Les mouvements palestiniens s'opposent avant la formation d'un gouvernement. SOUS UN SOLEIL voilé par la fumée s'échappant des fusils d'assaut, le chaos des armes s'impose sur les marches du Parlement palestinien de Gaza. Six mois de pouvoir Hamas auront suffi à roder ce rituel : les griefs s'expriment devant l'enceinte de la démocratie palestinienne, devenue le symbole de la légitimité du Hamas depuis sa victoire aux législatives du 25 janvier. Les manifestants vocifèrent leurs revendications, ponctuées de rafales d'armes automatiques. Depuis dimanche, l'incertitude politique liée à la formation du gouvernement de coalition, censé associer le Hamas au Fatah, pour tenter de lever le boycottage international du cabinet palestinien, a fait monter la tension. Ce mardi, la foule en armes est venue réclamer le rétablissement de l'ordre et de la justice. Les manifestants sont les membres des familles d'un général des services de renseignement et de ses quatre gardes du corps, assassinés vendredi, non loin de la maison du premier ministre Hamas, Ismaïl Haniyeh. «Nous appliquerons la loi de nos propres mains si justice n'est pas rendue», préviennent les manifestants, des proches du Fatah. Les armes pointées vers le ciel, les hommes se dispersent dans un déluge de feu. Pessimisme sur un gouvernement de coalition La veille, les gardes du corps du premier ministre ont dû tirer en l'air pour que son convoi puisse se frayer un chemin parmi les fonctionnaires en grève venus protester devant le Parlement contre le non-paiement de leurs salaires. Haniyeh a été contraint d'annuler un discours devant le Conseil législatif. Le soir venu, des militants du Hamas ont mis le feu aux tentes de protestation des fonctionnaires grévistes du Fatah. Depuis le départ du président palestinien Mahmoud Abbas à l'assemblée générale de New York, les journées sont ponctuées d'incidents de ce type. Quelques heures après s'être envolé, Abbas avait annoncé le gel des négociations pour la formation du gouvernement d'union nationale, faisant porter la responsabilité de cet échec au Hamas. Au coeur du litige : la reconnaissance des accords signés par le passé entre Israël et les Palestiniens, une des trois conditions de la communauté internationale, pour la levée du blocus. Cette question est stipulée dans l'accord sur le programme politique du futur cabinet signé par Haniyeh et Abbas, mais le dirigeant du Hamas a indiqué que le gouvernement d'union nationale ne serait tenu de rien. Mis en difficulté par sa base, Ismaïl Haniyeh a de nouveau rejeté, hier, les «conditions du Quartette» pour le Proche-Orient, qui exige notamment une reconnaissance explicite d'Israël, pour reprendre le versement des aides directes à l'Autorité palestinienne. «Le document d'entente nationale ne fait pas la moindre allusion à la reconnaissance d'Israël», confirme Khalil Abou Leila, responsable des relations extérieures du Hamas. Abbas et son parti, le Fatah, affirment au contraire que, en réclamant la création d'un Etat palestinien dans les frontières de 1967, le document entérine implicitement la solution de deux Etats et offre ainsi une reconnaissance d'Israël. Khalil Abou Leila se dit très pessimiste quant aux chances de former un gouvernement de coalition. «Les Etats-Unis tentent de faire tomber le gouvernement avant même sa formation. Dans ces conditions, il sera difficile à Abbas de convaincre le Fatah de participer au cabinet.» Depuis lundi, le Fatah réclame ouvertement à Abbas la formation d'un gouvernement d'urgence dont le Hamas serait tenu à l'écart et l'organisation d'élections législatives anticipées. Le président de l'Autorité s'est refusé, jusqu'à présent, de prendre une telle décision, redoutant qu'elle ne provoque une guerre ouverte entre militants armés du Hamas du Fatah. Pour l'instant, le Hamas et le Fatah instrumentalisent les tensions sur le terrain, afin de marquer des points avant la formation d'un gouvernement. Si le durcissement des positions aboutit à une rupture des négociations, la descente aux enfers de l'Autorité palestinienne risque de s'accélérer.