«España - Marruecos : Heridas sin cicatrizar» (Espagne-Maroc : plaies non cicatrisées) est le titre d'un essai sociologique qui vient de paraître en espagnol à Madrid. Ecrit par le journaliste-sociologue marocain, Mohamed Boundi, l'ouvrage décortique le discours des médias espagnols sur le traitement de la question marocaine et explique les causes qui motivent la persistance dans le temps et dans l'imaginaire collectif espagnol d'un ensemble de préjugées, stéréotypes et images déformées de la société marocaine. Chapitre II : un siècle et demi de malentendus 2.3.- La Realpolitik: a la recherche d‘un voisinage effectif (pages 136-141) Felipe Gonzalez s'est rendu au Maroc, en 1983, dans son premier déplacement à l'étranger comme nouveau président du gouvernement d'Espagne. Il s'est engagé à développer des relations stables et étroites avec ses voisins du sud, un geste qui fut accueilli avec énormément d'optimisme de la part des marocains. Dans la même année, a été conclu un accord en matière de pêche qui va initier une nouvelle forme de coopération économique et technique pour le développement de l'industrie halieutique. Avec le soutien de la Communauté Economique Européenne (actuellement Union Européenne), furent signés en 1988 et 1992, deux accords similaires. Grâce à la collaboration effective de la CEE, la question de la pêche a été ainsi défalquée du dossier de la coopération globale entre Rabat et Madrid (économique, culturelle et militaire). Miguel Angel Moratinos, alors haut responsable au ministère des affaires extérieures, a commenté cette nouvelle phase de relations en écrivant dans son ouvrage intitulé (trad.) « La Méditerranée et le moyen Orient – 1989-1995 » (MAE, 1996), que : « les vieux contentieux du passé (territoriaux, Canaries, Sebta et Melilla, ou économiques tels le gaz, la pêche, etc.) ont cessé d'être au centre de nos relations ». Le nouveau climat d'entente entre les deux capitales sur des questions bilatérales a ainsi marqué le début d'une véritable coopération bilatérale, ce qui a préparé le terrain devant la conclusion, en juillet 1988, du premier Accord Cadre pour la Coopération Economique et Financière, autorisant la concession d'une ligne de crédit au Maroc assortie de taux d'intérêt plus bas. Ce geste a permis à l'Espagne d'occuper un rang privilégié parmi les amis traditionnels du Maroc, ce qui avait encouragé le roi Hassan II à s'y rendre, en septembre 1989, pour sa première visite officielle. Ce voyage a eu un résultat fondamental dans la mesure où les deux pays ont décidé d'institutionnaliser leurs relations à tous les niveaux. Nous signalons particulièrement la signature de trois accords qui incluent l'organisation de sommets annuels au niveau des gouvernements, la protection réciproque des investissements, et, l'engagement d'édifier la liaison fixe à travers le Détroit de Gibraltar. Si les deux premiers accords ont eu des fruits sur le terrain, la construction de la Liaison Fixe demeure au plan des études, 24 ans plus tard. La construction d'un tunnel sous-marin, au lieu d'un pont suspendu, est retenue finalement comme une option viable. Les deux pays se sont adressés à l'UE, en 2005, pour solliciter le financement de cette œuvre. En 1991, les deux gouvernements ont décidé de saisir le bon moment que traversaient les relations bilatérales pour conclure à Rabat, le 4 juillet de la même année, le Traité d'Amitié, de Bon Voisinage et de Coopération, qui est en vigueur le 26 janvier 1993. Dans le texte, les deux parties s'engagent à résoudre les conflits bilatéraux à travers le dialogue et les voies pacifiques. Un prêt de 400 millions de dollars a été ainsi accordé au Maroc et de nouveaux canaux de coopération furent ouverts pour la mise en marche d'une série d'initiatives conjointes en matière de contrôle de l'immigration irrégulière, la délinquance organisé et le trafic de stupéfiants à travers le Détroit de Gibraltar. Aussitôt, les échanges commerciaux se sont accrus de manière exponentielle et les projets conjoints ont connu une forte impulsion, a commenté le Financial Time dans son édition du 3 novembre 1993. Nous citons à titre d'exemple, la construction du gazoduc Maghreb-Europe pour le transport du gaz naturel algérien vers l'Espagne et le Portugal à travers le nord du Maroc, via le Détroit de Gibraltar. En 1996. Elle a été mise également en marche l'interconnexion électrique entre Tarifa et Tanger par le biais d'un câble sous-marin qui unit les deux rives du même détroit. Grâce à ce « coussin économique », la question des possessions espagnoles (Sebta, Melilla et les Iles Jaâfarines) fut temporairement gelée jusqu'à ce que le Parlement espagnol eut adopté, le 14 mars 1995, sur la base d'un un consensus atteint par le Parti Populaire et le PSOE, la « Loi organique portant Statut d'Autonomie pour Sebta et Melilla ». Cette décision a été qualifiée au Maroc comme une claire manœuvre de consolider définitivement l'hispanité des deux enclaves, qui ont été érigées en assemblées autonomes. Pendant les premières années de la décennie des 90, du siècle précédent, les revendications territoriales de la part du Maroc et les malentendus surgis autour de la question de la pêche ont été deux facteurs suffisants qui dévoilaient l'incapacité de la diplomatie de parvenir à étouffer les tensions entre les deux pays. Ce qui paraissait paradoxal en cette période est que les échanges économiques se sont accrus grâce au débarquement en force des entreprises espagnoles sur le marché marocain. La proximité géographique, le bas coût de la main d'œuvre et les opportunités qu'offre le royaume aux investissements étrangers ont incité l'entreprise espagnole à y délocaliser une partie de ses activités. De même, le gouvernement de Madrid, par le biais de nombreux instruments financiers et législatifs, ne cessait d'encourager les PME à opérer au royaume comme option de futur. Dans l'analyse des statistiques officielles du Secrétariat d'Etat espagnol au Commerce et tourisme, de 2004, nous déduisons que le croissement moyen annuel des exportations espagnoles vers le Maroc, de 1995 à 2003, a été de 15,8% alors que les importations du royaume ont augmenté de 17,94%. En 2007, cette tendance s'est maintenue du fait que l'Espagne continue d'être le deuxième partenaire commercial du Maroc. D'ailleurs, 20,6% de ses importations proviennent de l'Espagne, pays qui absorbe 10,5% de ses exportations. En 2011, le volume des échanges commerciaux a atteint 7,127 milliards d'euros, constitués, pour le Maroc, de 4,114 milliards d'euros d'importations et 3,013 milliards d'euros d'explorations. La balance commerciale est cependant excédentaire en faveur de l'Espagne avec un solde net de 1,1 milliards d'euros, soit un taux de couverture de 136,53%. Jusqu'à fin mai 2012, Le royaume a acheté 479,965 millions d'euros de marchandises d'Espagne pour des explorations d'un volume de 263,032 millions d'euros, soit un excédent net en faveur de l'Espagne de 226,933 millions et un taux de couverture de 189,69%. Les investissements directs espagnols au Maroc ont enregistré en 2009, selon les statistiques de l'Office des Changes du Maroc, plus de 150 millions d'euros, une diminution de 35,9% par rapport à 2008, exercice durant lequel l'investissement provenant de l'Espagne était de 234 millions d'euros. En dépit de la réduction du volume des investissements, l'Espagne occupe encore une bonne position comme source de l'Investissement Etranger Direct. Elle a occupé le 3ème poste comme investisseur derrière la France (671 millions d'euros) et le Koweït (270 millions d'euros). Durant le même exercice, les montants des investissements espagnols ont chuté comme conséquence des départs d'investisseurs espagnols du Maroc, telle la vente par Telefonica des 32% de ses parts dans l'entreprise de communications Méditel pour un montant de 400 millions d'euros ou la vente de la part du Groupo Santander de 10% du capital social à la banque marocaine Attijariwafa Bank. Les investissements espagnols sont passés de 184,6 millions d'euros en 1999 à 1,618 milliards d'euros en 2000 avant de chuter à 150,5 millions d'euros en 2009. L'Espagne est aussi le deuxième partenaire commercial du Maroc grâce à la présence de plus de 500 entreprises de ses entreprises (certaines sources parlent de plus de 800 entreprises) au royaume de manière que les échanges commerciaux bilatéraux ont quintuplé passant de 1,204 milliards d'euros en 1995 à 4,995 milliards d'euros en 2006. En 2008, le déficit de la balance commerciale du Maroc a été couvert partiellement par les transferts des marocains résidant en Espagne s'élevant à près de 800 millions d'euros, signale l'office des Changes. En 2011, les transferts effectués des marocains d'Espagne ont atteint près de 500 millions d'euros (5,43 milliards de dirhams), une réduction due à la crise du marché de l'emploi et aux hauts de chômage affectant le collectif marocain. A suivre ...