Création d'une Fondation pour la conservation du patrimoine oral populaire Du haut de leurs 36 ans de carrière, «les Rolling Stones d'Afrique», comme aime à les appeler le cinéaste Martin Scorsese, s'apprêtent à consolider leur patrimoine artistique par la création d'une fondation à caractère socioculturel qui prendra racine dans leur «fief», Hay Mohammadi, le bastion de la résistance contre le protectorat mais aussi le creuset de la mémoire populaire des différentes régions du Maroc profond. Animés par la volonté de s'impliquer dans l'encadrement d'une jeunesse qui regorge de talents, les membres de la fondation entendent en faire un pôle d'attraction et un espace d'échange et de créativité à même de désenclaver une production culturelle qui, souvent, manque d'opportunités pour être révélée au grand jour. «Dar El Ghiwane» est le nom que les fondateurs ont choisi pour ce projet qui a l'ambition de devenir une véritable institution pour la conservation du patrimoine oral populaire, une structure de formation musicale qui privilégie l'étude des instruments liées à l'identité marocaine. Ils se proposent d'offrir des formations dans les différents métiers de la musique, y compris les aspects techniques qui font souvent défaut sur nos scènes (son, lumières, etc.) Le «Raïs» Omar Essayed rend sa motivation à la volonté «d'installer cette idée de protection de la mémoire dans le paysage culturel au Maroc, à l'instar de l'incroyable nombre de fondations qui évoluent en Europe ou dans le monde arabe pour pérenniser le souvenir d'hommes et de femmes qui ont marqué l'histoire par leur passage. Par exemple, en Belgique, ils ont la Fondation Jacques Brel, en Egypte, le virtuose du luth irakien Nassir Eshamma a créé «Dar Al ûd» au cœur du Caire historique. Nous voudrions que ce projet ait des émules dans toutes les villes du Royaume, j'aimerais bien voir, un jour, une fondation Jil Jilala à Marrakech, ou encore une fondation Mohamed Choukri à Tanger...». Si tout se passe comme prévu, cet espace socioculturel verra le jour dans une année au plus. Il englobera une bibliothèque, des ateliers artistiques et techniques, un espace polyvalent pour différents types de spectacles, et enfin un espace muséal qui aura pour fonction de conserver et de montrer les documents, instruments, discographie et toutes sortes d'objets liés à la mémoire du phénomène Ghiwani en général, et à celle de Nass El Ghiwane en particulier. Pour le moment, le comité de la fondation attend la décision du Conseil de la ville concernant le nom qui sera attribué au projet car il est question, entre autres, de lui donner le nom «Dar al Founoun achaâbia» (Maison des arts populaires), chose qui pourrait détourner cet espace culturel de son objectif premier, à savoir, conforter le groupe légendaire dans son identité indissociable des quartiers Hay Mohammadi et Derb Moulay Cherif. Omar Essayed s'explique : «...l'un des principes que nous nous sommes imposés, est le fait de refuser toute coloration partisane afin de préserver ce projet d'éventuelles manipulations électoralistes. Pour cela, nous avons tenu à ce que les membres fondateurs soient en dehors de la sphère politicienne. Nous voulons avec ce projet affirmer notre appartenance viscérale à ce quartier qui est pour nous un grand espace familial…» Par ailleurs, le comité fondateur a bénéficié de l'appui de plusieurs intervenants de la vie publique, autorités, institutionnels, réseau associatif pour faire de ce projet un lieu concret qui contribuera à conserver le souvenir et à changer la réalité.