.
Fouad Mourtada
Profil inadéquat
Le 5 février 2008, Fouad Mourtada, informaticien diplômé de l'école Mohammadia des ingénieurs, est arrêté et incarcéré pour s'être fait passer pour S.A.R. le prince Moulay Rachid sur Facebook. La sentence tombe : Fouad est condamné à trois ans de prison ferme pour «usurpation de fonction» et «falsification de documents informatiques» et écope d'une amende de 10.000 dirhams. Au Maroc comme à l'étranger, la violente réaction des autorités marocaines suscite l'émoi de nombreux internautes. De nombreuses pages sur Facebook sont créées à travers le monde entier pour le soutien de l'ingénieur ainsi qu'un site de pétitions. Plusieurs blogs marocains se mettent même en grève pour manifester leur solidarité à leur compatriote. Dans le cercle des internautes, un opérateur national est violemment pris à partie et accusé d'avoir divulgué aux enquêteurs d'adresse IP permettant d'identifier Fouad Mourtada et d'aider ainsi les services de sécurité à traquer ses clients. Après 43 jours de détention, le jeune informaticien est gracié par le Roi.
Bouktada et Abou Nabil
Les clichés de la discorde
Le dessin animé koweitien Bouktada et Abou Nabil suscite l'ire des internautes marocains. Corruption, prostitution, magie noire : l'un des épisodes de cette série koweitienne, diffusée sur la chaîne privée El Watan, montre une image peu flatteuse du Maroc. Un groupe s'est ainsi constitué sur le réseau social Facebook pour protester contre le dessin animé. Outre l'arrêt de la diffusion du feuilleton, ils exigent des excuses officielles de la chaîne privée Al Watan et l'expulsion de l'ambassadeur du Koweït à Rabat. Pour mettre la pression sur le gouvernement marocain, les protestataires sont invités à inonder de mails le site du ministère de la Communication. L'indignation des internautes marocains n'a pas manqué de susciter la sympathie de leurs homologues du Golfe persique. Un groupe de Facebookers kowéitiens s'est alors joint au concert de protestations, réclamant à son tour des excuses de la chaîne. Pour calmer le jeu, le ministère koweitien des Affaires étrangères a fini par intervenir en exprimant, dans un communiqué officiel, ses «vifs regrets» quant au contenu du fameux épisode de cette série satirique.
Mohamed Erraji
Une histoire d'article
Le 11 septembre 2008, le blogueur Mohamed Erraji est convoqué par la police. Pendant deux jours, il ne donne plus signe sur son blog ni sur Hespress, le site avec lequel il collabore. Et pour cause : Mohamed est interpellé suite à la publication d'un article intitulé : «Le roi encourage le peuple à l'assistanat», critiquant la politique sociale du roi Mohammed VI. 72 heures plus tard, le tribunal d'Agadir condamne le bloggeur marocain à deux ans de prison ferme et 5000 DH d'amende pour «manquement au respect dû au Roi». Il n'a même pas le droit d'être assisté par un avocat et devient le premier bloggeur marocain à être poursuivi et condamné. Les groupes de soutien sur Facebook bourgeonnent encore une fois. Le site Internet Hespress manifeste également son soutien et suspend ses activités web pour 24 heures. Le 18 septembre 2008, la cour d'appel d'Agadir annule la peine infligée en première instance à Mohammed Erraji, et décide l'abandon de toutes les poursuites à son encontre.
Facebook et les Marocains
2,5 millions d'accros
Ils sont 2.5 millions de personnes à utiliser Facebook au Maroc. C'est ce que révèle le premier rapport arabe sur les médias sociaux. Un nombre d'utilisateurs qui classe le Maroc en 2e position dans la région MENA, après l'Egypte avec ses 4.6 millions d'adeptes, et 3e en Afrique, derrière l'Afrique du Sud et l'Egypte. La Tunisie détient le record de pénétration pour la région MENA, avec 1.8 millions de profils Facebook sur une population de 8 millions d'habitants. Concernant la typologie des Facebookers marocains, 81% d'entre eux ont entre 15 et 29 ans, et 62% des accros à cette application sont de sexe masculin. Globalement, 41% des Marocains utilisent Internet, soit un taux plus important qu'en Egypte, où les internautes ne dépassent pas 24% de la population. En matière de liberté d'expression sur la toile, le Maroc est mal classé. Il se trouve en 12e position sur les 20 pays étudiés.


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