Les avis divergent Le gel des 15 milliards DH d'investissement au titre de l'année 2013, décidé par le Chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, a suscité des réactions divergentes chez la communauté des économistes marocains. Cette coupe sombre dans le budget d'investissement serait, selon le CMC, «une fausse piste pour résorber les déficits publics». Pour Najib Akesbi, ce "n'est pas la solution qui va permettre au Maroc de sortir de la crise". En revanche, Abdeslam Seddiki estime que c'est "nécessaire" d'autant plus que la situation des finances publiques n'est pas rassurante, avec un déficit budgétaire dépassant les 7% et une épargne publique négative. Cela dit, le ministre chargé du Budget, Idriss El Azami, souligne (dans une interview accordée au journal Attajdid dont la publication de l'intégralité des propos est prévue dans l'édition de ce jeudi) que cette décision du gouvernement «n'aura aucun impact sur la croissance économique». Le ministre a défendu la décision du gouvernement en ce sens que ce «gel est de nature à permettre de retrouver les niveaux d'investissement des années antérieures». Les avis divergent, mais tout le monde est d'accord sur la nécessité de «lancer au plus vite les réformes structurelles»Les réformes de la fiscalité, de la Caisse de compensation, des caisses de retraite et du statut de la fonction publique sont «incontournables et sont les seules susceptibles de faire sortir le Maroc de l'impasse où il se trouve», a affirmé Najib Akesbi, professeur à l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II, en réaction à la décision prise la semaine dernière par le gouvernement, consistant à geler 15 milliards DH d'investissement au titre de 2013. La dernière décision du gouvernement «n'est pas la solution qui va permettre au Maroc de sortir de la crise», elle va plutôt freiner la croissance économique, en dépit des prévisions d'une "bonne" année agricole, a estimé M. Akesbi. «Plus on tardera à mettre en œuvre les réformes nécessaires, plus ça sera coûteux et difficile», a averti cet économiste.Ce point de vue est partagé par Abdeslam Seddiki, professeur d'économie à l'Université Mohamed V Agdal, qui a souhaité que le gouvernement puisse saisir ce moment de répit et les opportunités de la crise actuelle pour lancer au plus vite les réformes structurelles qui «s'imposent et envoient des signaux forts de confiance». «On a des chances sérieuses de rentrer dans un sentier de croissance durable», a assuré M. Seddiki, relevant que "le Maroc détient des atouts considérables et dispose d'un fort potentiel de croissance. Il faut juste procéder aux réglages institutionnels nécessaires». Pour M. Akesbi, le problème existe au niveau de la structure de financement du budget général de l'Etat de 2013 où les recettes fiscales ne couvrent que 60 % des dépenses budgétaires, alors que les 40% restants devraient être financés par le recours à l'endettement. Or, "même avec un endettement croissant, on voit bien que le déficit budgétaire reste important", insiste-t-il. Puisque la marge de manœuvre est limitée au niveau des dépenses relatives à la masse salariale, au service de la dette et à la caisse de compensation, il ne reste que la coupe dans l'investissement, considéré "la variable d'ajustement", afin d'atteindre un déficit budgétaire "acceptable", a relevé cet expert. Selon son confrère Seddiki, la coupe dans les dépenses d'investissement est "nécessaire" d'autant plus que la situation des finances publiques n'est pas rassurante, avec un déficit budgétaire dépassant les 7% et une épargne publique négative.Par ailleurs les restrictions ne touchent que l'investissement inscrit dans le budget général et ne concernent pas les investissements réalisés par les entreprises et établissements publics qui représentent la part de lion, a-t-il précisé. Contrairement à ce qu'avait déclaré le ministre chargé du Budget, Idriss El Azami, cet économiste croit qu'une «coupe budgétaire ne peut jamais être considérée comme une mesure de relance», mais plutôt comme une mesure «d'assainissement» de la situation des finances pour mettre fin à «l'hémorragie» qui risquerait de porter un coup fatal à la crédibilité du Maroc auprès de ses bailleurs de fond et réduirait, de ce fait, sa marge de manœuvre.L'universitaire a, en outre, précise que le gouvernement doit veiller à ce que cette mesure n'ait pas un grand impact sur le niveau de vie de la population et n'affecte pas la qualité des services publics de base, en procédant à un meilleur ciblage des dépenses et à une meilleure efficacité. Le montant des coupes arrêtées a été réparti sur les départements ministériels en fonction du degré de réalisation des projets. Le ministère de l'Economie (volet des charges communes) arrive en tête avec 2.392.048.100 DH de coupes, suivi par le ministère de l'Agriculture (2,2 MMDH), celui de l'Equipement et du transport (1,75 MMDH) ainsi que le département de l'Energie et des mines (1,51 MMDH) et du ministère de l'Intérieur (1,25 MMDH). Les Haut-commissariat et la délégation générale de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion sont également concernés par les restrictions budgétaires.