Dans la même journée de démarrage des compétitions olympiques à Londres, et où les athlètes marocains n'ont pas réussi à se qualifier dans leurs disciplines respectives, à Tanger, les joueurs du Raja de Casablanca, un des plus grands clubs du pays, celui qu'on pense être notre Barça à nous, reçoivent une cinglante correction de la part du prodige Messi et ses jeunes camarades, qui n'ont pas fait dans la dentelle : huit à...zéro !!! On peut trouver toutes les excuses pour ne pas faire cas de cet « incident », courant après tout en foot-ball ! Mais n'empêche, la réalité est dure. Ce résultat confirme la dégringolade continue de notre sport - tout notre sport- au cours des dernières années. Nous sommes très loin de l'époque où les FAR, le Widad, le MCO, le Raja, pouvaient faire jeu égal avec le Real Madrid, Dynamo Kiev, Estudiantes de la Plata, AC Milan et autres clubs européens et sud-américains. Quant aux clubs subsahariens, ou moyen-orientaux, nos joueurs n'hésitaient pas dans le passé à leur infliger des scores de hand-ball! Notre rue se permettait même de faire des anecdotes sur ces clubs qui prenaient des raclées au Maroc, parce que leurs joueurs étaient... moralement gênés de jouer sur gazon ! Nous sommes de plus en plus loin, des époques des Radi, Ben M'barek, Aouita, El Moutawakil, El Guerrouj, Skah, Bidouane, El Ainaoui et quelques autres grands athlètes, émergés certes de nulle part, mais qui ont bel et bien existé et aiguisé notre fierté. Pour faire court, nous devons reconnaitre que les quelques hirondelles du passé ne font plus le printemps ; que nous ne sommes plus compétitifs ; que nos concurrents avancent beaucoup plus vite que nous et qu'on ne peut isoler le sport du reste ! Huit (pure coïncidence !) questions méritent d'être posées : 1/ Le sport peut-il être performant sans une stratégie sportive nationale ? Et quand bien même la stratégie existe, expression d'une ferme volonté politique, ne pas la doter des moyens et de ressources adéquates, ne pas faire preuve de continuité acharnée dans son application et ne pas soumettre ses résultats à l'évaluation permanente, signifient absence de stratégie. Que sont devenues les recommandations des Premières Assises du sport, inspirées de la Lettre Royale historique, adressée à cette occasion aux congressistes et qui a fait un diagnostic, on ne peut plus, réel et courageux de l'état piteux du sport du pays? Que de temps et d'efforts perdus ! 2/Sans une économie performante, peut-on avoir un sport valable ? Sport et économie sont souvent en corrélation positive. C'est le cas des pays riches où c'est l'économie qui tire le sport. Par contre, dans beaucoup de nations pauvres qui ont su s'investir intelligemment dans le sport, c'est celui-ci qui tracte l'économie et le pays en entier. Soyons clairs, les sportifs savent que toute l'économie et beaucoup de pratiques qui gravitent chez nous autour du football, de l'athlétisme, du golf, du cyclisme et du tennis, entres autres disciplines, doivent être passées au crible fin. Est-il normal, à titre d'exemple, de rémunérer plus qu'un ministre un directeur technique national d'une discipline- qui auparavant avait, sans argent, produit de grands champions internationaux- alors que ses références sont peu convaincantes, et que ses résultats, restent désespérément décevants ? Ne vaut-il pas mieux, et en priorité, dépenser cet argent dans un plan rigoureux de formation de formateurs de haut niveau, dont la discipline a grandement besoin ? 3/Le sport peut-il être performant sans sport scolaire organisé ? Assurément non, tout le monde le sait. Mais pourquoi ça ne marche pas chez nous ? C'est à l'image de tout notre enseignement, est-on tenté de répondre de manière tautologique. Ce qui est sûr, c'est qu'on ne peut rester à l'infini entrain de pleurer sur l'immense potentiel dilapidé, faute d'organisation et ne serait-ce que ... de temps aménagé ! 4/Le sport peut-il réussir sans structures de gestion professionnelles ? Le système « D » a fait son temps ! Le Maroc a compris depuis des années que seul le professionnalisme rigoureusement appliqué aux niveaux de nos entités de formation, fédérations, structures de gestion... peut faire décoller le secteur. Et pourtant ! 5/Peut-on développer un sport de haut niveau avec des clubs qui restent de simples cercles de loisirs, gérés à la guise de groupes de pression ou de dirigeants parachutés ? La rente sportive existe bel et bien. Elle profite à des personnes, parfois des familles, privilégiées, qui ont su mettre la main sur des clubs ou des fédérations, qu'ils mettent au service de leurs intérêts propres, et de quelques membres partenaires. Il n'est pas normal que de larges surfaces foncières soient parfois immobilisées par des clubs ou associations sportives qui ne donnent rien en retour à la communauté nationale. 6/Notre culture de base est-elle favorable au sport ? Il est sûr qu'Islam et sport font bon ménage, cela est clair. Certes, nos rares espaces verts urbains et nos plages étendues, accueillent de plus en plus de sportifs, réguliers ou du dimanche. Certes la nouvelle mode est aux salles de sports, qui pullulent. Certes, les femmes sont de plus en plus nombreuses à pratiquer un sport. Il n'en demeure pas moins que c'est l'esprit loisir qui domine. Il est extrêmement rare, qu'une famille veuille orienter sa progéniture vers une carrière sportive professionnelle. Trop risqué. Quant aux milieux défavorisés, en particulier, dans les campagnes, ils restent handicapés, faute d'infrastructures et de temps à consacrer ... au jeu ! Pour ce qui est de la culture associative sportive, elle pâtit des tares de l'associatif en général. Il est courant que de fausses guéguerres tiennent en haleine pendant des semaines, sinon des mois, les adhérents de beaucoup d'associations sportives et clubs. 7Les Marocains, hommes et femmes, leurs motivations et leurs attitudes, sont-ils favorables au sport ? Apparemment oui. Il n'y a qu'à voir la ferveur que soulève un bon résultat de l'équipe nationale de football pour s'en convaincre. Pourtant, ce n'est plus sûr dès que le résultat est mauvais ? En outre, des phénomènes tels le hooliganisme, la triche (dopage), le manque d'ardeur et de combativité, le manque de professionnalisme... sont autant de caractéristiques courantes dans notre sport et lestent ses résultats. Le sport moderne est une activité d'hommes et de femmes durement entrainés, motivés, solides mentalement, disciplinés ... et imbibés d'esprit sportif. La triche, ce phénomène nouveau qui défraie malheureusement la chronique, est impardonnable, malgré les formes de pressions auxquelles sont soumis les athlètes de la part de leurs clubs, familles, société. Le Pays et ses sportifs doivent comprendre que la barre mondiale est très haut placée et qu'il n'y a pas de choix : les athlètes, leurs préparatifs, les moyens et l'organisation, doivent être à cette hauteur. 8/ La presse, cette partie prenante fondamentale, est-elle à la mesure des enjeux sportifs ? C'est une grande question à laquelle les journalistes sportifs professionnels, peu nombreux, peuvent répondre. Si le 8 à 0 asséné à nos joueurs, par une équipe venant d'un pays voisin, où beaucoup ne portent pas les Marocains dans leur cœur, pouvait aider à engager une sérieuse remise en cause, ce résultat aura, alors, servi. *Professeur à l'ISCAE Casablanca- Fondateur de l'Association Marocaine des Economistes d'Entreprise(AMEEN)