Ce que tout le monde redoutait est finalement arrivé : l'Espagne, ce grand géant économique de la rive méditerranéenne, est entrée en récession économique. Avec cette nouvelle, révélée par la Banque Centrale d'Espagne, lundi, tout est devenu clair pour les analystes, institutions et décideurs. Désormais, il ne suffit plus pour les «populaires» (au pouvoir) et les socialistes (majorité sortante) de s'accuser mutuellement quant à la responsabilité de la crise. Ce qui est certain est que l'Espagne est entrée, depuis un trimestre entier, dans la partie négative de la grille des indices de développement. Une seule donnée l'atteste : le Produit Intérieur Brut (PIB) a chuté de 0,4% et présente «certains aspects de risque à la baisse» en perspective des prochains trimestres à cause surtout des conséquences de la crise de la dette. C'est un extrait du dernier rapport de conjoncture de la Banque d'Etat d'Espagne, parvenue à Albayane. Au quatrième trimestre de 2011, l'économie espagnole avait enregistré une baisse de 0,3% en taux interannuel, indice qui traduit une chute de 0,4%, ce qui signifie pour la Banque d'Espagne un retour à la récession technique avec deux trimestres consécutifs de croissance négative. Le PIB a de son côté régressé 0,5% en taux interannuel durant le premier trimestre de 2012. Certaines des causes de cette nouvelle détérioration de l'économie espagnole ont un lien direct avec les mesures de restructuration budgétaire. Le plus important, estime la Banque d'Espagne, est la récupération de la confiance des marchés en le processus de restructuration bancaire et l'application à la lettre des dispositions de la loi de finances de 2012. En détail, le rapport de conjoncture de la première entité financière espagnole précise que le comportement du PIB au premier trimestre de l'année en cours est une conséquence de la chute de la demande nationale de neuf dixièmes, un comportement qui contraste avec la progression de la demande extérieure nette de six dixièmes par rapport au quatrième trimestre de 2011. “La faiblesse” de la consommation interne est la conséquence de la détérioration de la situation du marché du travail, de l'effet de l'augmentation des taux de l'Impôt sur la Rente des Personnes Physiques (IRPF), la diminution de la richesse et, en général, du climat marqué par une grande incertitude. La chute de la consommation des particuliers affecte spécialement le marché immobilier, dont le redressement va se prolonger «au cours des prochains trimestres». La Banque d'Espagne signale d'autres facteurs responsables de la récession, tels les effets de restructuration fiscale et des mesures approuvées en décembre dernier prévoyant une réduction des dépenses publiques de 8,9 milliards d'euros ou le gel des salaires des fonctionnaires. De ce fait, la stratégie d'austérité budgétaire va se renforcer au cours des prochains trimestres et sera accompagnée, en 2012, d'autres rectifications additionnelles dans l'exécution des budgets des communautés autonomes (gouvernements régionaux). Dans cette jungle d'indices, de calculs de probabilités et perspectives incertaines, la Banque d'Espagne met en garde contre la hausse du chômage qui pourrait atteindre 24%, contre 22,8% enregistré en 2011. D'ailleurs, la réforme du marché du travail n'aura pas d'effets immédiats mais pourra inciter à la création de postes d'emploi «une fois surmontée la situation de faiblesse de l'activité». Avec l'annonce de ces données, l'opposition a promis “un printemps chaud” pour l'Espagne. Le Parti Socialiste Espagnol (PSOE : opposition majoritaire) vient de prendre note de la réaction des électeurs français qui ont sanctionné leur président, Nicolas Sarkozy, par leurs votes en appuyant le socialiste François Hollande «comme solution à la crise». Pour les socialistes espagnols, l'image de Mariano Rajoy commence à perdre d'éclat cinq mois seulement après avoir gagné les élections à cause précisément des réformes «impopulaires» et la politique d'austérité appliquées par son gouvernement. Le PSOE invite ainsi la population à «se défendre» contre les mesures adoptées par le gouvernement conservateur par toutes les voies dont «les mobilisations dans les rues». Les socialisas comptent prendre comme point de départ de leur action, le 29 avril, jour où les syndicats et 56 associations constituant la Plate-forme de Défense de l'Etat du Bien-être et des Services Publics pour manifester dans tout le pays contre les réductions budgétaires à la veille du 1 er Mai. De même, le socialiste espagnol Joaquin Almunia, vice-président de la Commission Européenne, a reconnu, lundi, que l'entrée de l'économie de son pays en récession préoccupe les responsables en Union européenne. Toutefois, a-t-il estimé, grâce aux réformes appliquées, l'Espagne est en mesure de solliciter «solidarité» et «soutien» à ses partenaires européens. Cette déclaration intervient quelques heures seulement après que l'Office de statistiques européennes, l'Eurostat, eut notifié que le déficit public d'Espagne, en 2011 avait été de 8,5% du PIB, soit le taux le plus haut derrière ceux de l'Irlande (13,1%) et de la Grèce (9,1%). De même, le niveau de la dette d'Espagne est passé de 61,2% en 2010 à 68,5% l'exercice précédent. L'ensemble de ces données place le gouvernement espagnol devant une nouvelle épreuve eu égard à l'incertitude qui règne sur le marché de l'emploi, l'incapacité de redresser à court terme le déficit public et l'épuisement des réformes aptes à améliorer les recettes du trésor.