de la femme marocaine Dès qu'elle traverse le détroit de Gibraltar, la femme marocaine assume forcément son statut d'immigrée en Espagne, nonobstant le canal légal par lequel est arrivée dans ce pays. Quelle que soit sa condition (femme au foyer ou travailleuse), elle manifeste une permanente disponibilité de comprendre son nouvel environnement, apporter son expérience comme éducatrice, épouse ou vecteur de transmission de valeurs culturelles. Universités, instituts de recherche, organismes publics et organisations non gouvernementales (ONG) contribuent à faire comprendre cette réalité et informer l'opinion publique des difficultés rencontrées par cette femme au sein de la société d'accueil. A travers des études, travaux de terrain et publications, ces institutions agissent dans ce sens pour inviter l'opinion publique, les entrepreneurs et les familles autochtones à comprendre la nécessité de promouvoir le métissage culturel. Actuellement, l'Espagne est un pays en pleine mutation à travers la massive incorporation, depuis les années 90, de nouveaux citoyens de diverses cultures, ethnies et races au marché du travail et qui contribuent également à l'amélioration du bien-être de l'ensemble de la société. Bien que la grande partie de l'arsenal juridique en Espagne ait subi un profond réaménagement en vue de l'adapter à la nouvelle réalité politique comme conséquence de la restauration de la démocratie en 1978, il est surprenant de constater l'absence d'un modèle migratoire propre qui se préoccupe de la préservation des spécificités de chaque collectif d'immigrés. Depuis la promulgation en 1985 de la première loi régissant les conditions de travail et de séjour des étrangers, dite «Loi Organique du 1 er juillet de 1985 sur les droits et libertés des étrangers en Espagne», le parlement a dû modifier en 2000, 2003 et 2009 ce texte législatif après avoir adopté en avril 1991 une proposition de loi invitant l'ancien gouvernement socialiste (alors présidé par Felipe Gonzalez) à réviser la politique migratoire en créant une commission interministérielle des étrangers qui devait «aborder les reformes nécessaires en vue de simplifier et rendre plus souple la procédure d'octroi de divers permis et de renforcer la coordination administrative» concernant les affaires d'immigrés. La promulgation au Bulletin officiel de l'Etat (BOE), le 12 décembre 2009, de la «Loi Organique sur les droits et libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale» est la dernière tentative de caractère législatif visant à développer le contenu de ce texte. Au plan académique, une action a été menée dans le sens de la recherche d'un modèle culturel qui met en valeur la particularité de l'immigration comme élément déterminant dans le nouveau paysage socioculturel en Espagne. C'est ainsi qu'ont été publiés des essais et engagés des débats animés par des anthologues, sociologues et politologues autour du mode d'application de concepts et approches concernant le modèle de société dont l'Espagne a besoin. Bien qu'il existe une évidence empirique selon laquelle les sociétés multiculturelles est un mal nécessaire dans un monde globalisé, l'Espagne connaît au plan théorique une confusion de concepts, une ignorance de l'Autre et la faute d'un modèle intégrateur des sensibilités culturelles. Cette attitude s'explique par le fait que la société espagnole n'était pas suffisamment préparée pour accueillir en un court laps de temps une nombreuse immigration provenant de différentes aires géographiques du monde. De manière que la confusion existe aussi quant à l'interprétation qui se fait de la protection sociale dans un Etat de droit, de l'égalité d'opportunités et des droits humains. Un débat est aussi né autour de la valeur de l'économie d'entreprise dont l'objet, comme il est défini au dictionnaire de l'Académie royale espagnole, est la création d'«activités industrielles, marchandes ou de prestation de services à des fins lucratives» dans lesquelles interviennent les immigrés. Ce concept a évolué à partir du moment où les femmes au foyer autochtones sont massivement entrées au marché du travail pour effectuer des activités professions lucratives. A la suite de l'incorporation des étrangères au marché de l'emploi, des travaux de terrain ont été également réalisés sur les attitudes de l'opinion publique et la perception de leur présence dans la sphère publique comme un nouveau phénomène social. Au plan pratique, l'ambigüité provient également de la marge réservée dans le cadre législatif à la protection de la femme immigrée au lieu du travail, dans la rue, y compris dans son propre foyer. Dans la majorité des cas, sa condition de femme et immigrée la condamne à une situation de discrimination en termes de protection sociale, de prévention de risques et de négociation des conditions de travail. Cette situation conduit, en fin de compte, à une dynamique de conflit et de prolifération de la précarité sur marché du travail. La forte charge familiale et un haut degré de précarité au plan professionnel peut conduire parfois à une instabilité affective et la sous-évaluation du sacrifice de l'immigrante de la part de ses proches familiaux et au lieu de travail. A partir de là, surgit un autre débat en relation cette fois avec la manière de concilier la vie professionnelle et familiale de nombreuses femmes marocaines. La triple difficulté de l'approche de la problématique de l'intégration de la femme marocaine à la société espagnole surgit lorsqu'est abordée sa condition de travailleuse, mère/épouse et soutien économique. Les théories de la transnationalité facilitent la compréhension de la «condition féminine» de la marocaine comme «chef de famille» et la face occulte des délicates rapports immigrée/société d'accueil. Dans les stratégies de la maternité transnationale surgit également une double exploitation de la femme marocaine qui agit à la fois comme «mère occasionnelle» lorsqu'elle est employée de ménage, par exemple, et dans sa société d'origine (Maroc) comme objet de chantage de la part de ses proches, y compris l'époux, les descendants et ascendants. Elle est, dans ce cas, responsable de l'éducation des enfants de ses employeurs, et elle est appelée en même temps à déléguer celle des ses propres enfants à d'autres personnes au pays d'origine en échange d'une contrepartie pécuniaire. Pendant qu'elle est travailleuse active dans la société d'accueil, elle crée un cordon ombilical par le biais des transferts comme ressource qui garantit une relation stable avec sa société d'origine. Elle est ainsi à l'origine d'un fluide échange de services (éducation des enfants ou gestion de biens) et acquiert un nouveau statut social privilégié comme productrice de richesse. Son «déclassement» au plan professionnel dans la société d'accueil en acceptant toute sorte d'emploi en deçà de ses compétentes et le chantage auquel est soumise dans la société d'origine, est un des facteurs qui érodent son auto-estime. Ce sont des aspects de la convivialité dans la société d'accueil qui aident à comprendre la sphère privée de l'immigrée marocaine, femme au foyer ou travailleuse et de la conception de la culture groupale en Espagne. Il est aussi utile de connaître les facteurs qui l'incitent à émigrer, les perceptions à l'égard de son émancipation à partir de différents camps (académique, syndical et juridique) et de son aspiration à s'intégrer dans son nouvel environnement comme femme au foyer, travailleuse ou acteur social.