“Esprit de Marrakech dans la littérature et la peinture” (Ed. Alentours), est l'intitulé du dernier opus du professeur et critique d'art Azzouz Tniffas, qui offre aux lecteurs une invitation à découvrir les arts et la littérature dans la cite ocre. Document inédit, l'ouvrage de Tniffas livre en deux parties, “La peinture” et “La littérature”, l'histoire succincte d'une cité qui a fasciné des peintres et écrivains européens et marocains du début du 20ème siècle. Riche en biographies accompagnées d'illustrations et d'extraits littéraires, ce livre est une galerie de portraits rares, de textes illustrés, et de comparaisons entre une Europe qui s'essouffle en tant que source d'inspiration artistique et un Maroc : “ce dernier Orient à conquérir pour alimenter encore les songes et les visons des peintres européens”, et de différenciations entre Tanger berceau de peintres voyageurs et Marrakech terre de peintres sédentaires. Cette publication sommaire de près d'une centaine de pages, est un éclairage sur le Maroc artistique et culturel du temps du Protectorat, sur l'histoire de la peinture marocaine que l'auteur qualifie de narrative dans le sens où elle relate le temps ancien. Côté arts plastiques, cet ouvrage, qui révèle le parcours de peintres célèbres européens, tels que Jacques Azema, Jacques Majorelle, André Suréda Edy et marocains Aziz Abou Ali, Saïd Aït Youssef, Mohammed Ben Allal, Moulay Ahmed Drissi, Hassan El Glaoui et Abbsa Saladi, est un témoignage vivant sur l'histoire d'une cité située à mi-chemin entre la modernité et la tradition. “Des peintres européens continuent encore à venir, chercher l'inspiration à Marrakech, et ce n'est plus le pittoresque ancien qui les stimule, mais ce télescopage entre modernité et tradition, caractéristique de cette ville, qui leur offre une idée du monde globalisé actuel”, écrit Azzouz Tniffas. Cette peinture orientaliste “tardive” qui d'emblée s'installe à Marrakech, a nourri et encouragé la première génération de peintres de la cité ocre donnant l'élan à un courant figuratif, développant des styles en mouvements, en gestes impressionniste, expressionniste et même surréaliste pour prendre finalement l'identité “d'une peinture narrative” du temps ancien. Cette mémoire d'une cité exceptionnelle que “la ville elle-même a réclamé” se retrouve également dans la littérature. “Les bons orateurs, poètes jouissaient d'une renommée considérable à Marrakech” rappelle Tniffass, expliquant que des écrivains dont les oeuvres sont présentées dans le livre “ont su écouter l'âme ancienne de cette ville unique, et lui assurent une certaine pérennité dans les cŒurs de leurs lecteurs”. Côté littérature, l'auteur se penche sur les perceptions respectives des écrivains à travers leurs écrits. Ce sont Elias Canetti, Claude Ollier, Colette mais aussi François Régis Bastide, Juan Goytissolo et Henri Terrasse qui, “désenchantés” ,ont rencontré le sublime en pénétrant dans cette ville et se sont nourris pour produire des écrits prodigieux. C'est aussi des Marrakchi comme le conteur incontournable Ben Brahim (1900-1954), l'écrivain Mohammed Ghazi Chniber et le poète et romancier Mohammed Loakira qui ont exprimé dans leurs récits, “la ville qu'ils ont dans la peau”. Tout ce panel d'artistes et d'écrivains que Tnifass a eu l'idée “éclairée” de célébrer ont été à l'origine d'une naissance : la peinture et la littérature marocaine dans une ville en retrait. “Esprit de Marrakech dans la peinture et la littérature” est une “boîte à merveilles” contenant des découvertes sur la symbolique d'une ville, de ses visiteurs et de ses conteurs qui sont devenus au fil des années : ses habitants et son identité.