Abdellah Azz Première rencontre. Dans le hall froid et ensoleillé d'un complexe culturel. La toile sur un chevalet de circonstance frappait par la couleur rouge brillant et d'impact fort qui y dominait. Un rouge qui drapait le corps d'une femme toute en courbes exagérées, en rondeurs accentuées, seins et fesses surtout. L'ensemble esquissé par des traits sommaires donnant des contours hésitants mais surs qui offrent à voir du féminin d'une singularité apparente. Oui, du féminin dont on sent qu'il est le pendant spirituel à ce physique étalé, excessif, à la limite de la démesure plaisante. Car par-delà le corps, l'artiste plasticien nous invite à sentir le fond spirituel ailé qui se concentre dans le visage. Tous ses tableaux se présentent ainsi suivant une fécondité insatiable. Corps et visage, voilà le champ d'une investigation de la femme vue et re-vue par Abdellah Azz. Disons rêvée, fantasmée, sentie autrement, remodelée. Une fois l'œil repu et capté par la beauté singulière d'une géographie dodue, les yeux de la femme s'emparent de l'égarement momentané pour laisser libre cours à l'expression. C'est une dualité à équilibre pas toujours juste ni « équilibré » mais qui libère l'interprétation. Parfois le tableau est surchargé, et c'est une multitude de motifs infinis qui entourent la femme comme la baignant dans un fastueux qui fait penser au naïf enchanteur. Motifs ou scènes de la vie au quotidien. Hammam, intérieur de foyers avec zelliges, arcades, murs, tout ce qui permet le récit de la femme en son for intérieur, cette propre intimité, extrapolé à travers ces signes décoratifs dans les proches limites de son existence. Presque nue, mais comme nue, en différentes postures, seule ou accompagnée d'autres femmes, quelques fois de femmes masculinisées par l'habit. Des fois, c'est le fond de surcharges décoratives, presque inexistant qui domine, et c'est comme une fête de couleurs fournie à satiété et cadrée de géométries variables. L'harmonie détermine alors une impression de plongeon dans l'insaisissable désir provoqué par la vision. La relation alors est une pure relation de plages colorées. La femme en cela est un petit univers de secrets à éluder. Cela en ce qui concerne le donné immédiat, cette rencontre première. Car revenons-y, cela reflète et l'artiste et ses sources inspiratrices. Il veut, bohémien comme il se le répète et se plait à le dire d'un côté, et intellectuel et fort féru de la littérature et de l'écriture de l'autre, rendre compte d'un spirituel qui trouve en la célébration des charmes féminins une représentation magnifique. Pour s'en rendre compte de plus près, il faut s'arrêter et contempler les formes. Visages allongés et yeux bridés à la Modigliani, plis, moues et penchements de côté, nez retroussés, chevelures collées et brillantes. Autant de caractéristiques qui lient Abdellah Azz à l'école du célèbre peintre et ses semblables. Mais là, avec la société marocaine comme appui, point de départ et lieu d'évocation initiale. Et comme lui, le pinceau du peintre souligne la tristesse, l'enfantin, le dérobé et l'impénétrable énigme de ces femmes arborant les formes tristes des sentiments dans la solitude de leur condition de l'autre sexe, on dirait refoulés mais dévoilés par la magie de l'art. Une peinture qui propose des questionnements et provoque de l'admiration. Abdellah Azz y est sincère et particulièrement doué. Il peint son monde à lui, charnel et sensible, loin de toute analyse introspective. Et c'est ce qui compte le plus. Seul l'art demeure.