Un procès en rapport avec des crimes graves Le Tribunal militaire de Rabat a poursuivi, dimanche, l'audition des mis en cause dans l'affaire du démantèlement du camp de Gdeim Izik, près de Layoune, niant avoir commis les faits qui leur sont imputés de s'être constitués en bandes criminelles ayant délibérément assassiné 11 éléments des forces nationales de sécurité. Le tribunal les poursuit en effet pour «constitution de bandes criminelles et violences sur les forces de l'ordre ayant entraîné la mort avec préméditation et mutilation de cadavres». Les faits incriminés remontent aux mois d'octobre et novembre 2010, à l'issue desquels les attaques menées contre les forces de l'ordre avaient fait 11 morts parmi les forces nationales de sécurité, dont les corps ont été sauvagement mutilés, et 70 blessés. Un lourd bilan auquel sont confrontés les 24 accusés, qui risquent la peine de mort. Samedi, le Tribunal militaire avait auditionné les cinq premiers mis en cause, qui s'entêtaient à rejeter les accusations qui leur sont imputées. Vendredi, le tribunal avait rejeté les recours sur la forme présentés par la défense des accusés, une décision que le tribunal justifie par l'absence de fondements juridiques. Les recours se rapportaient à la non-compétence du tribunal militaire, au non respect du principe du procès public, à l'invalidité des PV de la police judiciaire et aux procédures qui en ont résulté, ainsi qu'à l'absence du flagrant délit. La défense demandait la poursuite des accusés en état de liberté. Elle contestait de même la non-information des familles des mis en cause de leur détention et la violation de l'article 3 du Code de procédure pénale relatif aux conditions de poursuite d'agents publics, le procureur général n'ayant pas été avisé de leur arrestation. Au début de la deuxième audience de ce procès le parquet général avait présenté une nouvelle liste de témoins à charge, qui a été contestée par les avocats de la défense, sous prétexte qu'ils n'ont pas été informés à temps de cette requête. De l'avis de tous les observateurs qui suivent de près ce procès, les conditions d'un procès équitable sont respectées lors de toutes les audiences. C'est ainsi que la première audience s'était déroulée en présence des familles des victimes et des accusés, ainsi que des représentants d'associations des droits de l'Homme, des ONG, de 52 observateurs internationaux et 25 autres nationaux. La deuxième séance a été marquée par la présence du conseiller politique de l'ambassade américaine à Rabat et de deux eurodéputés socialistes. Au cours de leur détention, les accusés ont reçu 2.230 visites de leurs proches et acteurs associatifs et bénéficié de 246 contrôles médicaux, selon des organisations de défense des droits humains. Les faits remontent au 10 octobre 2010 lorsque des habitants de Laâyoune avaient dressé à proximité de la ville, au lieu-dit Gdeim Izik, un campement de tentes en vue de défendre des revendications légitimes à caractère social, liées principalement au logement et à l'emploi. Les autorités marocaines avaient alors initié un dialogue et présenté une série de mesures pour répondre progressivement à ces revendications, lequel dialogue n'avait pas abouti au dénouement de la situation sur le terrain. Les autorités avaient décidé de procéder au démantèlement pacifique du campement afin d'imposer le respect de la loi et la préservation de l'ordre public. Cette intervention avait donné lieu à des attaques violentes menées par de petits groupes contre les forces de l'ordre équipées d'armes blanches, de lance pierres, de cocktails Molotov et de bonbonnes de gaz. Par la suite, des affrontements avaient éclaté dans la ville de Laâyoune où des infrastructures et des biens publics avaient été incendiés et des propriétés privées saccagées. Ces attaques avaient fait 11 morts parmi les forces de l'ordre, y compris un élément de la Protection civile, 70 blessés parmi ces mêmes forces dont plusieurs grièvement atteints et quatre autres blessés parmi les civils. Il ne s'agit pas d'un procès politique Le procès des accusés dans l'affaire liée au démantèlement du camp Gdim Izik, «loin d'être politique comme tentent de le faire croire d'aucuns, trouve son fondement dans une série de preuves bien établies», a estimé vendredi à Rabat l'expert espagnol José Ma Gil Garre. «C'est une affaire en rapport avec des crimes graves, dont ont été victimes des membres des forces de l'ordre, et des actes de vandalisme qui ont visé plusieurs établissements publics», a expliqué Ma Gil Garre, directeur du Centre d'études sur les affaires sécuritaires en Espagne. Pour ce juriste, le procès se déroule dans des conditions normales et toutes les garanties d'équité sont réunies. «Ce qui retient mon attention, c'est bien le climat de liberté qui marque le déroulement du procès», a-t-il dit, estimant que «cela n'est pas imaginable même en Espagne». Il a d'autre part déploré le manque de solidarité avec les familles des victimes, contrairement aux accusés qui «suscitent davantage d'intérêt». Prié de commenter la présence en force d'observateurs espagnols pour le suivi du procès, Jose Miguel Gari, auteur d'un ouvrage sur le polisario, a imputé ce constat à la propagande des séparatistes pour véhiculer leurs thèses «dont la crédibilité est de plus en plus compromise». Le jour d'ouverture de ce procès vendredi 1er février, la Coordination des familles et amis des victimes des événements de Gdeim Izik (COFAV) avait organisé un sit-in pacifique devant le tribunal pour réclamer «un procès équitable» et dénoncer toute tentative d'instrumentalisation politique de ce dossier. La COFAV entendait aussi rejeter toute intervention pour influencer la justice et avait distribué pour ce faire un communiqué dans lequel elle s'élevait contre l'atteinte à ses droits en tant que représentante des familles des victimes des événements de Gdeim Izik. Pour leur part, les familles des accusés, présentes lors d'un sit-in près du tribunal demandaient que le procès soit confié à un tribunal civil.