Née en 1973 à Rabat (Maroc), Rim Laâbi est cataloguée parmi les artistes plasticiennes de grand talent. Elle est Docteur en Arts Plastiques et Sciences de l'art (Paris I - Sorbonne) et professeur universitaire en histoire des arts et des idées à l'Université Mohamed V- Rabat. Elle expose, publie et anime des conférences et ateliers d'arts plastiques au Maroc et à l'étranger (Europe, Etats-Unis d'Amérique, Asie). Actuellement, elle a pu développer une recherche pratique et théorique sur le concept du «Rhizome». Entretien. Al Bayane : Un mot sur votre parcours de formation artistique et sur votre démarche créative? Comment vous êtes-vous intéressée à la pensée plastique ? (1) :«Un rhizome ne commence et n'aboutit pas, il est toujours au milieu, entre les choses, inter-être, intermezzo. L'arbre est filiation, mais le rhizome est alliance, uniquement d'alliance. L'arbre impose le verbe «être», mais le rhizome a pour tissu la conjonction «et...et...et...». Il y a dans cette conjonction assez de force pour secouer et déraciner le verbe être. Où allez-vous ? D'où partez-vous ? Où voulez-vous en venir ? Sont des questions bien inutiles. Faire table rase, partir ou repartir à zéro, chercher un commencement, ou un fondement, impliquent une fausse conception du voyage et du mouvement (méthodique, pédagogique, initiatique, symbolique...). Mais Kleist, Lenz ou Büchner ont une autre manière de voyager comme de se mouvoir, partir au milieu, par le milieu, entrer et sortir, non pas commencer ni finir. Plus encore, c'est la littérature américaine, et déjà anglaise, qui ont manifesté ce sens rhizomatique, ont su se mouvoir entre les choses, instaurer une logique du et, renverser l'ontologie, destituer le fondement, annuler fin et recommencement. Ils ont su faire une pragmatique. C'est que le milieu n'est pas du tout une moyenne, c'est au contraire l'endroit où les choses prennent de la vitesse. Entre les choses ne désigne pas une relation localisable qui va de l'une à l'autre et réciproquement, mais une direction perpendiculaire, un mouvement transversal qui les emporte l'une et l'autre, ruisseau sans début ni fin, qui ronge ses deux rives et prend de la vitesse au milieu». Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, Capitalisme et Schizophrénie 2, Paris, éd. de Minuit, 1980, pp. 36-37.