Le président du Rwanda Paul Kagamé, qui vient de rompre ses relations diplomatiques avec la France, a accusé samedi des chefs militaires hutus rwandais, avec le soutien de la France, d'avoir assassiné l'ancien président Juvénal Habyarimana, événement à l'origine du massacre de 800.000 personnes en 1994. Dans une interview à Reuters, le chef de l'Etat accuse également la France d'héberger d'anciens responsables gouvernementaux rwandais qui, selon lui, ont organisé le génocide des Tutsis et des Hutus modérés, cette année-là. Le Rwanda a rompu ses relations diplomatiques avec la France vendredi, quatre jours après la décision du juge d'instruction français Jean-Louis Bruguière de mettre en cause Kagamé et neuf de ses proches dans l'attentat en avril 1994 contre l'avion de Habyarimana. Le ministère français des Affaires étrangères a déploré cette décision de Kigali et dit prendre "toutes les dispositions nécessaires". Dans l'interview, Kagamé, qui par moments ne cachait pas sa colère, a déclaré que "Le TPIR (Tribunal pénal international sur le Rwanda) dispose de renseignements désignant les personnes responsables de l'attentat contre l'avion de Habyarimana, et il s'agit d'extrémistes hutus, dont certains officiers supérieurs du gouvernement en place, qui bénéficiaient du soutien de la France". Il a rappelé le fait que la presse, en 1994, avait fait état de projets d'assassinat d'Habyarimana émanant du propre camp de ce dernier, et a accusé les soldats français et des gardes présidentiels d'avoir empêché l'Onu d'accéder, à des fins d'enquête, au site de la chute de l'avion. KAGAMÉ VISE LA VEUVE DE HABYARIMANA "Tout cela est éludé et le Front patriotique rwandais (FPR, alors groupe rebelle tutsi de Kagamé) est tenu responsable. Les Français savent qui a abattu l'avion. Ce doit être eux qui en sont responsables", accuse Kagamé dans l'interview. Kigali accuse la veuve de Habyarimana, Agathe, d'être la fondatrice d'Akazu, petit mais puissant cercle de familles hutues qui, selon l'actuel pouvoir rwandais, a organisé l'extermination des Tutsis. Kigali cherche de longue date à traduire en justice Agathe Habyarimana pour son rôle présumé dans le génocide. "Ils (les Français) hébergent Agathe Habyarimana, dont le témoignage est exploité par le juge, et pourtant c'est une criminelle", a déclaré Kagamé, ajoutant que plusieurs anciens responsables gouvernementaux rwandais, également recherchés par la justice rwandaise, ont trouvé eux aussi refuge en France. Dans une autre interview, diffusée samedi sur I-Télé, Kagamé affirme que "La France est impliquée dans le génocide, il n'y a aucun doute là-dessus". Le juge Bruguière a émis neuf mandats d'arrêt internationaux et pour Paul Kagamé - qui en tant que chef d'Etat ne peut pas être jugé par des juridictions ordinaires françaises - a demandé à l'Onu de le poursuivre devant le TPIR. Le président rwandais, dans l'interview diffusée par I-Télé, ajoute que "personne ne peut avoir de doute. Sur l'étendue, sur les degrés d'implication, les personnes impliquées, la manière dont les institutions françaises sont impliquées". "Les puissants ont raison. La France est un pays riche. C'est une super-puissance donc elle pense qu'elle a toujours raison, même quand elle a tort", dit-il.