Elle s'appelle Khadija. Elle a 24 ans. Elle est venue directement de son village natal pour travailler comme bonne dans une maison située au quartier Al Houda à Agadir. Sa vie s'écoulait normalement entre ses tâches ménagères et deux petits enfants qui vont finir par l'appeler «khalti», jusqu'à ce mercredi où elle informa ses employeurs qui ont déjeuné chez des amis, que des voleurs avaient profité de sa sortie pour accompagner les enfants à l'école entre 13h30 et 14 heures, pour s'introduire par le toit de la maison, accéder à la chambre à coucher des parents, s'emparer d'un coffret avec tout l'or de la maman d'une valeur de 20.000 dh, d'une petite somme d'argent et du portable de Khadija avant de s'évaporer dans la nature. La police a été informée et une enquête a été ouverte. Quelques jours plus tard, dans un cafouillage rocambolesque, l'employeuse apprend, accidentellement, de la bouche de sa grande fille que Khadija s'était rendue dans une téléboutique le jour du vol. Interrogée sur ce détail, celle-ci s'est perdue dans des explications sans logique apparente, ce qui a fini par éveiller les soupçons de son employeuse. Ayant fait le tour des téléboutiques du coin, l'employeuse - devenue enquêteuse- a fini par trouver ce qu'elle cherchait. La gérante lui confirma sans difficulté les doutes qu'elle avait sur les prétendus voleurs. Confrontée à ces nouveaux faits, Khadija décida de se mettre à table. Tout a commencé avec cette femme qui l'avait abordée et qui cherchait son chemin. Ayant obtenu satisfaction, l'étrangère d'une trentaine d'années, habillée d'une djellaba grise, prit la main de Khadija en signe de remerciement et fit semblant de tomber en transe. C'est alors qu'intervint un homme d'une quarantaine d'années, la carrure imposante, le visage souriant: «Quoi, tu ne connais pas Hajja Fatima ?! C'est une Chrifa de père en fils, son pouvoir dépasse l'entendement. Son voeu apporte la richesse et le bonheur aux Oulad lahlal». Il mit ensuite dans la main gauche de Khadija une pierre noire, lui demanda de la refermer soigneusement, puis sa compagne marmonna quelques paroles incompréhensibles avant de demander à la jeune fille de rouvrir sa main pour constater que la pierre noire avait pris la couleur jaune. Khadija était comme sous hypnose. La prétendue «Hajja Fatima» allait finir par l'achever et sans lâcher sa main droite, lui dit: «Ton problème ma petite fille est que quelqu'un très proche de toi ne veut pas ton bien et constitue une entrave pour l'accomplissement de la volonté divine; l'or que tu portes au cou est le moyen utilisé pour enchaîner ton bonheur». Elle se mit alors à enlever la chaîne plaquée or du cou de Khadija qui, étrangement, n'opposa aucune résistance. Deux jours plus tard, Khadija se rendit dans unetéléboutique avec les deux enfants de son employeuse. Elle composa son numéro de portable; «Hajja Chrifa Fatima» était au bout du fil. Khadija était prête à tout entendre et à tout accepter, son interlocutrice le savait et s'empressa de lui faire comprendre qu'elle avait presque fini de la «purifier» du mauvais oeil. «Hajja Chrifa Fatima» intima l'ordre à Khadija de lui rapporter l'or de son employeuse, le temps de le « purifier» et de le lui rendre. La jeune crédule ne se fit pas prier, certaine qu'elle avait affaire à une « Chrifa» imbue d'un pouvoir divin qui allait changer sa vie. En attendant que la police réunisse un maximum d'informations sur ces dangereux criminels pour les traduire en justice, les citoyens sont tenus d'être sur leurs gardes et de se méfier, sans aller jusqu'à l'hystérie, des étrangers qui leur tiendraient un discours dont étaient victimes la malheureuse Khadija, Fadma et les autres.