Dans le domaine du transport routier des voyageurs, l'amélioration enregistrée par quelques entités (CTM, Ghazala, etc.) cache mal la misère du secteur : vieillissement du parc, fragilité des entreprises, prédominance de l'informel... Ce n'est là que la pointe visible de l'iceberg. Car, le secteur, dans sa globalité, confronté à un problème de financement et à un manque de cohérence de politique publique, est mal préparé pour réussir sa mutation dans le contexte actuel d'ouverture et de libéralisation. Bien qu'il soit vital pour l'économie du pays et sa compétitivité, les transports routiers (de marchandises et de voyageurs) sont, comme dirait un professionnel, l'angle mort des politiques de lutte contre l'informel. Pour Abdelilah Hifdi, Président de la Fédération des Transport-CGEM, il est impératif d'engager sans délai des actions permettant de se placer vers 2020 sur une «trajectoire vertueuse» pour faire face aux différents scénarios à très long terme. Lors de la conférence de presse, mercredi à Casablanca, la Fédération des Transport-CGEM a exprimé son inquiétude, quant à la réforme du secteur annoncée par le Chef du gouvernement Abdelilah Benkirane. Aux yeux de M. Hifdi, le secteur des transports a presque toujours fait l'objet d'interventions publiques, sous des modalités et selon des intensités diverses au cours des dernières années (nouveau code de la route, réglementation et élaboration des cahiers des charges par branche d'activité, prix administrés...). Depuis 2003, le transport routier subit une transformation avec la libéralisation du secteur, mais la guerre déclarée par l'actuel gouvernement à la rente dans le secteur est, de toute évidence, «un défi considérable», estime le président de la FT-CGEM. C'est un secteur qui évolue à deux vitesses : d'un côté des entreprises de transport structurées, de l'autre des entreprises individuelles qui faussent le jeu de la concurrence. 47% du parc (quelque 1.070 véhicules de transport de voyageurs sur 2250) représentent 91% des postes de travail déclarés et plus de 60% du chiffre d'affaires annuel (2 milliards DH sur les 200 millions kilomètres parcourus). dans le transport des marchandises, 95% des flux sont assurés par la flotte étrangère. D'où le risque qui menace la souveraineté du pavillon marocain. Aller vers un contrat-programme Pour les transporteurs professionnels, présents à cette rencontre avec la presse, de nombreuses questions se posent en matière de régulation publique du secteur pour trouver des modalités d'intervention compatibles avec la dynamique souhaitée. Faute d'une vision globale (car les différents modes de transport s'entrecroisent) et d'un plan stratégique, la FT-CGEM qualifie l'approche du gouvernement d' «inappropriée». Son président a dit «tendre la main au gouvernement pour mettre en place –dans un cadre de partenariat public-privé- les outils nécessaires pour piloter le développement économique du secteur et faire éclater les verrous qui freinent son développement et bouchent l'horizon devant les jeunes. Maintenant que le diagnostic est connu (dysfonctionnement des marchés et des règles qui les encadrent), la FT-CGEM est essaie, à travers les études menées et les divers scénarios, d'en élaborer une feuille de route à même de permettre aux professionnels de se préparer au « big bang » du secteur. Il s'agit, selon la profession, d'envisager une régulation du secteur qui tienne compte de son développement dans un marché qui tend à l'intégration (dans la nouvelle stratégie logistique). Il ne s'agit pas d'apporter des réponses ponctuelles à des questions particulières, explique M. Hifdi. «Nous souhaitons une régulation qui puisse s'inscrire dans une vision du devenir du secteur afin de permettre à tous les opérateurs de prendre leur destin en mains». La question des «agréments», qui pullulent, faussent la donne et rendent compliqué la politique de lutte contre l'informel. L'accès au marché, selon les professionnels, doit être conditionné par la délivrance d'une licence de transport en fonction des besoins du marché et de ses conditions d'équilibre. La tarification routière encadrée par les pouvoirs publics est aussi une préoccupation des professionnels. La FT-CGEM estime que les pouvoirs publics doivent viser l'efficacité du secteur que la régulation doit conforter et non pénaliser. Il est de l'intérêt de l'ensemble de l'économie et de la société que le secteur des transports puisse répondre à la demande, dégager des gains de productivité, investir, innover, créer de l'emploi... Les règles du jeu de la concurrence La concurrence dans le secteur ne peut pas être bénéfique si les règles du jeu (et les modalités de leur application et de leur contrôle) ne sont pas respectées par tous. De l'avis des intervenants, la situation difficile qui est celle du secteur des transports ne trouvera une issue que si les acteurs professionnels et sociaux s'engagent en concertation dans une réflexion de prospective. Le respecte des conditions «normales» d'accès et de maintien dans le marché devrait éviter que les entreprises fragiles ne tirent les prix vers le bas, tout en tournant les réglementations, en particulier sociales. La FT-CGEM, qui appelle au contrôle du respect des règles des codes du travail et de la route, veut aller vers un « contrat-programme » pour tirer vers le haut ce secteur qui dispose d'un grand potentiel de croissance.