Madrid, la capitale espagnole a été prise, samedi 15 octobre, par un demi-million de marcheurs «indignés» de tous âges et catégories sociales. La marche populaire en faveur d'une «démocratie réelle», à l'initiative du mouvement 20 Mai (20M) est la réplique aux réunions du G20, l'indifférence des partis politiques à quelques semaines des élections générales du 20 novembre prochain et à l'arrogance de la banque et du patronat. C'est une manifestation en faveur de la justice sociale et contre les mauvaises pratiques qui rognent la société, tels la corruption, le gaspillage de l'administration publique et le financement des banques au bord de la banqueroute. A la marche de Madrid ont pris part aussi le collectif des immigrés, la grande victime de la récession économique, des retraités aux maigres pensions mais aussi un groupe du 20 Novembre marocain. C'est une manifestation multiculturelle, plurale et sociale. C'est aussi une action qui fait partie d'un mouvement planétaire qui avait secoué 950 villes de 82 Etats avec pour toile de fond les mêmes slogans et les mêmes préoccupations des citoyens qui réclament une authentique démocratie et le rejet des plans de restructuration économique du pouvoir des grands groupes financiers. « C'est une nouvelle forme de protestation contre les politiques impopulaires, contre les luttes byzantines au sein des partis politiques pour la confection des listes électorales et la destruction des familles aux ressources limitées », a indiqué à Albayane un porte-parole d'une ong de participation sociale. Ce n'est pas une marche « politique », a-t-il ajouté avant de préciser que ce qui « est en jeu est la dignité de l'homme, qui ne peut être garantie que dans le cadre d'une démocratie réelle, la protection du pouvoir d'achat pour tous et la limitation des privilèges des animateurs des groupes économiques, des banquiers et des politiques corrompus ». Cette réflexion rejoint, en fait, le grand manifeste rendu public, dimanche, par Eduardo Galeano (Uruguay), Vandan Shiva (Inde), Noam Chomsky (Etats Unis), Naomi Klein (Canada), un groupe d'intellectuels réputés pour leurs attitudes en faveur de la protection de la dignité humaine. «Unis dans notre diversité pour un changement global, nous exigeons une démocratie globale, c'est-à-dire un gouvernement global du peuple et pour le peuple. Nous nous inspirons de nos frères et sœurs de Tunisie, d'Egypte, de Lybie, de Syrie, de Bahreïn, de Palestine, d'Espagne, du Chili et de la Grèce, mais nous exigeons aussi le remplacement du G8 pour l'humanité complète, le G7milliards», a signalé Vandana Shiva, l'activiste indienne. Ce manifeste résume la riposte des masses populaires contre le ingérences des institutions financières internationales, les paradis fiscaux, les corporations et les marchés financiers, la dégradation de l'environnement, le commerce des armes et le crime organisé, le trafic de drogues et de ressources naturelles qui profitent uniquement à des personnes agissant hors des frontières. Les manifestations dans les rues des grandes villes espagnoles se justifient par le fait que l'Espagne connaît le plus fort taux de chômage en Europa (21,4%), une âpre lutte pour le pouvoir menée par les deux grands partis, le Parti Socialité Ouvrier Espagnol (PSOE – au pouvoir) et le Parti populaire (PP – droite conservative) et une banque arrogante et insatiable. Le Mouvement 20 Mai est également soumis à une grande pression de la part des autorités et certains médias qui dénigrent ses actions et le marginalise dans leurs programmes. «Si aujourd'hui ce sont des millions qui protestent contre les mauvaises pratiques politiques et la marginalisation, c'est la preuve que nous sommes en mesure de démontrer aux médias et aux politiques que les protestations font partie d'un massif mouvement citoyen qui exige un changement», proclame des activistes du mouvement 20 Mai espagnol. Cette année pourrait se convertir en le 1968 de ce siècle, soutiennent-ils dans un manifeste parvenu, lundi, à Albayane. L'actuelle vague mondiale de protestations est le chapitre le plus récent de l'histoire du pouvoir citoyen global durant cette année. En Egypte, en Inde et en Grèce, les mouvements de protestations ont pris diverses formes de lutte pour protester contre la corruption des dirigeants. En Espagne, des centaines de milliers d'indignés ont défi les ordres d'interdiction de manifester avant les élections en organisant un sit-in au centre de Madrid durant plusieurs semaines et dans d'autres villes pour dénoncer la corruption politique et la gestion des gouvernements central et régionaux. Aussi bien en Espagne que dans d'autres pays du reste du monde, les épisodes de la protestation ont un lien commun pour constituer un même slogan qui reflète un effort commun dont l'objectif est de mettre un terme à la complicité entre politiques et élites corrompues. Le mouvement social qui va du Caire à New Delhi en passant par Madrid a pour but de mettre en valeur la colère du citoyen qui réclame un gouvernement responsable et transparent qui soit au service des contribuables.