«L'Etat doit officialiser la fête de Yennayer» Mohammed Sallou, chercheur à l'IRCAM, estime que l'Etat doit officialiser la fête de Yennayer, tout en soulignant que cette fête reflète l'incarnation de la mémoire collective de tous les Marocains. Pour notre interlocuteur, la loi à elle seule ne suffit point à promouvoir la langue amazighe. Et de préciser que la langue amazighe devrait être dotée d'une discrimination positive. Seule une telle mesure va lui permettre d'être sur un même pied d'égalité avec la langue arabe, qui est utilisée depuis plus de 50 ans dans les administrations. Al Bayane : Les Marocains fêtent dimanche 13 janvier le nouvel An amazigh, quelle est la portée historique et symbolique de cette célébration ? Mohamed Sallou : La célébration du nouvel an amazigh a une forte connotation symbolique. Les Marocains qu'ils soient amazighs ou pas ont depuis longtemps fêté cet événement qui coïncide avec le début de l'année agricole. Cela a vraiment une signification très particulière. En fait, cette fête reflète l'attachement à la terre, voire la patrie. Cette journée célébrée dans une ambiance festive avec la famille et les voisins témoigne du fait qu'il s'agit d'un événement bien ancré dans l'histoire des Marocains. Je pense que l'Etat doit donner de l'importance à cette journée par son officialisation pour devenir une fête nationale. Par ailleurs, au sein de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), nous fêtons Yennayer en veillant à préparer tous les plats de fête, tels Laasida, ourkimen, couscous... Chacun parmi nous apporte son lot. Il faut dire que c'est l'art culinaire amazigh qui est en fête. Bref, la fête de Yennayer est l'incarnation de la mémoire collective de tous les Marocains. La nouvelle constitution marocaine consacre l'officialisation de la langue amazighe, où en sommes-nous dans l'élaboration des lois organiques de l'amazighité ? Par son plan d'action législative, le gouvernement marocain a donné la priorité à la loi relative à la mise en œuvre du statut officiel de l'amazigh et celle qui a pour objet la création du Conseil national des langues et de la culture marocaines. Mais pour le moment aucune information officielle n'a été dévoilée là-dessus. Nous avons envoyé au gouvernement un document qui contient des propositions générales pour l'élaboration de ces lois. Mais je souligne que, hormis quelques initiatives émanant de la société civile ou de certains parlementaires, il n'existe pas un débat au niveau officiel, ni en ce qui concerne le timing pour ouvrir le débat sur le sujet au sein de l'hémicycle. Quelles sont vos attentes par rapport à ces lois ? D'abord, la langue amazighe, par la création de l'IRCAM, avait un semblant de statut particulier. J'estime que le moment est venu pour passer à un stade plus avancé. Ceci dit, l'Etat et toutes ces institutions doivent contribuer pour que cette langue devienne une partie intégrante du vécu quotidien des Marocains. Outre l'importance des lois, la langue amazighe devrait être dotée d'une discrimination positive. Une telle mesure va lui permettre d'être sur le même pied d'égalité que la langue arabe, qui est utilisée depuis plus de 50 ans dans les administrations. Toutefois, il ne faut nullement nier les efforts déployés par l'IRCAM pour la promotion de la langue amazighe. Durant plus de dix ans, plusieurs études et recherches ont été effectués au sein de l'Institut dont le dessein est de donner à cette langue la place qu'elle mérite. Donc, il existe déjà une base solide pour qu'on puisse avancer. Je tiens aussi à souligner que ce n'est pas par hasard que Microsoft a intégré la langue amazighe dans Windows 8.