directrice du Festival international du film de Marrakech Al Bayane : C'est la fin de la 13e édition du Festival international du film de Marrakech. Quelles sont vos impressions générales? Melita Toscan du Plantier : Quand on est engagé dans l'organisation d'un évènement culturel d'une telle ampleur, il est assez difficile de se rendre compte de son impact et de sa qualité. Lorsque le catalogue du festival a été imprimé, j'aurais tant désiré être festivalière, avoir un badge, aller regarder les films classiques et récents programmés pendant cette 13e édition du FIFM, assister aux masterclass et profiter de ce grand moment. Je travaille énormément pendant le festival, je regarde certains films de la compétition et quelques autres, mais j'aurais bien aimé regarder de nouveau les films de Dreyer, de Bergman sur grand écran. Malheureusement, je n'en ai pas eu l'occasion. C'était la première fois que j'avais le sentiment qu'être festivalier(e) plutôt qu'organisatrice était une occasion idoine de jouir du festival. Selon vous, les objectifs du festival ont-ils été atteints ? Les objectifs du festival ont été largement atteints. Je dirais même qu'ils ont été dépassés, surtout cette année, car on a trouvé un équilibre entre la cinéphilie, le rêve et les prix des stars. Quand on jette un coup d'œil sur la liste des grands metteurs en scène qui se sont présentés pendant ce festival, qui ont fait partie du jury ou à qui des hommages ont été rendus, on se rend compte que ce sont des stars de renommée internationale qui ont fait vivre ce festival pendant 9 jours. C'est une édition magnifique, nous en sommes tous fiers. Cette réussite repose en grande partie sur son président, SAR le prince Moulay Rachid qui croit énormément en ce festival. Il nous impulse cette énergie, nous soutient, nous écoute, discute pour faire toujours de ce festival une grande réussite. Il a un regard qui nous guide dans la réalisation de ce festival ancré dans son pays. C'est formidable de l'avoir comme président, de travailler conjointement avec lui, car son apport dans le FIFM est indéniable. Je crois que sans lui, la réalisation et la réussite de ce festival seraient difficiles. Au regard du chemin parcouru par le festival, peut-on dire que le FIFM est en marche pour devenir comme les célèbres festivals internationaux, tels Cannes, Venise... ? La vision du FIFM n'est pas de se comparer à ces festivals internationaux. Cannes est devenu le plus grand festival du monde. Il a 60 ans. Cannes a un marché, contrairement à nous. Le FIFM puise sa force dans son identité. Les différents acteurs, metteurs en scènes et cinéastes qui participent à ce festival confient que le FIFM leur permet de mettre davantage en valeur leur véritable identité. C'est un festival de rencontres, de cinéma, plutôt que de «business», contrairement à Cannes qui a d'énormes enjeux financiers. L'absence de cet enjeu financier à Marrakech ne met pas une grande pression sur les acteurs et ne les oblige pas à vendre à tout prix des films pour se faire de l'argent. A Marrakech, ces acteurs se rencontrent, ont l'opportunité de discuter du cinéma. Ce qui est une perle rare et qui fait la particularité du FIFM. En 2010 et 2012, le festival a regroupé des cinéastes et personnalités du monde entier, mais cette année a été une édition assagie avec un équilibre entre la cinéphilie, les stars, le cinéma. Quel regard portez-vous sur le cinéma marocain à travers le prisme du festival ? Le cinéma marocain a fait beaucoup de progrès. Au début du festival il y a 13 ans, la production cinématographique à l'échelle nationale était de 5 films par an. Aujourd'hui, la production cinématographique marocaine oscille entre 25 et 27 films annuellement. Cette croissance est le corollaire de la création de l'école de cinéma de Marrakech et d'autres grandes écoles de cinéma dans tout le Maroc. Ces écoles vont produire de nouveaux réalisateurs qui à travers le festival auront la chance de rencontrer de grands metteurs en scène. Nous nous sommes rendus à l'école de cinéma de Marrakech avec Martin Scorsese. Il est allé à la rencontre des étudiants de cinéma. Le cinéma marocain évolue énormément et le festival est le moyen qui permet aux acteurs marocains d'être vus et entendus par le monde entier, d'être de plus en plus respectés. Un dernier mot aux cinéphiles et aux acteurs qui ont contribué à la réussite de ce festival ? Je tiens à remercier particulièrement tout le monde cette année, autant le public, que les acteurs et les organisateurs. J'étais impressionnée par la qualité du public qui vient de plus en plus nombreux regarder des films parfois complexes et méconnus au Maroc. Je crois que le public s'habitue et devient curieux. Au travers des ans, je vois les salles se remplir. Je suis également touchée par la presse marocaine. Au fil du temps, dans les journaux, on trouve des journalistes spécialisés dans la culture. Ce qui prouve également qu'en dehors du FIFM, la culture est importante au Maroc, c'est un vecteur incroyable. On constate que le nombre d'évènements de cinéma, de musique augmente chaque année.