Il y a lieu de préciser d'emblée, que si l'on se permet de parler des jeunes, alors même que rien ne nous y autorise spécifiquement, rien ne nous y incite, à vrai dire, sinon le désir de leur témoigner, dans les circonstances cruciales que traverse notre pays, notre sympathie et notre solidarité ; ce n'est donc, en aucun cas, pour se substituer à leur place ni, encore moins, pour se targuer d'être leur porte-parole : ils n'ont sûrement pas besoin de nous autres «vieux shnockes» pour ce faire, nous qui, sans être tout à fait des «dinosaures», n'en appartenons pas moins à une relativement lointaine génération, celle plus précisément des années quarante. D'un autre côté, si nous avons pris le risque «insensé» de le faire, c'est uniquement compte tenu du fait que notre génération gagnerait à faire profiter notre vaillante jeunesse de son expérience, si modeste fût-elle. Cette petite précision étant formulée, il nous a été donné de constater, notamment, lors de réunions consacrées à des débats relatifs à la politique ou encore, d'une façon plus générale, au militantisme, que les jeunes d'aujourd'hui savent, grâce à Dieu, s'exprimer de façon on ne peut plus claire et déterminée pour faire part de leurs opinions. Parfois même, ils le font de façon un tant soit peu virulente, allant, pour certains, jusqu'à critiquer ouvertement les institutions ! Cela prouve, s'il en est besoin, et en tout état de cause, que la liberté d'expression n'est plus, de nos jours, un vain mot, un vœu pieux, une utopie, mais bien une heureuse réalité dont on ne peut que se réjouir. Cela dit, que faut-il penser de tous ces jeunes, et parfois même très jeunes dont l'âge n'atteint pas les 20 ans, lorsqu'ils font part de leur ferme volonté de participer à la politique, de se présenter aux prochaines élections législatives dans le but de briguer une légitime représentativité parlementaire, bref de jouer un rôle plus significatif et plus efficient dans tout ce qui touche à «la chose publique» ? Il faut dire, tout d'abord, que cela n'a rien d'étonnant ni de particulièrement surprenant de leur part. Ce faisant, ils adoptent là une attitude hautement louable et courageuse dont on ne peut que se féliciter et à laquelle on ne peut qu'applaudir. Toutefois, il ne faudrait pas qu'ils s'imaginent eux-mêmes qu'en revendiquant cette participation active aux «affaires» ils aient, en quelque sorte, «inventé la poudre». Il faut savoir, en effet, que chez nous au Maroc, ce sont toujours les jeunes qui ont été «le fer de lance» de tous les événements politiques importants, à commencer par la libération de notre pays du joug colonialiste. La suite, on la connaît. La fulgurante évolution du Maroc depuis l'Indépendance jusqu'à nos jours, le formidable bond en avant accompli dans tous les domaines, la remarquable émancipation des foules et, plus particulièrement, des femmes de ce pays, on les doit principalement à la jeunesse d'abord et avant tout. Du reste, nul n'ignore que la population marocaine est constituée majoritairement de jeunes. Ce sont donc les jeunes de ce pays qui se sont toujours sacrifiés, allant même jusqu'au sacrifice suprême, celui de leur vie, pour que nous puissions nous-mêmes vivre aujourd'hui dans la liberté et la dignité. Aussi, si les jeunes d'aujourd'hui réclament effrontément «leur part du gâteau» (et quel gâteau !), c'est tout à fait légitime et c'est tout à leur honneur. Bien entendu, lorsqu'on parle ici de gâteau, cela signifie ni plus ni moins la participation aux affaires publiques. Rien à voir donc avec le gâteau auquel on pourrait faire allusion et qui, lui, conserve, cela va de soi, une connotation plutôt péjorative. C'est pourquoi les jeunes d'aujourd'hui, faut-il le souligner, fustigent clairement, et à juste titre, tout ce qui a trait au «bakchich», à la corruption, aux passe-droits, aux «hors-la-loi», à ceux qui se croient tout permis et donc «au-dessus de la loi», etc.… et ils ont bien raison ! Aujourd'hui, plus que jamais, on a besoin, en effet, d'un changement radical de certaines mentalités qui appartiennent à une époque révolue. Fini également l'esprit de rente de «papa» ! Les jeunes, par ailleurs, n'ignorent pas que la politique et que les hommes politiques jouissent généralement d'une mauvaise réputation. Réputation qui n'est peut-être pas toujours justifiée, certes (fort heureusement, tous les hommes politiques ne sont pas des individus malhonnêtes, des «crapules» ou des «brebis galeuses») mais néanmoins, le fait est là. Il appartient donc aux jeunes d'aujourd'hui de mettre le «holà» à toutes ces pratiques «maffieuses» qui nuisent à l'image de la politique et des hommes politiques et qui vont jusqu'à détourner et dégoûter de la politique même les plus coriaces d'entre nous. Il leur appartient de faire en sorte que la politique ne soit plus un domaine réservé à quelques élites mais, bien au contraire, qu'elle s'ouvre, qu'elle se démocratise et qu'elle soit par conséquent accessible au plus grand nombre. C'est-à-dire à tous les hommes de bonne volonté qui éprouvent réellement le besoin de consacrer leur temps et leur vie pour le bien de ce peuple qui a consenti et qui continue de consentir jusqu'à nos jours tant de sacrifices, pour sortir notamment, de la pauvreté, de la misère, de l'ignorance, et j'en passe, pour accéder, en un mot, à une vie meilleure, plus en adéquation et en symbiose avec les impératifs de la vie moderne. Cela dit, nos jeunes gagneraient à ne pas se faire trop d'illusions (en affirmant cela, on ne cherche pas à les décourager, loin de là, mais il est vrai que le chemin de la politique est parsemé d'embûches. A éviter à tout prix, autant que faire se peut, «les peaux de bananes».......), et surtout à ne pas trop se prendre au sérieux. Il n'y a rien de pire que de se prendre trop au sérieux dans la vie : c'est la porte ouverte à tous les abus, à l'arbitraire et à l'injustice, et même au fanatisme et tout ce qui s'en suit. Il faut garder la tête froide et ne pas se prendre pour les Chevaliers de l'Apocalypse ! Après tout, il n'y a pas péril en la demeure. Le Maroc est fort heureusement un grand pays civilisé qui a été épargné par les violents soubresauts du Printemps Arabe. Pour l'instant, du moins. Ceci est dû principalement au génie marocain qui sait et qui a toujours su, mieux que personne, situer avec détermination et clairvoyance où se trouvent ses intérêts. A condition, encore une fois, de ne pas se voiler la face, de ne pas se prendre pour «la cuisse de Jupiter», (cessons d'invoquer à tout bout de champ «l'exception marocaine»), de garder présent à l'esprit le devoir de modestie et d'humilité et, pourquoi pas, une certaine dose d'humour. Or, l'on constate aujourd'hui malheureusement que la plupart de nos concitoyens ont tendance à perdre ce fameux sens de l'humour. (Soit dit en passant, je ne prétends pas l'avoir, en aucun cas et sans fausse modestie). Les Marocains, ne l'oublions pas, sont connus dans le monde entier pour leur sens légendaire de l'hospitalité mais aussi, peut-être moins, faut-il le reconnaître, pour leur sens de l'humour. Oui, de l'humour. Parfaitement. Sans vouloir exagérer, les plus grands humoristes ne sont-ils pas précisément des Marocains ? Ce n'est pas, je pense, le talentueux Gad el Maleh qui se risquerait à me contredire ou à me démentir, n'est-ce pas ? Or, le Marocain d'aujourd'hui aurait trop tendance à faire sien «le culte de la personnalité». Chaque Marocain, ou presque, (Dieu soit loué, tous nos compatriotes ne sont pas des «pharaons»), quels que soient son importance ou son rang social, a tendance à se prendre pour Mohammed VI ou, comme autrefois, pour feu Hassan II. A titre d'exemple, voyez comment se comportent vis-à-vis de vous certains cadres ou certains fonctionnaires de nos administrations. Ils vous toisent de haut, comme si vous étiez des «moins que rien». Certes, il ne faut jamais généraliser, mais ce sont, comme on dit, les exceptions qui confirment la règle. En résumé, le Maroc d'aujourd'hui n'a pas besoin de beaucoup de choses. Sa principale richesse étant l'élément humain et donc sa jeunesse, il nous suffit de ne jamais perdre de vue nos valeurs ancestrales d'humanisme, de solidarité agissante, de don de soi, tout en essayant, par ailleurs, d'être moins fanfarons aussi, ou, en d'autres termes, moins «tchatcheurs», et surtout moins matérialistes, moins obnubilés par l'argent. Il n'y a pas que l'argent dans la vie ! (C'est vrai que certains de nos concitoyens «nantis» -pas tous, il faut le reconnaître- ont cette fâcheuse manie de vouloir nous épater, nous en « foutre plein la vue » avec leurs signes extérieurs de richesse, leur fameux standing, bref leur frime, ne se rendant même pas compte du ridicule de leur attitude crânement ostentatoire, ceci dans le même temps où une large frange de la population, majoritairement jeune du reste, se trouve confrontée au chômage et à l'oisiveté et n'arrive pas, de ce fait, loin s'en faut, à joindre les deux bouts, comme on dit). Et puisqu'on parle d'argent, pourquoi ne pas renoncer «aux magouilles» et aux «combines» devenues monnaie courante chez quelques-uns de nos concitoyens sans scrupules, qui s'imaginent que les urnes ne sont là que pour garantir leur propre victoire, et ne pas veiller, par conséquent, à ce que les élections, qu'il s'agisse des législatives ou autres, ne soient plus dorénavant souillées ou entachées par l'argent ? Certes, l'argent est un mal nécessaire mais cependant sachons ne lui accorder, quelles que soient les circonstances, que la valeur qu'il mérite. C'est à cette condition seulement, c'est à ce prix (car chaque chose a son prix, même les choses qui n'en ont pas et peut-être surtout celles-là.) que nous parviendrons «inchaallah» à éradiquer notamment et définitivement la gangrène de la corruption – il est permis d'espérer - et que la société marocaine saura garder à jamais la tête haute, même si la panse est plus ou moins pleine et la poche plus ou moins vide… Pour terminer, les jeunes ont plus que jamais un rôle important à jouer dans le Maroc d'aujourd'hui. Certes, ils nous ont déjà administré la preuve qu'ils en sont parfaitement conscients. Toutefois, si on avait un conseil à leur donner en la circonstance, ce serait celui-là même que nos aînés et que nos maîtres ne cessaient de nous prodiguer du temps où nous étions nous-mêmes encore jeunes, à savoir que, dans la vie, il faut toujours éviter la précipitation (mauvaise conseillère) et ne jamais chercher à tout prix à brûler les étapes. «Rien ne sert de courir…». N'est-il pas vrai, après tout, que l'avenir appartient aux jeunes ? Puissent ces derniers faire en sorte que ce pays que nous aimons n'ait jamais, à Dieu ne plaise, à sombrer dans le chaos et l'anarchie !