Les entreprises doivent devenir davantage des «entreprises-réseaux». Terminé le modèle de «management qui fixe des objectifs, assigne des tâches et optimise les ressources». Place désormais au «modèle de stratégies et d'innovations décentralisées, évolutionnaires, tirées par la base». C'est le constat que vient d'apporter Michael Chui, expert chez McKinsey Global Institute et co-auteur d'une étude sur «L'économie sociale» ou l'impact des médias sociaux sur la valeur de productivité d'une entreprise. Le rapport que Les Echos quotidien vous livre en avant-première, démontre qu'au-delà de l'usage des réseaux sociaux comme plateforme commerciale «les deux tiers du potentiel de création de valeur» d'une entreprise proviennent de «l'usage qu'elle fait de ces plateformes collaboratives», et ceci tant au niveau interne qu'externe. Selon l'étude, le potentiel de croissance de la productivité se situe entre 20 et 25% par an. Pour un pays tel que le Maroc, ce potentiel est une véritable opportunité de croissance économique, et pour cause, selon un précédent rapport de McKinsey portant sur «L'impact d'Internet sur les économies émergentes» (www.lesechos.ma) «le Maroc dispose d'un taux d'entrepreneuriat Internet plus élevé que la plupart de ses pairs régionaux». Plus de 91% des entreprises de plus de 10 salariés sont désormais connectées à Internet, mais dans la pratique, «les sociétés marocaines sous-exploitent le potentiel offert par les technologies de l'information». En effet, la plupart des PME équipées d'un accès à Internet l'utilisent «pour effectuer des opérations de base comme se servir de la messagerie électronique, faire des recherches et effectuer des démarches administratives», expliquait le document. Les PME connectées à Internet font état de gains de productivité issus des technologies du Web d'à peine 5,3%. Dans d'autres pays émergents tels que l'Argentine, le Mexique ou encore laTurquie, ce chiffre est de 11,4%. Un écart que les observateurs expliquent en partie par «l'accès restreint au haut-débit : les PME marocaines fournissent le haut-débit à 30% de leurs salariés, contre 59% ailleurs», mais ce n'est pas la seule raison. Leviers de création de valeur Or, selon la toute dernière étude de McKinsey, il est important de relever qu'à eux seuls, les réseaux sociaux ne représentent pas moins d'une dizaine de «leviers de création de valeur». Tous sont situés tout au long de la chaîne de production de l'entreprise (voir schéma). Du volet développement du produit à celui de la communication et de la mobilisation du savoir dans l'entreprise, en passant par les études de marchés ou la gestion de clientèle, les médias sociaux s'avèrent être aujourd'hui de véritables outils de management à 360°. Révolutionnaires à plus d'un titre, les réseaux sociaux (Facebook, LinkedIn, Alamjadid, Viadéo...), les sites de partages en ligne (Youtube, Flickr...), les blogs, les wikis (sites communautaires) ou encore les sites de micro-blogging (Twitter, Tumblr, Plurk...), bref l'ensemble de ces nouveaux médias et leur utilisation dans la stratégie de développement de l'entreprise impliquent sans aucun doute «des changements importants» liés essentiellement à l'organisation et à la culture de l'entreprise, souligne la synthèse de McKinsey. D'où le concept «d'entreprise-réseaux». Si les sociétés marocaines développent aujourd'hui leur communauté de clients et de partenaires à l'extérieur du champ de production, elles seront très prochainement et très rapidement appelées à en faire de même au niveau interne tendant ainsi vers la transversalité des «communautés». L'évolution rapide des mœurs liées à ces médias «New Age» le confirme : Là où Internet a mis plusieurs années à se faire «adopter» notamment par les entreprises (voir schéma), Facebook a pris une année pour devenir -entre autres choses- un outil de communication, de marketing, de commercialisation et de recrutement. Pour Twitter, il a fallu moins de neuf mois pour y parvenir. Aujourd'hui, 72% des entreprises interrogées par le cabinet déclarent «utiliser un ou plusieurs réseaux sociaux dans le cadre de leurs activités en 2011», c'est trois fois plus qu'en 2008. Gain de temps et de production Les médias sociaux constituent l'une des évolutions les plus rapides de l'Histoire, insiste McKinsey. «En moins d'une décennie, ils ont conquis plus d'un milliard de personnes, modifié la production et l'échange d'informations à l'échelle planétaire, et provoqué des bouleversements sociaux et politiques massifs». Concrètement, comment Facebook, LinkedIn, Twitter, Wikipedia... pourraient-ils permettre aujourd'hui l'optimisation de la production ? Selon McKinsey, c'est essentiellement sur «l'amélioration des processus de communication et de collaboration» que les réseaux sociaux permettraient aux «travailleurs du savoir» de gagner en productivité. Attention tout de même aux débordements. Le risque de ce type de stratégie est en effet la déperdition de temps ce qui, du coup, provoque l'effet inverse. Il est donc important de structurer sa stratégie «sociale» et de choisir avec grand soin et précision les outils de celle-ci. Réseau social n'est pas forcément Facebook ! En la matière, certaines entreprises ont su anticiper le phénomène de socialisation virtuelle en créant leur propre réseau interne dédié à leur activité. C'est surtout le cas des multinationales. L'enquête révèle ainsi un potentiel de gains de production de 30 à 35% pour la recherche d'informations, par exemple. 7 à 8,5% du temps consacré à la lecture/écriture de mails pourraient être dégagés chaque semaine en utilisant les réseaux sociaux. On sait qu'au Maroc 95% des entreprises marocaines utilisent essentiellement Internet pour communiquer et 91% pour faire des recherches. Certains sont plus «sociaux» que d'autres Néanmoins ce modèle d'optimisation est-il valable pour n'importe quelle entreprise ? Sur les quatre secteurs d'activités analysés par les experts de McKinsey, les services aux entreprises à forte valeur ajoutée sont celles qui semblent être le plus en mesure de profiter de l'utilisation des médias sociaux dans leur modèle de production et de management. Le potentiel de création de valeur lié aux réseaux sociaux varie selon le secteur, souligne les experts, mais il est évident que les industries de pointes (semi-conducteurs, automobile, aérospatiale) en profitent moins que les entreprises actives dans les services financiers (banques, assurance dommages, assurance vie...). Normal, la création de valeur à travers les réseaux sociaux passe en grande partie par le «communautarisme». «À ce niveau ce sont -paradoxalement- les entreprises qualifiées «d'individuelles» qui gagnent le plus en productivité grâce aux réseaux sociaux», précisent les experts. Entendons par les entreprises individuelles les start-ups ou sociétés actives dans les services (nouvelles technologies, banques, télécom, assurance, médias...). En effet, ce sont elles qui ont le plus de «Facilité à générer de la valeur et un potentiel de valeur». La forte présence des opérateurs télécoms ou prestataires de services de types «retaileurs», sur la Toile le confirme. Ce sont en effet, ces entreprises qui sont le plus à même d'adopter les concepts liés aux nouveaux médias. Encore faut-il inverser la tendance au niveau managérial pour optimiser la production à travers les outils sociaux virtuels.