Le sidérurgiste lance un appel pour des mesures anti-dumping Au rang des mauvaises nouvelles de cet été, Maghreb Steel, qui ambitionnait le leadership dans le domaine de l'acier au Maroc, semble vivre une situation financière difficile. Fortement affecté par les importations massives, Maghreb Steel aura, sans doute, du mal à maintenir son positionnement sur le marché marocain. Ce qui était une fierté du Maroc industriel s'avère (c'est une impression) n'être qu'une réjouissance passagère. Sa décrépitude risque de porter un coup dur à la volonté des industriels marocains de construire les bases solides du Maroc émergent. Après avoir annoncé une montée en puissance de son programme d'émission de Billets de Trésorerie pour surmonter la montagne de dettes, le management de la société lance un appel aux autorités du pays pour prendre des mesures de protection de la production locale d'acier. L'argumentaire développé par les responsables livre des conclusions qui donnent à réfléchir. Car jusqu'ici, en dépit des efforts visant une consolidation, il est peu probable que ce fleuron de l'industrie marocaine puisse assurer son avenir. C'est désormais une certitude : Maghreb Steel paie les pots cassés de la libéralisation. Exposée à la concurrence déloyale des importations, ce fleuron de la sidérurgie marocaine réitère son appel aux autorités pour des mesures de protection de la production locale et des emplois, et demande des mesures urgentes. Comme en témoigne l'enquête publiée par Bank-Al-Maghreb en juillet, le secteur de la métallurgie est le plus touché par la baisse de la production industrielle (-61%).Cette baisse est essentiellement due à une frénésie d'importations d'acier, essentiellement en provenance d'Europe où la sidérurgie connaît une crise profonde. Face à un dumping avéré, Maghreb-Steel a saisi les autorités pour mettre en place des mesures lui permettant de maintenir sa production et sauver les emplois. La reprise inévitable du marché international de l'acier constitue un facteur motivant pour Maghreb Steel mais aussi pour le secteur entier qui connait une sous-production par rapport à sa capacité réelle. En effet, la production mondiale actuelle de l'acier est évaluée à 1,6 milliard de tonnes, soit un ratio de 230 kg per capita. La production nationale est, à ce jour, évaluée à 1,5 million de tonnes pour une capacité nationale de production estimée à 2,5 millions de tonnes, soit un ratio de 75 kg per capita. A titre indicatif, la production d'acier en Turquie est 15 fois plus importante que celle du Maroc avec un niveau de coût de production comparable. 43 % de la production exportés La qualité des produits de Maghreb-Steel, fruit d'un savoir-faire et d'une technologie de dernière génération, est appréciée au niveau national et international. En 2012, les exportations de l'entreprise ont atteint 1,14 milliard DH (soit plus de 150.000 T d'acier vendues à l'étranger). Avec la montée en régime de production, ce chiffre pourrait tripler pour avoisiner les 4 milliards DH. Malgré la crise, le chiffre d'affaires de Maghreb Steel s'est maintenu à 2,7 milliards DH en 2012, dont 43% à l'export. Pour achever son énorme programme d'investissement tout en résistant aux effets destructeurs de la crise mondiale, Maghreb Steel a procédé à une augmentation de capital, le faisant passer de 900 millions à 2,4 milliards de DH. Parallèlement, les bailleurs de fonds ont confirmé leur soutien par la signature début août d'un protocole d'accord engageant les 6 banques de la place regroupées en consortium. Cela a permis à l'entreprise de pouvoir résister à l'invasion des produits importés : pour exemple, les importations de tôle galvanisée et de laminé à froid ont augmenté respectivement de 225% et 238% entre 2011 et 2012. Ce qui a engendré pour l'entreprise une perte sur cette période évaluée à 500 millions DH. Combien de temps pourra encore tenir Maghreb-Steel dans ces conditions? Les autorités de tutelle tardent à prendre des mesures anti-dumping mettant chaque jour un peu plus en péril la survie de l'entreprise. Licenciements et tension sociale Qu'attend l'Etat pour sécuriser un secteur pilier de l'économie et sauvegarder des emplois ? C'est la question posée puisque les conclusions de l'enquête ouverte par le ministère de tutelle sur demande de Maghreb Steel confirment le dumping sur les importations provenant des pays de l'Union européenne (UE) et de la Turquie. L'enquête a été initiée à la demande de l'entreprise dès novembre 2012. Si le volet «investigation» est bouclé, aucune décision n'a été prise à ce jour, malgré de nombreuses lettres de rappel insistant sur le caractère d'urgence des mesures à adopter. De plus, les ventes des mois de juillet et août ont été catastrophiques et on s'attend à ce que la reprise en septembre ne bénéficie qu'aux importations. Face à cette situation, la direction n'a eu d'autre choix que de licencier 350 employés en août, créant par là-même de fortes tensions sociales. Si les mesures anti-dumping venaient à tarder, ces licenciements pénibles et douloureux devraient continuer et l'usine connaître des périodes d'arrêt plus ou moins longues, voire un arrêt total de l'activité. Aujourd'hui, le Gouvernement a une responsabilité pour préserver le plus important investissement industriel privé jamais réalisé au Maroc. Les actionnaires et les organismes financiers ont joué leur rôle en maintenant leur confiance et en assurant le maintien de l'activité, en dépit d'une conjoncture extrêmement défavorable. Mais tous ces efforts resteront vains si l'Etat ne décide pas de prendre des mesures immédiates pour la sauvegarde de cette industrie. Appel public à l'épargne La société Maghreb Steel du groupe Sekkat renoue avec les émissions de Billets de Trésorerie (BT) et lance un nouveau programme d'un montant d'1,5 milliard DH. Cette nouvelle émission a reçu le feu vert du CDVM, le gendarme de la Place. Pour rappel, la première émission de billets de trésorerie a eu lieu le 31 juillet 2002. Maghreb Steel a procédé à plusieurs extensions de plafond du programme de billets de trésorerie. Ainsi, ledit plafond a été porté à 200 millions DH en 2004, puis à 400 millions en 2005 et à 800 millions en 2006. La dernière extension date de 2008, où le programme a été augmenté de 800 millions DH à 1.500 millions DH. L'encours des billets de trésorerie émis par Maghreb Steel s'élève à 895 millions DH au 25 août 2013. Le capital de la Société s'élève à 2,4 milliards DH dont 300 millions ne sont pas encore libérés au 31 décembre 2012. La libération du reliquat devrait être réalisée avant le 30 juin 2014 selon l'accord conclu avec le consortium des banques marocaines.