La crise économique que traverse l'Espagne depuis l'effondrement du bâtiment, en 2007, a incité le gouvernement à s'impliquer dans des formules néolibérales pour redresser les compotes de la comptabilité publique, elle a réduit les opérations immobilières et créé un nouveau type de débat inspiré du duel FC Barcelone-Réal Madrid. En général, en période de crise émergent de nouveaux comportements sociaux pour passer outre la précarité et se prémunir contre la marginalisation dans une société de consommation à outrance. Ce qui est toutefois certain, en ce début de week end est que le gouvernement devait adopter par décret la nouvelle réforme du marché du travail, que les rapports de conjoncture rendus publics, vendredi, font état de la chute des ventes d'appartements tous types, que les télévisions terrestres numériques commentent avec énormément de verve l'hypothétique refus du Réal Madrid de prêter son stade pour abriter la finale de la Coupe du roi d'Espagne que disputera le FC Barcelone et l'Athlétique de Bilbao, qu'un juge connu pour la persécution des dictateurs soit écarté de la magistrature. Ce sont là les ingrédients d'une actualité très pimentée dont les acteurs sont à la fois le gouvernement, la société dans son ensemble et les journalistes pique-assiettes qui mangent dans tous les plats sautant d'un thème à l'autre. Par ordre d'importance, vient bien entendu en tête le futur d'une génération de jeunes qui risque de passer la vie en courant derrière un emploi bien rémunéré, stable et conforme à leur formation acquise. Le conseil des ministres devait approuver par décret, vendredi, au cours de sa réunion hebdomadaire, la réforme du marché du travail. C'est l'avantage dont jouit l'actuel gouvernement de Mariano Rajoy, fort d'une majorité absolue au parlement. Cette réforme a pour finalité, explique le gouvernement, de simplifier les modalités contractuelles, changer le modèle de formation professionnelle et réorienter les encouragements fiscaux accordés aux entreprises engageant de nouveaux travailleurs et les politiques d'emploi pour généraliser l'emploi des jeunes. Ce sont des idées, qui paraissent génériques, mais traduisent au fond les intentions de l'actuel gouvernement de prendre en main la politique de l'emploi et imposer des conditions nouvelles au marché du travail. Le risque d'une grève générale à l'instigation des syndicats n'est pas écarté, comme l'a bien laissé entendre le président du gouvernement, Mariano Rajoy. La réforme a une autre implication puisqu'elle vise aussi à réduire les retraites anticipées et mettre fin à la pratique d'utiliser l'indemnité de chômage comme mécanisme de retraite larvée, du fait que 25% des travailleurs occupés qui accèdent à la retraite proviennent du chômage, selon le ministère de l'Emploi et de la Sécurité Sociale. Bien entendu, les centrales syndicales ont exercé leur droit à la réponse en accusant le gouvernement de recourir au principe de décret pour transgresser le droit des syndicats à l'information comme s'il s'agissait d'un « protocole secret ». Il s'agit de la dixième réforme du marché du travail adoptée depuis la restauration de la démocratie en Espagne, en 1978. La dernière en date, proposée par l'ex-gouvernement socialiste, remonte au 9 septembre 2010 et lui avait coûté une grève générale. Le Mouvement 15 Mai des indignés a annoncé les couleurs en décidant d'organiser, vendredi, une concentration à la Puerta del Sol (centre de Madrid) sous le thème «en défense de tes droits, de l'emploi et de ton futur». Le mouvement, estime, dans un communiqué parvenu à Albayane, qu'après cette réforme «il est prévisible qu'il ne nous restera plus aucun droit si l'on prend en compte ceux qu'ils nous ont enlevés durant ces années». Il s'agit de la réforme «la plus dure» de l'histoire de l'Espagne parce qu'elle va «transformer l'emploi en esclavage et convertira les personnes en main d'œuvre jetable et en travailleurs à utiliser et larguer sans droits». Ceci intervient le même jour où l'Institut Espagnol de la Statistique (INE) a rendu public un rapport de conjoncture annonçant la chute de 17,7% en 2011 des ventes d'appartements neufs et de deuxième main qui ont diminué de 361.831 opérations immobilières par rapport à l'exercice précédent. C'est une conséquence de la débâcle du secteur immobilier, de la peur du futur qui incite à éviter les investissements dans la «brique» et les incertitudes du marché de l'emploi. Par contre, aux télévisions terrestres numériques et presse sportive, le duel excessivement médiatisé entre le FC Barcelone et le Real Madrid constitue un filon d'or pour les commentateurs à la carte. Abusant de l'audience du sport, ils optent pour un débat purement byzantin s'il est opportun ou non d'accepter de jouer la finale de la coupe du roi d'Espagne au Santiago Bernabeu, stade des «meringues». Les motifs sont bien clairs après l'élimination de la course pour ce titre du Réal Madrid par précisément le Barça, il y a quelques jours. Toutefois, le débat déborde le cadre sportif et attise la crispation entre catalans et espagnols. Ce débat intervient alors que près de 5,5 millions de personnes sont sans emploi, 1,5 millions de ménages dont tous les membres sont en chômage et plus de 45% des jeunes sont en quête d'un emploi.