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Eneko Landaburu, ambassadeur, chef de la délégation de l'UE à Al Bayane : L'ouverture conduite par le Roi a sans doute épargné au Maroc le sort de certains autres pays arabes
Le regard que l'Europe porte sur la démocratisation au Maroc, les relations du Royaume et de l'ensemble régional, le futur de leur coopération dans le cadre de la PEV, les chantiers prioritaires, Eneku Landaburu fait le point. Un tableau où le rapport de la commission millésime 2010 est à peine un détail de l'histoire commune. Al Bayane : La commission européenne a rendu publique une évaluation des progrès accomplis par les pays de son voisinage qui fait un constat mi- figue mi- raisin des efforts consentis par le Maroc en démocratie durant l'année 2010. Quels sont plus précisément les domaines dans lesquels elle estime qu'on aurait pu mieux faire ? Landaburu : Dans le cadre de son partenariat avec le Maroc et les autres pays bénéficiaires de la Politique européenne de voisinage (PEV), l'Union européenne dresse annuellement un bilan de l'état de ses relations avec ces pays partenaires. Le rapport 2010 a montré que le Maroc a réalisé des progrès significatifs dans des domaines-clés comme le politique, l'économique ou le financier. Ce sont-là des éléments essentiels pour prétendre à l'objectif de statut avancé. Néanmoins le rapport a jugé nécessaire que le Royaume fasse un effort similaire sur le plan de la réforme de la justice, de l'élaboration de règles plus claires sur la concurrence, de celle d'un code de la presse définissant nettement le droit à la libre expression et les obligations des journalistes… Le rapport juge également que des améliorations doivent être entreprises sur le plan des droits de l'Homme. Une remarque s'impose à ce niveau. Contrairement à ce qu'on pourrait en penser, ces objectifs de démocratie et de bonne gouvernance ne sont pas imposés au Maroc. C'est pourquoi je le dis clairement, ce sont des objectifs que le Maroc a choisis et auxquels il souscrit en toute souveraineté. Notre rôle se limite à l'accompagner dans la mise en oeuvre. Et il est sûr qu'il ne saurait en être autrement, car nous n'avons de leçon à donner à personne. Ceci dit, le rapport en question concerne l'année 2010. Depuis toute une série d'initiatives ont été prises qui ont remédié aux faiblesses décelées. Ainsi la constitution d'un CNDH doté de compétences plus larges en remplacement du CCDH a-t-elle fait progresser la question des droits de l'Homme. Il y a eu également l'extension des compétences du Conseil de la concurrence qui nous semble aller dans le bon sens. Il faut également placer parmi ces initiatives la Haute autorité de lutte contre la corruption, laquelle instance a été dotée de davantage de moyens afin de faire œuvre d'efficacité. Et il y a eu, bien sûr, le discours Royal du 9 mars qui a ouvert le chantier de réformes propres à consolider la démocratie et à mettre en place une économie solidaire. Et ce sont-là deux éléments majeurs du statut avancé. N'avez-vous pas l'impression que l'Europe veut aller vite dans un domaine où il vaut mieux progresser à bonne allure, mais sûrement ? C'est un débat éternel que celui-là. Toute société en mouvement s'interroge : va-t-on vite ou pas assez ? Chacune y apporte la réponse que lui dicte son vécu. Mais il est des gens qui se demandent si ce pays n'aurait pas connu des troubles comme ceux que vivent certains Etats de la région si son Roi n'avait enclenché le processus de réforme dès sa 1ère année de règne. Que ce serait-il passé aujourd'hui si Sa Majesté n'avait pas tôt engagé et conduit le changement. La question reste posée : que serait le Maroc devenu si la modernisation économique et l'ouverture n'avaient pas été effectuées à temps, si le code de la famille n'avait pas été réformé …bref, si tout ce qui a été entrepris en matière de progrès démocratique et de droits avait été laissé en friche ? L'histoire récente est là pour aider à se faire une opinion. Au cours d'une de vos récentes interventions, vous avez laissé entendre que le Maroc pourrait, dans le cadre de la PEV, bénéficier d'un supplément d'aide. Cette intention reste t-elle valable ou a-t-elle été scellée par le rapport de la commission ? Une décision importante vient d'être prise à Bruxelles ; importante car elle concerne la réforme de la PEV. La politique de l'Union européenne à l'égard de ses voisins va donc être réévaluée en fonction de la nouvelle réalité engendrée par ce qu'il est convenu d'appeler le « printemps arabe ». Cette réforme se fonde sur un principe simple : celui d'accorder plus d'aide aux pays voisins qui s'engagent plus résolument sur la voie de la démocratie. On aidera plus les pays qui promeuvent la démocratie. L'éligibilité à cette aide se fera donc en fonction de trois critères. Le premier s'attachera à jauger les efforts pour instituer, sinon institutionnaliser le dialogue politique interne et pour consacrer la décision issue du débat libre et qui est arrêtée suivant la règle de la majorité. Le deuxième critère a pour objectif de favoriser la culture et le développement de la société civile L'Union européenne considère en effet, que cette société civile est essentielle pour nourrir et consolider la démocratie. Le troisième critère s'attache aux projets visant une économie solidaire. C'est-à-dire une économie où la croissance finançant la réduction des inégalités se met au service du progrès social. Voilà pour les grandes orientations. Bien que l'Europe soit en situation de difficulté économique, son engagement en faveur de la démocratie et du progrès économique dans les pays voisins ne s'est pas démenti. Bien au contraire aux 5,7 milliards d'Euros prévus pour la période allant de 2011 à 2013, elle compte adjoindre 1,2 milliard. Je vous laisse juge de l'importance que l'on accorde à notre politique avec nos voisins. Au moyen de la PEV, l'UE entend réguler son appui aux pays voisins en fonction des progrès démocratiques de ces derniers. Pensez-vous que tous les principes qui fondent la démocratie soient transposables en l'état ? Ne faut-il pas les adapter au contexte parfois ? A mes yeux et dans la conception de l'U.E, il y a, partout dans le monde, des valeurs et des principes communs au genre humain qui sont indiscutables et qui ont nom droits de l'Homme. Universels, ils ont été consacrés par la législation internationale et l'Onu sous l'intitulé de déclaration universelle des droits de l'Homme. Les plus connus sont le droit à la dignité, le droit à l'intégrité physique, la condamnation de la torture… Ceci dit, je conviens qu'aujourd'hui il y a des variantes dans la forme que peut prendre la démocratie. sElles sont en général dues au substrat culturel et civilisationnel propre à chaque peuple. C'est pourquoi je dis que vouloir appliquer à tous et partout le modèle démocratique européen forgé au cours de siècles d'histoire propre st non seulement une erreur, mais encore une faute politique. D'ailleurs, si on y regarde bien, même à l'intérieur de l'ensemble européen il y a des différences. Il est en effet patent, par exemple, que la démocratie britannique est différente de la latine. Ce que je veux dire c'est que chaque peuple doit trouver les moyens les plus à mêmes de lui permettre l'expression et le respect des droits de l'Homme. Et donc au final d'instituer l'Etat de droit… Souvent cité, rarement visité, qu'est ce donc pour l'Europe que l‘Etat de droit? C'est essentiellement un espace où s'exercent des règles de droit clairement et démocratiquement définies qui garantissent la dignité et la liberté. Au demeurant, un espace d'égalité en droits et en obligations qui s'applique à tous et qui ne permet pas l'impunité. Comme vous n'êtes pas sans le savoir, le Royaume a émis des réserves aux dispositions concernant l'héritage des femmes au motif que l'égalité en domaine est contraire à la Chariaa. On peut chercher d'autres exemples où le principe universel s'oppose au précepte religieux. Considérez-vous qu'il faille faire violence aux convictions des peuples pour les amener à toutes les représentations occidentales ? Il appartient à chaque peuple de décider de l'expression de ses attentes, de choisir le mode de gouvernance qui répond le mieux à ses aspirations pour peu que les règles en soient démocratiques. Car c'est là le point nodal dans cette question : la règle doit être majoritaire et dès lors qu'elle a acquis ce statut, elle est opposable à tous, minorité comprise. Le principe c'est la liberté et donc il serait mal venu d'imposer quoi que ce soit à qui que ce soit. Je le dis et le répète, la gouvernance est affaire de génie des peuples et la démocratie, qui est une dans ces principes, peut revêtir des formes différentes sous l'empreinte de la culture ou de la civilisation propre à chaque pays. Pour en revenir à cette question des réserves, laissons le temps au temps, on saura y trouver solution de la manière qui ménage tout à la fois la réalité religieuse et l'aspiration à l'égalité. N'oublions pas qu'en Europe aussi les femmes n'ont bénéficié du droit de vote qu'au lendemain de la dernière guerre mondiale. Oui, il faut du temps pour qu'on se convainque que le sexe n'est pas un déterminant du droit et que homme et femme selon nous doivent avoir les mêmes droits et obligations L'U.E est-elle attentive au phénomène de la corruption et, plus généralement, à l'efficacité de l'usage qui est fait de son aide ? Attentive au point de nourrir de grands espoirs dans l'instance de lutte contre la corruption et de suivre avec intérêt son institutionnalisation. L'Europe octroie annuellement environ 2 milliards de dirhams de dons- je dis bien de dons- au Maroc. Je peux dire qu'ils sont utilisés suivant des formes et des procédures strictes dont nous sommes comptables devant le Parlement européen. Depuis un an et demi que je suis au Maroc, je n'ai jamais eu vent de cas équivoque en ce qui concerne notre aide. Quel sentiment avez-vous du projet de réforme de la justice marocain, puisqu'aussi bien le rendu de cette justice a été jugé perfectible par le rapport de la commission ? C'est un énorme chantier. Bâtir une justice plus efficace et plus indépendante est une tache immense et qui plus est dont l'objectif est essentiel à l'Etat de droit. Mohamed Naciri, votre ministre de la Justice est un homme qui s'y emploie avec compétence et diligence. Il a proposé un paquet de textes au Secrétariat du gouvernement dans cet objectif. ILa question essentielle est d'avoir une vue d'ensemble de cette réforme. Il me semble que ce n'est pas encore chose perceptible pour nombre d'observateurs. Une approche serait d'avoir une claire vision des objectifs de cette réforme et un aperçu fidèle des moyens humains et matériels qui permettent de les atteindre. Ce sont-là de vastes domaines et le moindre n'est certainement la formation des hommes de loi et la moralisation. Quelle place tient la société civile dans un partenariat rénové avec l'Europe ? La société civile est utile à plus d'un titre. Elle est capable d'apporter des éléments d'information, nouveaux ou complémentaires en regard de ceux récoltés auprès des officiels, sur la vie politique, économique et sociale. C'est donc une indiscutable source d'information et d'analyse de la réalité du pays hors-circuit officiel. Cette société civile peut également être une force de proposition pour le changement et l'amélioration générale des conditions de vie des citoyens. C'est pourquoi nous avons avec elle une fois par an, un dialogue sur les droits de l'Homme. En fait, nous avons pour habitude de d'abord prendre l'avis des ONG sur les questions qui seront évoquées lors de rencontres avec les officiels. Au moment où partout dans le monde la démocratie représentative traverse des difficultés, la société civile, élément fondamental de la démocratie participative, offre de nouvelles perspectives à la bonne gouvernance. Fondamental parce qu e c'est un lieu de construction de la cohésion politique, économique et sociale nationale. L'Europe accorde beaucoup d'importance à l'économie solidaire, laquelle à vos yeux veille non seulement à la maximisation de la production des richesses, mais encore à l'optimisation de l'effet social de leur distribution. Comment concilier cet objectif f avec la recherche du profit dans des sociétés sans tradition capitaliste assez forte pour les prémunir contre les excès ? Si on convient que c'est une situation où la croissance économique qui permet le développement de politiques sociales telles que la santé, l'éducation, la lutte contre la pauvreté et en général, de réduction des inégalités ; alors le chemin est tout tracé. En fait, l'économie solidaire c'est l'obligation qu'ont ceux qui produisent les richesses, et qui donc en profitent le plus, à être solidaire de la société en contribuant à l'effort collectif par l'impôt notamment. C'est aussi une économie où la lutte contre la corruption est efficace, où la répression contre la fraude s'exerce dans de bonnes conditions et où les règles de la libre concurrence sont bien respectées. Quelles priorités pour l'aide européenne au Maroc? Elles sont au nombre de trois essentiellement. C'est en premier l'accompagnement des politiques sociales et de réduction des inégalités. C'est ensuite le soutien prononcé en faveur de la modernisation et des gains de compétitivité de l'économie. C'est enfin une aide à la gouvernance avec pour objectifs une administration plus efficace, de plus grandes capacités de gestion de l'appareil de l'Etat et la formation. Coopération Maroc Union Européenne dates clefs 1969 : Conclusion de l'Accord 1976 : Accord de coopération avec 4 protocoles financiers 1995 : Déclaration de Barcelone 1996 : Conclusion de l'Accord d'association 1996 : Lancement du programme MEDA 2000 : Entrée en vigueur de l'AA 2000 : Lancement de MEDA II 2003 : Adoption de la Politique européenne de voisinage 2005 : Plan d'action fixant les domaines prioritaires 2008 (Octobre): Déclaration conjointe sur le statut avancé BIO Express Eneko LANDABURU, né le 11 Mars 1948 à Paris, de nationalité espagnole Depuis septembre 2009 Ambassadeur, Chef de la Délégation de l'Union européenne auprès du Royaume du Maroc 2009 Ambassadeur, Chef de la Délégation de l'Union européenne auprès du Royaume du Maroc 2003~2009 Commission européenne - Directeur général des Relations extérieures 2000~2003 Commission européenne - Directeur général de l'Elargissement. Négociateur en chef avec les pays candidats à l'adhésion à l'UE 1986~2000 Commission européenne - Directeur général de la Politique régionale 1983~1986 Institut de Recherche sur les Multinationales (IRM) à Genève Directeur de l'Institut de Recherche sur les Multinationales 1980~1981 Parlement d'Euskadi - Pays Basque espagnol Député du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) 1975~1979 Centre européen d'Etudes et d'Information sur les sociétés Multinationales Bruxelles - Responsable des programmes d'études et de conférences PROFESSORAT 1990~1994 Institut d'Etudes européennes - Université Libre de Bruxelles Professeur du cours “La Cohésion Economique et Sociale dans la Communauté européenne” Autres fonctions exercées Depuis 2008 : Expert Membre suppléant du Conseil d'administration de la Banque européenne d'investissement (BEI) 1993~2000 : Membre suppléant du Conseil d'administration de la Banque européenne d'investissement (BEI) 1994~2000 : Membre du Conseil de surveillance du Fonds européen d'investissement (FEI) - Luxembourg Depuis 1996 : Membre du Conseil scientifique de l'Institut d'Etudes européennes de l'U.C.L. - Louvain-la-Neuve Depuis 1996 : Membre du Conseil d'Administration de “Notre Europe”, association présidée par Jacques Delors.