Les élections locales qui battaient leur plein en Angleterre hier avaient des allures de référendum national sur la popularité de Tony Blair. Les résultats préliminaires semblaient indiquer hier qu'il perd des plumes. Quelque 23 millions d'électeurs étaient appelés à choisir leurs conseillers locaux dans 176 circonscriptions en Angleterre. Toutefois, l'enjeu pour Blair était plus important: sauver les meubles après les récents scandales impliquant plusieurs de ses ministres. Au moment de mettre sous presse, le Labour avait déjà perdu huit circonscriptions et accusait un retard dans trois de ses bastions situés à Londres. Cela correspondait à une perte d'une centaine de sièges locaux. Les analystes politiques ont prédit que le Labour ferait bonne figure s'il ne perdait pas plus de 300 sièges. La série de scandales qui a secoué le premier ministre et ses troupes ces derniers mois y est certainement pour quelque chose. La semaine dernière, trois ministres de premier plan se sont mis les pieds dans les plats. Charles Clarke, le ministre de l'Intérieur, a tout d'abord admis que plus de 1000 prisonniers étrangers avaient été libérés alors qu'ils auraient dû être expulsés. En date d'hier, 38 criminels dangereux couraient toujours malgré des recherches intensives. Le lendemain, les tabloïds clouaient le vice-premier ministre John Prescott au pilori en publiant les détails de sa relation extraconjugale avec son ex-secrétaire. Enfin, Patricia Hewitt, la ministre de la Santé, s'est couverte de ridicule après avoir déclaré que le réseau de santé se portait mieux que jamais alors qu'il s'enfonce dans un déficit de 500 millions de dollars et que la mise à pied de 7000 employés vient d'être annoncée. Électeurs amers Craignant un coup de semonce de l'électorat, Blair a tenté de calmer le jeu en affirmant que " neuf jours de manchettes ne devraient pas faire ombrage à neuf ans de réussites ". Les électeurs rencontrés par La Presse dans le comté de Newham, bastion du Labour situé à Londres, traînent pourtant une amertume depuis bien plus de neuf jours. Un homme d'affaires d'origine pakistanaise, ancien partisan du Labour, n'a toujours pas digéré la guerre en Irak. " Blair est le petit chien de Bush, s'emporte Ali Khan, encore indécis avant de pénétrer dans le bureau de votes. Je déteste sa politique étrangère! " June O'Reilly, âgée de 76 ans, croit que le Labour a perdu de vue la classe ouvrière. " Les travaillistes sont devenus pires que les conservateurs, dit-elle, désillusionnée. Ils grugent dans nos pensions et offrent nos logements sociaux aux minorités ethniques. " Un jeune couple de Britanniques a quant à lui voté travailliste même s'il croit que Blair devrait partir. " Neuf ans au pouvoir, c'est long, raconte Liz Bennett, 33 ans. Si ce n'était le candidat du Labour, que nous aimons bien, nous aurions voté pour un autre parti. " " Blair est juste intéressé par son héritage politique ", renchérit son conjoint, Guy Bengree. Si les états d'âme de ces électeurs correspondent à ceux du reste de la population, Blair devrait procéder à un remaniement ministériel aujourd'hui. Reste à savoir si cela suffira à redorer son blason.