Voisinage et suspicions Dans les capitales marocaine et espagnole, les cercles politiques et économiques officiels ont célébré avec optimisme le bilan des relations entre les deux pays en 2012. Les médias marocains ont commenté avec énormément d'enthousiasme le réchauffement des rapports entre les deux gouvernements, dirigés par deux partis conservateurs. Du côté espagnol, peu de place a été accordé à ce rapprochement. Toutefois, ce qui mérite véritablement une mention spéciale est l'absence d'incident majeur entre Rabat et Madrid durant les douze derniers mois. Il est surprenant pour tout observateur de constater que les deux gouvernements ont pu enterrer (ou désactiver) certains contentieux qui reviennent en permanence dans l'agenda diplomatique. Le changement d'équipe au pouvoir peut être considéré comme un indicateur favorable à l'apaisement mais, comme l'avait analysé Al Bayane le long de l'année précédente dans de nombreuses chroniques, il existe encore des contentieux résiduels qui plombent les relations bilatérales, dont l'absence de confiance mutuelle entre les deux pays. Les gouvernements changent mais, à la surprise de la société civile, les problèmes hérités du passé persistent encore dans l'imaginaire collectif et l'agenda politique. Encore une fois, et après l'échange de bonnes intentions pour accueillir le nouvel an, les médias espagnols ont révélé les grandes lignes de la Nouvelle stratégie de sécurité que le gouvernement Rajoy est en train de préparer, et dans laquelle le Maroc est cité comme principale pièce. C'est la station radio Cadena Ser qui a fait mention de ce projet de document, qui a été largement repris, le week end par le reste des médias pour en faire un thème de grand intérêt médiatique. De quoi s'agit-il ? Le texte, qui reprend les principales menaces pour la sécurité espagnole pour la prochaine décennie, est une révision du document élaboré par l'ex-secrétaire général de l'OTAN, le socialiste Javier Solana, et approuvé par le gouvernement antérieur, présidé par José Luis Rodriguez Zapatero, lors de la précédente législature, rapporte Cadena Ser. Sous le titre «Rajoy durcit la position face au Maroc dans la nouvelle Stratégie de sécurité», la station-radio, qui dépend du groupe Prisa, propriétaire du quotidien El Pais, précise que le gouvernement compte approuver cette stratégie au cours du premier trimestre de cette année. «Comme l'antérieure, La Nouvelle Stratégie de Sécurité portera la griffe du Président du Gouvernement du fait que le cercle le plus proche de Mariano Rajoy ait été chargé de la révision du document socialiste, élaboré par Solana», lit-on dans une information publiée par Cadena Ser dans son site Web. Ceci fut «la première des tâches attribuées au département de Sécurité nationale» rattaché à la Présidence du gouvernement, note la même source. Le département, récemment créé sur la base des recommandations initiales du texte de Solana, est dirigé par le chef-adjoint du cabinet de la présidence, Alfonso de Sencillosa, bras droit de Jorge Moragas, qui est l'homme de confiance de Rajoy. Le document énumère les principales menaces à moyen terme pour la sécurité et les intérêts de l'Espagne. Bien que le Parti Populaire (au pouvoir) considère comme «valable» une bonne partie de la Stratégie de sécurité approuvée par le gouvernement socialiste, l'équipe de Rajoy «a introduit des changements dans le texte qui a été remis aux différents départements ministériels». Ce qui retient l'attention de Cadena Ser est que le document «change radicalement d'approche concernant l'Afrique du Nord (particulièrement le Maroc) par rapport à ce qui a été retenu dans le document élaboré par Solana». Si le document socialiste avait évité de mentionner le Maroc en se limitant à le situer dans «la rive méridionale de la Méditerranée», celui du gouvernement de Rajoy a été élaboré conformément à la Directive de Défense Nationale, approuvée en août dernier. Celle-ci a qualifié «les menaces non partagées (Sebta et Melilla) parmi les principaux objectifs de la politique de Défense pour la singularité des risques propres» de l'Espagne, observe Cadena Ser. En juillet dernier, un décret royal promulgué au Bulletin officiel de l'Etat espagnol fait état de la création au sein de la Présidence du gouvernement d'un département de la Sécurité nationale chargé du suivi des situations de crise. Parmi ses missions, cet organisme se chargera particulièrement de l'élaboration d'études et propositions concernant la sécurité de l'Espagne et situations de crise et préparer différents scenarios pour en faire face. Ce qui est surprenant dans la reprise par les médias espagnols de l'information diffusée par Cadena Ser est le «timing» dans la mesure où l'ensemble des acteurs politiques et sociaux manifestent leur satisfaction du moment que traverse les relations entre le Maroc et l'Espagne. Il peut s'agir d'autre part d'un ballon d'essai pour prendre le pouls de ces acteurs et connaître la réaction de l'opinion publique marocaine. Jusque là, tout ceci demeure une simple matière à réflexion au niveau des médias. Le dernier mot revient en fin de compte aux cercles directement concernés, à savoir les gouvernements des deux pays.