“Travail, dignité et droits” est le slogan retenu, mardi, pour les deux principales centrales syndicales, Commissions Ouvrières (CC.OO) et Union Générale des Travailleurs (UGT) pour manifester la colère de la classe ouvrière contre les mesures socioprofessionnelles adoptées par le gouvernement d'Espagne. La célébration de la journée mondiale du travail coïncide cette année avec un climat de pessimisme et de désarroi qui s'empare de l'ensemble des travailleurs, y compris les fonctionnaires. Les réformes mises en marche durant les quatre premiers mois des conservateurs au pouvoir ont ébranlé l'ensemble de l'édifice de l'Etat du Bien-être, rendu plus souples les mesures de licenciement au sein de l'entreprise et réduit les dépenses publiques. Ce sont les résultats de ces mesures néolibérales destinées à juguler le déficit public qui ont été au centre des interventions des leaders syndicaux, des slogans inscrits sur des pancartes des manifestants, et aussi de la préoccupation des travailleurs, autochtones et immigrés. En deux mots, le rejet de la réforme du marché du travail et la réduction des crédits alloués aux services sociaux au budget général de l'Etat de 2012 demeurent le principal argument pour justifier le malaise de la société, dont 5.639.500 personnes sont en chômage (24,44% de la population active). Plusieurs autres aspects de la crise que traverse l'Espagne ont été également mentionnés dans les mobilisations des manifestants dans 80 villes d'Espagne. Ils traduisent le refus de la société dans son ensemble d'assumer le service de la dette publique et les conséquences de la dégradation du marché de l'emploi. Défiant les chutes de pluies durant toute la matinée, les marches qui avaient traversé les grandes rues et places des villes, ont réuni plus de participants que les années précédentes pour atteindre près d'un million (dont 100.000 à Madrid), assurent les syndicats. Etudiants, femmes au foyer, immigrés en situation régulière et sans - papiers, chômeurs chroniques, fonctionnaires, travailleurs autonomes, saisonniers et contractuels, hommes politiques, etc. ont, la main dans la main, voulu exprimer l'inquiétude devant l'inconnu et la dégradation irréparable du pouvoir d'achat et de l'Etat du Bien-être. Ni les jeunes et les chômeurs ne sont en mesure d'accéder à court terme à un poste d'emploi dans de dignes conditions professionnelles ni aucun employé ou fonctionnaire n'a la certitude de se maintenir dans son poste d'emploi. Cet état d'esprit a été en outre décrit dans plusieurs réactions recueillies par Albayane en marge de la grande manifestation au centre de Madrid. Il ne diffère guère du contenu des discours de clôture des mobilisations ouvrières dans la capitale espagnole des leaders syndicaux signalant que les citoyens étaient sortis dans la rue pour célébrer « un Premier Mai contra la destruction de l'emploi » et contre « les politiques de démolition des services publics et des droits des travailleurs ». En dépit de la mise en marche des réformes «imposées», poursuivent-ils, le gouvernement et la droite « ne vont pas étouffer notre voix politique» même lorsqu'ils veulent «imposer la loi du silence». Usant d'une forte rhétorique dans un discours critique, ils ont accusé le gouvernement de Mariano Rajoy de provoquer «le naufrage» du bateau de l'économie et de se préoccuper uniquement de sauver «ceux de la première classe et leur patrimoine par le biais de l'amnistie fiscale». De même, ils ont qualifié la politique adoptée par l'actuel gouvernement d'«ultra libérale» et d' «ultraconservatrice» en matière de droits sociaux. Le 1 er Mai a ainsi constitué l'opportunité idéale pour faire le bilan de la réforme du marché du travail adoptée par le gouvernement grâce à la majorité absolue dont dispose son parti politique au parlement. Les syndicalistes ont mis en garde contre le fait que les travailleurs vont continuer à manifester dans la rue « jusqu'à ce que ceci change» car «nous sommes la dernière barricade montée en face des coupes budgétaires ». Ils ont par ailleurs rejeté les réductions des rubriques budgétaires de la Santé et de l'Education publiques pour déprécier la qualité de la vie, « criminaliser » l'immigration et torpiller les droits acquis durant les 30 dernières années qui ont fait de l'Espagne un Etat moderne et démocratique. Les marches populaires, mardi, sont en réalité l'épilogue d'une longue série de mobilisations, de grèves dans les secteurs affectés par la crise et de déceptions accumulées à cause de l'application de mesures adoptées sous la pression de l'Union Européenne et certaines institutions internationales. Aucun secteur social n'a été épargné par la politique des réformes et des mesures drastiques mises en marche, dont la hausse des droits d'inscriptions aux universités, des tarifs de l'eau, de l'électricité, du gaz et des postes, des voyages publics et de l'Impôt sur la Rente des Personnes Physiques (IRPF). Avec l'annonce de l'augmentation de l'Impôt sur la Valeur ajoutée (IVA) et la diminution des salaires des fonctionnaires, il serait difficile de prévoir à court terme la reprise de la croissance économique et la fin de la grogne dans la rue. C'est pour cela le 1 mai 2012 restera une référence dans la lutte de la classe ouvrière et de l'ensemble des citoyens d'Espagne, y compris les immigrés.