Comme annoncé auparavant sur Lakome.com, le fleuron de la sidérurgie marocaine peine à joindre les deux bouts depuis le début 2012. Surendetté à cause de ses investissements et de la dépréciation de ses stocks (suite à la baisse des cours de l'acier à l'international), Maghreb Steel s'est trouvé, vendredi dernier, incapable de rembourser près d'un milliard de dirhams en billets de trésorerie, arrivés à terme. Réglée in extremis par les banques (AWB/BCP/BMCE/CDM) qui financent les crédits de trésorerie de l'aciériste, «ces banques ont rééchelonné cette dette de 2 milliards de dirhams sur les trois prochaines années » affirme Fadel Sekkat, PDG de Maghreb Steel, joint par Lakome. Ce dernier a expliqué que la dette de son entreprise avoisine les 8 milliards de dirhams, engendrée notamment suite au gros investissement dans le complexe sidérurgique de Mohammedia, qui pèse à lui seul 5,7 milliards. Mais un an auparavant, les calculs de la famille Sekkat rendaient certain le retour sur investissement, car «l'Europe était une importatrice nette de nos productions, et 57% de notre stock devait désormais s'adresser à la demande du Vieux continent». Entre temps, des événements perturberont la montée en puissance du géant de l'acier... La crise économique et financière qui a frappé tous les secteurs à l'échelle planétaire n'a pas été tendre avec l'industrie lourde. En Europe, ayant pâti de l'incertitude des cours qui ont sensiblement baissé entre 2008 et 2012, ce secteur, qui était à la base importateur, a commencé à écouler son surplus à l'extérieur du continent. Entre l'Europe et le Maroc, la situation s'est inversée depuis le début 2012. L'année en cours, qui a été aussi celle de la fin du processus du démantèlement des droits de douanes, a transformé l'Europe d'importateur en exportateur vers le Maroc. Combinée avec la baisse des prix à l'international, la situation était prédestinée à empirer. Longofer, principal client de Maghreb Steel (qui contribue à hauteur de 5 % de son chiffre d'affaires), peut en attester. Son directeur commercial, Najib Taoufik affirme que depuis le début de l'année 2012, « les prix de la plupart des produits de l'acier ont commencé à baisser, et les produits européens ont envahi le marché local. Ces produits sont de meilleures qualités, et surtout, vendus en moyenne 20 % moins chers qu'avant, et moins chers que chez Maghreb Steel ». Cette situation a poussé Maghreb Steel à s'aligner sur les prix européens, alors que le groupe a déjà déprécié près de 2 milliards de dirhams de stocks, hérités de l'exercice 2011. Selon Fadek Sekkat, « Les européens vendent moins cher au Maroc que chez eux. C'est du dumping clair et net. Et l'Etat ne fait rien pour protéger l'industrie nationale » Ce qui est sûr, c'est que les industriels marocains, à la veille de la fin du démantèlement, n'étaient pas du tout prêts à affronter une concurrence totale que tout le monde attendait depuis 17 ans. « L'accord de libre-échange entre le Maroc et l'Union européenne a été signé en 1995. Au fur et à mesure du démantèlement aux rythmes décidés conjointement entre les deux parties, l'Etat n'a procédé à aucune mise à niveau sectorielle » explique Najib Akesbi. Selon l'économiste, nous sommes en train de payer la léthargie de nos gouvernants qui n'ont entrepris aucune véritable réforme. « Mais les négociations entre le Maroc et l'UE se sont déroulées aussi avec l'aval des industriels marocains, et ceux-là n'ont pas montré leurs véritables exigences et ont béni la plupart des décisions » rajoute-t-il. De leur côté, les opérateurs du secteur tirent la sonnette d'alarme. Après les profits warnings de Sonasid (filiale d'Arcelor mittal et de la SNI), « le taux des impayés a explosé cette année, et sur toute la filière de l'acier, la liquidité fait défaut à cause des retards de paiement, les délais de 120 jours ne sont jamais respectés et la boucle devient infernale » tacle Najib Taoufik, et de conclure, sur une note pessimiste : «la sidérurgie n'est pas le seul secteur dans lequel la crise se matérialise et va se matérialiser davantage ».