Le nouveau cinéma mexicain, qui reçoit l'hommage cette année du Festival international du film de Marrakech (FIFM), s'inspire d'une réalité sociale complexe, violente et sans concession pour les petites gens, dans un pays toujours aux prises avec ses vieux démons. Cette ‘'nouvelle vague'' conduite par de jeunes cinéastes, un brin rêveurs, a fait, en l'espace d'une décennie, du cinéma mexicain l'un des plus dynamiques et réalistes d'Amérique Latine, avec une livraison annuelle de quelque 70 long-métrages de bonne facture. Les débuts du nouveau cinéma mexicain remontent aux années 90 lorsqu'une pléiade de jeunes réalisateurs, galvanisés par une plus grande ouverture de leur pays sur le monde extérieur à la faveur du desserrement de l'étau imposé par le vieux Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), avaient commencé à aborder des thématiques en rupture avec les lieux communs en vogue pendant l'âge d'or du cinéma mexicain (1940-1960). Ce dynamisme conquérant du nouveau cinéma mexicain est reflété d'abord dans les chiffres affichés par le secteur : le rapport 2010 de l'Institut mexicain de cinématographie (IMCINE) souligne que les 8.000 salles de cinéma du pays ont été fréquentées par 190 millions de personnes (pour une population totale de 112 millions) qui ont généré des recettes au box-office supérieures à 9 milliards de pesos (environ 720 millions de dollars). Des spécialistes expliquent cet engouement des Mexicains pour ‘'aller au cinéma'' (‘'Ir al ciné'') par les thématiques traitées dans les nouveaux films et qui collent au vécu quotidien : Violence urbaine, trafic de drogue, émigration. En somme, un cinéma sorti des entrailles de la société et qui plait à la société. Trois des films les plus récents, un documentaire et deux fictions, résument à eux seuls comment le cinéma peut fortement impacter le débat public dans ce pays. Le film documentaire ‘'Présumé coupable'', du réalisateur Roberto Hernandez, raconte l'histoire d'un mexicain condamné par la justice de son pays à 20 ans de prison pour un assassinat qu'il n'a pas commis. Le documentaire vu par des millions de personnes et qui dénonce les carences du système judicaire mexicain, a été interdit en mars dernier par la justice, suscitant un tollé général dans les milieux politique et les médias locaux. La fiction ‘'Miss Bala'', qui sera projetée à Marrakech, est l'histoire ‘'obscure, angoissante et trop proche de la réalité'' d'une jeune femme qui ambitionne d'être ‘'Reine de beauté'' mais finit par tomber entre les griffes du trafic de drogue à la frontière entre le Mexique et les Etat Unis. Hilarante et drôle, la deuxième fiction est intitulée ‘'El Infierno'' (l'Enfer), du réalisateur Luis Estrada, qui tourne en dérision le mode de vie des narcotrafiquants et dénonce dans un langage au vitriol les hommes politiques corrompus et la police infiltrée au plus haut niveau. A Marrakech, un film mexicain figure dans la compétition officielle. Il s'agit de ‘'Rio de oro'', de Pablo Aldrete. Il s'agit d'un Western fait maison qui raconte l'histoire d'un mexicain originaire de l'Etat de Sonora (nord-ouest, près de la frontière américaine) qui sera amené en 1853 à traverser un territoire apache et vivre dans sa propre chair l'invasion de colons américains pour parvenir à la capitale du pays, à plus de 2.000 km au sud de son Sonora natal. Outre la participation à la compétition officielle, le cinéma mexicain sera présent à travers une vingtaine de films dans le cycle d'hommage qui lui sera rendu à Marrakech, sous l'affiche ‘'Génération Mexique''.. Ainsi, cette ‘'nouvelle vague'' du cinéma mexicain qui a la particularité de toucher au plus profond de la société sans édulcorants, ni adoucissants, se déclinera au FIFM à travers, notamment, de ‘'Amores perros'' (Amours chiennes) de l'inénarrable Alejandro Gonzalez Inarritu, qui braque les feux de la rampe sur la soif de liberté de la génération post-PRI ou encore ‘'La Zone propriété privée'', de Rodrigo Pla, qui décortique le phénomène de la petite délinquance qui empoisonne la vie de millions de ‘'Chilangos'' (Habitants de Mexico). Les cinéphiles marrakchis sont également invités à se délecter une nouvelle fois du long métrage ‘'Norteado'', de Rigoberto Perezcano, qui avait remporté l'Etoile d'or de la 9ème édition du FIFM, ou plonger dans l'univers de la révolution mexicaine de 1910, en visionnant un patchwork de dix réalisateurs sous cette thématique, du reste très chère aux cinéastes mexicains de l'âge d'or. La nouvelle tendance dans le cinéma mexicain s'inspire en grande partie des événements dramatiques que vit le pays depuis le début de la ‘'guerre'' contre le trafic de drogue qui a ensanglanté le pays et laissé plus de 50.000 morts. Diego Luna et Gaël Garcia Bernal (qui était membre du jury du FIFM en 2010), tous deux trentenaires, sont les nouveaux visages visibles de ce cinéma mexicain qui épluche les faits de société et s'engage aux côtés des secteurs marginaux de la population. Leur engagement aux côtés du Mouvement pour la paix, que conduit le poète Javier Sicilia, a donné beaucoup de visibilité aux familles des victimes innocentes tombées dans le feu croisé de la ‘'guerre'' contre les narcotrafiquants au Mexique. La star incontournable qui représente la gente féminine dans le cinéma mexicain est sans nul doute Salma Hayek.