Il n'y a pas de pape sans fumée blanche Après plusieurs séries de «fumées noires» sortant d'une cheminée du Vatican, et synonymes de désaccords persistants quant au choix du remplaçant du pape démissionnaire Benoît XVI, la fumée blanche a finalement fait son apparition mercredi 13 mars, pour annoncer au monde l'«Habemus Papam» (Nous avons un –nouveau – pape), Et a nouveauté est de taille. Pour saluer la nomination d'un Argentin au trône de Saint-Pierre, l'enthousiasme était à son comble dans toute la presse d'Amérique latine, un sous-continent dont les populations sont à majorité chrétiennes. «Enfin, un pape noir» titre, un brin provocateur, le magazine brésilien Vega. Il s'agit pour ce journal de mettre en effet l'accent sur les deux traits saillants qui distinguent le nouveau pape de ses prédécesseurs. D'une part, le souverain pontife choisi par ses pairs est originaire d'un pays du Sud, alors que, depuis quelque dix siècles, le locataire du Saint-Siège a toujours été un Européen. D'autre part, Jorge Mario Bergoglio, d'origine italienne, devenu depuis l'après-midi du mercredi 13 mars le Pape François (tout court), est le premier appartenant à l'ordre des Jésuites (ou scolastiques) à devenir pape. Les adeptes de son ordre, dit aussi Compagnie de Jésus, professent pauvreté, chasteté et obéissance absolue à Dieu et au pape, religieusement appelée le «perinde ac cadaver» (obéir comme un cadavre qui ne peut pas réagir). D'où son nouveau de François, en référence à Saint-François d'Assise, cet qui avait pour la première fois reformé l'Eglise du Moyen-âge (XIIIe siècle), à un moment où celle-ci était au summum de sa puissance politico-religieuse et baignait dans l'opulence. Le pape François va essayer à son tour de rebâtir l'Eglise avec «les pierres vivantes que sont les pauvres». Une œuvre d'autant plus nécessaire que l'Eglise a été régulièrement éclaboussée, ces dernières années, par de sales affaires de pédophilies, dont les auteurs ne sont autres que de grosses légumes de la haute hiérarchie ecclésiastique, censée donner l'exemple de la chasteté et de la pureté. Le programme du nouveau pape est donc tout tracé : revenir aux sources du christianisme tel qu'il a été propagé depuis Beit Lahm en Palestine, dans le droit chemin de Issa Ibn Mariem et ses apôtres, des volontaires au service des pauvres et dont l'estime au sein de la société était énorme. C'est dire qu'en cette période de graves divisions religieuses qui traversent la planète, marquées surtout par la haine des musulmans et de l'islamophobie ambiante en terre chrétienne que les provocateurs de tous bords ne cessent d'attiser, le nouveau pape à un rôle moral de premier ordre à jouer. Et ce dans les limites de ses pouvoirs, car il est aussi tenu de respecter la séparation entre le religieux et le politique, un point cardinal qui régit les rapports de l'Etat du Vatican avec les autres pays du monde. Comme quoi il n'y a jamais de pape tant qu'il y a des fumées noires.