Au Sommet France-Afrique, à Cannes, le président français, Jacques Chirac, a clamé, jeudi, son amour pour l'Afrique. Avec la présidente de l'Union européenne, Angela Merkel, il a affirmé la nécessité d'entretenir désormais avec le continent africain des relations basées sur le « partenariat » et le respect mutuel. « Nous sommes réunis parce que la France aime l'Afrique et se sent liée à elle par les engagements de la fraternité, de l'histoire et du cœur »… « J'ai tissé de longue date des liens personnels avec beaucoup d'entre vous et, vous le savez, j'aime et je respecte l'Afrique ». C'est une véritable déclaration d'amour qu'a livrée le Président français, Jacques Chirac, à l'ouverture du 24e Sommet France-Afrique, au Palais des festivals de Cannes. Devant un parterre de 48 dirigeants africains (32 chefs d'Etat étaient présents physiquement, les autres avaient envoyé des représentants), devant la présidente de l'Union Européenne et chancelière allemande, Angela Merkel, et l'ancien Premier ministre du Japon, Yoshiro Mori, le président français a martelé l'importance que le développement des pays d'Afrique et leur intégration au concert des Nations revêt pour lui. Dans un discours enlevé, il a expliqué que l'avenir du monde d'aujourd'hui, dans lequel les destins des peuples sont étroitement liés, « ne peut se dissocier de celui de l'Afrique ». Ecartant clairement l'hypothèse d'une Afrique qui serait « une nouvelle fois » livrée au pillage et écartée de la prospérité, il a exhorté son auditoire à relever le défi du développement afin que le continent prenne « toute sa place dans la mondialisation pour devenir un pôle de paix et de prospérité ». Le partenariat plutôt que le diktat Les vœux de Jacques Chirac rejoignaient ceux de la présidente de l'Union européenne et du président de l'Union africaine, John Kufuor, qui l'avaient précédé à la tribune. Dans son discours, Angela Merkel avait affirmé que : « l'humanité du continent [européen] sera jugée à l'aune des relations avec l'Afrique ». Citant les défis que l'Afrique aurait à relever – le réchauffement de la planète, la pauvreté, les guerres, la fracture numérique…-, elle a expliqué qu'ils ne le seraient qu'en pratiquant un « partenariat » étroit entre les pays européens, les Etats africains et, plus largement, l'ensemble de la communauté internationale : « Nous ne venons pas vous soumettre des solutions, a-t-elle déclaré, nous vous proposons un dialogue pour qu'ensemble nous trouvions des solutions. ». Elle a, par ailleurs, précisé que 60% des ressources de développement de l'UE étaient attribuées à l'Afrique et que cet effort serait poursuivi. John Kufuor, président du Ghana et de l'UA, a estimé que, ces dernières années, « l'Afrique a connu des progrès en terme d'infrastructure, d'éducation, et de commerce. Maintenant, la croissance économique du continent avoisine les 6% l'an. » Il a reconnu qu'au Libéria, au Sierra Leone, en RDC, les conflits ont été résolus grâce à l'UA et à la communauté internationale, mais a insisté sur le fait qu' « au Darfour, en Côte d'Ivoire, en Guinée, il y a nécessité d'agir activement pour trouver la paix. » Il a lancé un appel à la communauté internationale pour qu'elle aide les pays africains à résoudre leurs conflits et a déclaré compter sur un partenariat « sincère » de la France pour résoudre ces problèmes et que « l'Afrique assure sa place dans le village planétaire où toutes les Nations doivent vivre dans le respect et l'amitié des autres ». Jacques Chirac se pose en défenseur de l'Afrique Après l'intervention du président de l'UA, Jacques Chirac a souligné son optimisme quant au devenir de l'Afrique, et a promis que la France resterait un partenaire privilégié en matière économique, politique et militaire. Il a réaffirmé son soutien aux gouvernements du Tchad et de la République centrafricaine. Il a appelé les dirigeants soudanais à accepter la présence d'une force de paix, mais n'a pas évoqué les troubles que traverse actuellement la Guinée. D'autre part, il a critiqué indirectement l'actuel président de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, en déclarant espérer que le pays « retrouve la voie de sagesse et de développement qui en avait fait, sous la sage impulsion du Président Houphouet-Boigny, un véritable modèle. » Se présentant comme un ardent défenseur des intérêts économiques des Etats africains, le président français a tapé du poing pour affirmer, prenant l'exemple du coton, qu' « il est temps que les pays riches cessent de subventionner leurs producteurs au détriment de ceux du Sahel qui ont là leur unique source de revenu. » Il a appelé de ses vœux que « l'insertion de l'Afrique dans les échanges internationaux se fasse dans le respect de l'équité. » A la fin de cette séance d'ouverture, les journalistes se sont rués dans la salle de presse pour préparer leurs comptes-rendus. Dans leurs discussions, ici et là, ont émergé la satisfaction que les dangers représentés par l'appétit et l'instinct prédateur des pays riches aient été clairement pointés du doigt, celle aussi d'avoir entendu le président de la France et de l'Union européenne promettre qu'ils aideraient l'Afrique en la respectant. Mais ils ont également exprimé le sentiment d'avoir entendu des promesses vaines, l'impression ou la crainte de n'avoir assisté qu'à une avalanche d'engagements de principe et de bons sentiments.