Le nouveau gouvernement a du pain sur la planche quant au dossier de l'informel. Les engagements de l'équipe gouvernementale de Benkirane sont en effet tels qu'il devra démêler les echeveaux de ce fléau sur certains secteurs clés de l'économie nationale. Parmi ces secteurs, celui du transport, activité transversale dans le tissu économique, et qui nage dans un grand marasme depuis quelques années. Concurrence acharnée, stagnation de la demande, contrôle insuffisant... font qu'aujourd'hui, les entreprises opérant dans le transport de marchandises suivent une «logique de survie depuis la libéralisation du secteur», commente Abdelilah Hifdi, président de la Fédération de transport au sein de la Confédération patronale. Et parmi les effets perverses de cette situation, plusieurs entreprises ont migré vers l'informel pour s'assurer une rentabililité. «Les PME opérant dans le secteur n'ont pas encore atteint le niveau de maturité qui leur permettra de relever les défis qui ont suivi la libéralisation du secteur», estime Hifdi. Cela est d'autant plus justifiable, aux yeux du responsable, «que la grande majorité n'ont pas une bonne assise financière qui pourrait favoriser leur pérennité au sein d'un environnement marqué par une forte concurrence». Le secteur ne prend pas la route Ces pratiques peuvent donc être relevées notamment sur les tarifs appliqués par certains opérateurs. Une «concurrence déloyale» est donc décriée dans le secteur. «Les tarifs adoptés par certains opérateurs dépassent dans certains cas à peine 50% de la tarification moyenne du marché», souligne Hifdi. Il faut noter que le tarif moyen de référence par kilomètre roulé sur le marché est de 8 DH. Ce même service est facturé à 5DH par les entreprises embryonnaires, une adéquation qu'elles arrivent à réaliser grâce à la surcharge du véhicule et à l'excès de vitesse, explique-t-on dans le secteur. Du coup, «au lieu de transporter 20 tonnes en 6 heures par exemple, le véhicule va dépasser la charge et la vitesse autorisées par la loi et transportera 25 tonnes en 5 heures», schématise ce professionnel. Hormis ce fait, les petites structures souffrent aussi du fait que le choix des clients se porte, «dans la majorité des cas sur les multinationales et les grandes entreprises», complète notre source. Conséquence: pour subsister, les PME du secteur se retrouvent obligées de s'aligner au prix des concurrents informels. Là où le bât blesse encore, c'est au niveau de «l'insuffisance du contrôle». «L'Etat ne remplit pas son rôle de régulateur et de contrôleur du marché», lance Hifdi. Au regard des professionnels, le sauvetage du secteur est conditionné par l'activation de la concrétisation du contrat-programme. Ils évoquent également l'application du «tarif moyen obligatoire». En effet, depuis la libéralisation du secteur, les références tarifaires ont été peu à peu délaissées, en dépit de la loi 13-79 qui prévoit une tarification de référence. Ainsi, le renforcement des mesures de contrôle social, économique et financier demeure une condition primordiale pour rectifier le tir. À cela s'ajoute la conception d'un modèle approprié pour regrouper les sociétés de transport de marchandises, préconisent les professionnels... à condition de réussir la lutte contre l'informel. Point de vue Abderrahim Chennaoui, Secrétaire général de la Fédération générale de transport sur routes (FGTR). Depuis la libéralisation du secteur, nous avons constaté une forte recrudescence des entreprises familiales, des entreprises embryonnaires, et des PME peu structurées. Ces structures n'ont pas une vision à long terme et assez constructive. Une situation aggravée par le manque d'implication de l'Etat. En effet, cette dernière ne met pas en place les mesures et les incitations nécessaires. De plus, il n'a jamais été procédé à une amélioration du formel, d'où le basculement vers l'informel. Depuis toujours, les entreprises embryonnaires ont représenté 10% de la structure du marché. Il est inconcevable qu'une entreprise organisée et structurée sombre dans l'informel. Par ailleurs, le secteur souffre de plusieurs problèmes: le nombre des véhicules dépasse de loin la demande et les représentants des professionnels du secteur passent à côté des véritables problèmes, comme pour les axes prévus lors des escales sectorielles de la CGEM, organisées hier.