La séquence Hommage du festival de Marrakech a revêtu cette année, dans sa dimension locale, un cachet particulier. Ce sont des personnalités, un homme et une femme, appartenant au secteur de laproduction qui sont mises à l'honneur. Khadija Alami et Zakaria Aloui. Le cinéma a aussi des stars discrètes : il y a celles qui sont en pleines lumières et il y a de vraies stars anonymes qui assurent à la lumière toutes les conditions matérielles et logistiques pour que les stars de l'écran rayonnent encore plus. Le festival de Marrakech a dans ce sens fourni et continue de mettre en avant des stars qui nous font rêver. Mais cette fois, le message est d'une autre nature. Avec Khadija Alami et Zakaria Alaoui, c'est un arrêt sur images qui dégagent tout un faisceau de signes éloquents. C'est d'abord une manière de saluer la formidable performance réalisée en 2014 par l'industrie du cinéma au Maroc via le secteur de la production internationale qui a connu une progression de plus de 420% par rapport à l'année précédente avec un chiffre d'affaires qui avoisine le milliard de dirhams investis ; Khadija Alami et Zakaria Alaoui ont été, entre autres, des figures de cette réalisation que le festival tient à saluer à juste titre. Leur profil par ailleurs est une autre indication sur les signes de l'émergence d'une jeune industrie émergente. Professionnels de la production exécutive, ils n'hésitent pas à s'impliquer dans la participation et la contribution à des productions «autochtones» aussi bien pour des films de long métrage que des films de court métrage. L'argent du cinéma reste dans le cinéma ! Les deux personnalités, en somme, dessinent la ligne ; elles sont l'illustration de la métamorphose accomplie et du changement qui s'opère. Leur réussite arrachée de hautes mains indiquent la transformation structurelle que connaît le système de la production internationale au Maroc. Avec Khadija et Zakaria et tous les autres qui travaillent avec abnégation, l'image du Marocain a changé ; il n'est plus un simple élément du décor général que la caméra de l'autre vient capter ; il est désormais un acteur dynamique de ce processus complexe ; il n'est plus cet artisan qui apporte et confectionne des accessoires pour illustrer l'exotisme et le dépaysement ; il est de plus en plus un expert qui apporte son savoir-faire reconnu et apprécié. Des atouts essentiels quand on sait que le secteur est appelé à connaître les dures lois d'un marché ouvert ; déjà dans le Golfe s'installe une forme d'appel d'air au bénéfice des productions étrangères sur la base de moyens financiers énormes ; et dans notre sous-région, bientôt des paysages et une nature proches des nôtres entreront en lice ; cependant, avec la riche expérience accumulée, avec l'expertise de ses professionnels, avec le dévouement et le sérieux qui viennent d'être salués à Marrakech, avec le soutien des plus hautes autorités du pays... le Maroc affiche sa disponibilité à assumer la concurrence et montre qu'il ne craint pas la compétition...avec les armes du cinéma. *** Coup de cœur Ce fut l'événement au sein de l'événement : la projection du nouveau film du Mauritanien Abderrahmane Sissako, Timbuktu, a été, en effet, l'un des événements phares de la 14e édition du festival de Marrakech. Beau, poétique, interrogateur, le nouveau film de Sissako prolonge d'une manière originale, la réflexion cinématographique sur le monde entamé avec Bamako. Après les affres de la mondialisation financière sur les pays pauvres, cette fois, c'est à partir des événements tragiques vécus au nord du Mali autour de la ville symbole de Timbuktu que se situe ce drame où les choses ne sont nullement manichéenne et dogmatiques. « Une gazelle, silencieuse et affolée, court devant un pick-up sur lequel quatre hommes tirent à la mitrailleuse alors que flotte le drapeau noir du djihad. La violence du son des balles qui déchiquètent les statues accompagne le générique. Non loin de Tombouctou, un otage européen est transféré d'une bande de djihadistes à une autre. Dans les dunes à proximité, Kidane mène une vie simple et paisible, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan, son petit berger âgé de 12 ans. En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. "Où est la clémence ? Où est le pardon ? Où est Dieu dans tout cela ?" interroge l'imam. Mais rien n'y fait : fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football alors que les djihadistes eux-mêmes se disputent sur les mérites comparés de Zidane et de Messi.» Nous apprenons que le film va être distribué au Maroc, nous y reviendrons plus en détails. Attention, chef-d'œuvre à ne pas rater !!