Au moins 250 bébés-éprouvette naissent chaque année au Maroc. Tous sont nés alors qu'aucune loi n'existe encore pour réglementer la pratique qui leur a permis de venir au monde. L'aîné des bébés-éprouvette marocains doit avoir aujourd'hui au moins 16 ans. Ses parents doivent s'en réjouir. Peut-être que le passage au laboratoire a-t-il été l'unique moyen pour eux d'avoir un enfant. Peut-être aussi que leur bébé a-t-il vu le jour à Marrakech, à Rabat ou à Casablanca. Personne ne peut le localiser avec précision. Jusqu'à ce jour, il n'y a pas de registre national pour les bébés-éprouvette. En tout cas, chacun de ces bébés a dû commencer les tous premiers jours de sa vie dans l'un des quinze laboratoires privés de fertilité que compte le Royaume. Sept de ces laboratoires sont concentrés à Casablanca et 4 à Rabat. Agadir et Marrakech comptent chacune 2 centres. Et c'est tout. Dans le secteur public, la procréation médicalement assistée est vue comme un luxe. Aucune structure étatique ne la pratique. « Les priorités sont ailleurs : lutte contre la mort dans les couches des femmes, lutte contre la mort infantile, lutte contre le cancer... », déplore un médecin du CHU de Casablanca. Seulement, maintenant que l'infertilité gagne du terrain au Maroc, les couples vont avoir de plus en plus besoin de l'assistance médicale pour pouvoir avoir des enfants. Ce sera alors possible uniquement pour ceux qui ont les moyens de se payer, fort onéreusement, ce « luxe » dans le secteur privé. « Le prix d'une insémination artificielle peut atteindre 30.000 DH », précise Dr. Saïd Lazrak, gynécologue, obstétricien et spécialiste en stérilité à Casablanca. Malgré tout, le nombre des bébés-éprouvette est appelé à connaître une nette augmentation dans le royaume. Rien qu'en 2006, trois mille tentatives de procréation médicalement assistée auraient été effectuées. C'est pour cela que des gynécologues et des biologistes réclament un cadre légal à cette pratique. C'est la loi attendue qui permettra d'éviter tout dérapage. Surtout que certains laboratoires au Maroc ne font pas qu'aider les femmes stériles à avoir des bébés. Ils s'érigent aussi en banques de spermatozoïdes et d'embryons. Ce précédent mondial survenu aux USA doit faire réagir, au plus vite, le législateur marocain. C'était en 1991, Julia Skonick, femme blanche qui voulait être inséminée avec le sperme de son mari, mort d'un cancer, a donné naissance à une fille noire. L'erreur d'insémination artificielle a été prouvée et sanctionnée. Certes, on n'en est pas encore là au Maroc. Mais, en l'absence de règles, tout peut arriver.