Le Festival international des arts de la scène devait clore ses travaux ce lundi. Des conférences, des débats et des rencontres, un riche programme au rendez-vous. Les deux premières journées ont été marquées par des débats fructueux autour du théâtre. Aussi, on a pu assister au doc-film de Micheal Roes «someone sleeping in my pain» (quelqu'un dort dans ma peine, ndlr). Le film est une adaptation contemporaine de chef-d'œuvre Shakespearien « McBeth», mais pas que cela. Il s'agit d'une adaptation tournée au Yémen, avec des guerriers des tribus yéménites. Le réalisateur, non sans un certain exotisme, a mis en alternance des séquences «film» qui étaient, en fait, l'adaptation de la pièce, et des séquences documentaires qui défilent avec une certaine aisance, malgré les conditions difficiles évidentes où se passait le tournage : Guerre, corruption, la nature de la société au Yémen, et l'inexpérience de ces acteurs ainsi que leur ignorance de la langue de Shakespeare. Ici, on a pu assister à la démonstration d'une idée qui se répétait souvent lors de cette première journée de ce festival : que le théâtre ne peut être enfermé. Il est tout une vie. Erika Ficher-litche primé Selon Erika Fischer-lichte, la transformation d'un travail ou d'une pièce en un évènement est l'aspect fondamental de la «performativité» depuis les années soixante, il ne s'agit que de dire que la coprésence des acteurs et de l'audience est la principale condition pour définir ce que c'est un spectacle. En fait, l'idée en général est que le spectacle ne peut exister sans la présence des deux parties. Car le spectacle est bâti de l'interaction de ces deux camps, qui débouche sur une sorte de cercle vicieux : L'audience réagit à la performance des acteurs, les acteurs eux-mêmes jouent selon ou à travers la réaction de cette audience. Ce qui donne, explique Marvin Carlson, professeur de Theater à l'université de New York, trois aspects au dit spectacle : «Que les deux composantes du spectacle (audience et acteurs) se «co-définissent», l'un ne peut véritablement exister sans l'autre, Que ces deux composantes, en confrontation et interaction, s'adaptent l'une à l'autre. Un dernier aspect conséquent, c'est l'aspect temporaire et éphémère d'une performance, et donc, qu'il s'agisse d'une seule œuvre, chaque performance est particulière et unique et ne peut être reproduite en aucun cas», Dr Erika Ficher-Litche, l'appelle «autopoetishe feedback-schleife» (boucle de rétroaction autopoïétique), est c'est le thème principal de son livre présenté dans sa version arabe, traduit par MarwaAbido, «The transformative power of performance» «le pouvoir transformateur de la performance». Le deuxième aspect de ce livre, est l'aspect transformateur de la performance. La chercheuse allemande a pu remarquer que n'importe quelle performance de quelconque qualité que ce soit laisse une trace sur le moral du spectateur. «Un spectateur n'est jamais le même après une pièce, que ce soit pour la durée du spectacle ou bien pour le restant de sa vie» insiste Dr Erika Fischer-Lichte. Les fidèles du théâtre seraient donc des personnes en constant changement. Elle a ajouté cependant que «nous percevons le monde à travers nos cinq sens, ceci n'est pas totalement vrai pendant une performance théâtrale, même quand je ne suis pas une pièce, j'arrive à sentir l'énergie qui circule dans la salle de théâtre pendant une performance». Les gens ressentent ça quand ils rentrent au cours d'une pièce dans la salle. Ils ne savent pas ce qui se passe, mais, cependant, leur comportement change, ils arrivent à sentir l'énergie propagée lors de cette interaction entre l'audience et les acteurs. L'Amérique et le Maroc Les conférenciers de cette année ont pu également profiter d'une visite à la délégation américaine à Tanger, la première propriété américaine en dehors de l'Amérique et qui fut le lieu de la première représentation diplomatique de l'Amérique. Lors de cette visite, un nouveau livre intitulé «The Theaters of Morocco, Algéria and Tunisia», a été présenté. Ce livre est écrit par Khalid Amine, chercheur en théâtre et directeur du festival et Marvin Carlson. Il revient sur l'histoire du théâtre dans la zone du Maghreb Arabe depuis la période des phéniciens. Cet ouvrage est le premier en son genre à étudier non seulement l'Histoire du théâtre dans la région, mais les nombreuses transformations qu'elle a connues. A la fin de la visite, on a pu assister à une performance théâtrale biographique. Il s'agit de «Miss wolfe'sTangier stories», joué par Dorothy weems. Cette femme est la fille de Ruth Weems, une jeune fonctionnaire américaine qui a résidé à Tanger de 1944 à 1946 sans jamais réellement pouvoir la quitter et qui a rédigé un livre où elle raconte ses diverses aventures, jouées au théâtre par sa fille pour rendre hommage, une femme qui a aimé la vie, et Tanger, témoignant d'une forte relation entre le Maroc et les Etats unis. Direction la Qasbah tout juste après, où un spectacle a été offert aux festivaliers. Ce spectacle intitulé «le Journal du château de l'exile», de BouselhamDaîf, a été le moment fort de cette deuxième journée du festival. La pièce jouée par des jeunes de la région, exprime l'état de confusion dans un contexte historique et politique délicat à travers des petites historiettes et dialogues qui parlent de rapports humains tendus et quelque peu bizarres et absurdes. Hommage à Mohammed Kaouti Ce festival est une occasion pour comprendre mieux ce qu'est le théâtre véritablement. Les conférences et les débats organisés au titre de cet évènement se poursuivront jusqu'à ce lundi. Hier dimanche, un hommage devait être rendu au dramaturge marocain, Mohammed Kaouti. De même, des hommes de théâtre devaient décrire ce qu'ils avaient senti, en tant qu'artistes, pendant la révolution égyptienne au sein du célèbre «Maydane Attahrir» au Caire.