Le Parlement pakistanais a voté une résolution condamnant les propos "offensants" de Benoît XVI sur l'Islam. Protestations de l'Egypte à l'Indonésie. Les récents propos du pape Benoît XVI sur l'islam risquent de porter un coup à l'harmonie religieuse dans le monde, estimaient vendredi 15 septembre des dirigeants gouvernementaux et des dignitaires religieux de plusieurs grands pays musulmans, de l'Indonésie au Pakistan ou à l'Egypte. Lors d'une conférence à l'université de Ratisbonne, le pape, qui vient d'effectuer une visite en Bavière, a cité le souverain byzantin Manuel II Paléologue qui, au XIVe siècle, accusait Mahomet d'avoir semé le Mal et l'inhumanité pour avoir prôné la diffusion de son enseignement par les armes. "La violence est incompatible avec la nature de Dieu et avec la nature de l'âme", avait souligné le pape, qui avait utilisé les termes de "djihad" et de "guerre sainte". Excuses demandées Un choeur grandissant de dignitaires musulmans a demandé à Benoît XVI de s'excuser pour ses propos: ainsi, le président du Conseil turc des Affaires religieuses, Ali Bardakoglu. Le pape doit se rendre en novembre en Turquie, pays laïque mais majoritairement musulman, à l'invitation du président Ahmed Necdet Sezer, garant de la laïcité héritée d'Atatürk. L'Assemblée nationale pakistanaise, chambre basse du parlement d'Islamabad, a de son côté adopté à l'unanimité une résolution condamnant les propos du pape. "Cette déclaration a blessé les sentiments des musulmans", lit-on dans le texte de la résolution. "Ils sont aussi contraire à la charte des Nations unies. Cette chambre exige du pape qu'il retire ses propos, dans l'intérêt de l'harmonie entre les différentes confessions du monde". "Nuisible" Le porte-parole du ministère pakistanais des Affaires étrangères a déclaré que quiconque jugeait que l'islam était intolérant ou que l'islam se propageait par la force faisait preuve d'ignorance. "Les déclarations de ce genre nuisent aux efforts que nous faisons pour réduire le fossé et promouvoir la compréhension entre les différentes confessions", a-t-il ajouté. Le Pakistan est le deuxième pays musulman le plus peuplé après l'Indonésie. Le Vatican a publié un communiqué assurant que le pape n'avait jamais voulu offenser l'islam. A travers le monde En Indonésie également, les réactions indignées aux déclarations de Ratisbonne ne se sont pas fait attendre. "Il est clair, au vu de ses déclarations, que le pape ne comprend pas bien l'islam", a estimé Din Syamsuddin, président de Muhammadiyah, deuxième plus importante organisation musulmane d'Indonésie. Fauzan Al Anshori, porte-parole du Conseil indonésien des Mujahideen, organisation radicale, a appelé le pape au dialogue et déclaré qu'il avait mal compris l'islam. Selon Anshori, le récent regain de radicalisme musulman est une réplique à la "croisade" menée par l'Amérique contre les musulmans. En Egypte, le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, s'est dit préoccupé par les propos du pape, qui risquent d'après lui de réduire à néant les efforts de rapprochement entre l'Occident et l'Orient. A New Delhi, Syed Ahmed Bukhari, principal dignitaire de la mosquée Jama Masjid, la plus grande de toute l'Inde, a appelé les musulmans à répliquer aux propos de Benoît XVI. "Aucun pape n'a jamais tenté de s'en prendre à la gloire de l'islam comme ce pape", a déclaré Bukhari sous les acclamations de milliers de fidèles, qui scandaient "Allahou Akbar" (Dieu est grand) sous le dôme de l'immense mosquée. "Les musulmans doivent répondre de telle sorte que le pape s'excuse", a-t-il dit après les grandes prières du vendredi. "Insultes" Même son de cloche en Jordanie, où les musulmans ont estimé que les déclarations papales ne pouvaient qu'accroître le fossé entre les musulmans et l'Occident et montraient au grand jour la haine des chrétiens envers l'islam. Pour le cheikh Hamza Mansour, qui dirige le Front du conseil de la Choura de l'action islamique, principal parti d'opposition du pays, seules des excuses présentées personnellement par le pape pourront effacer les "profondes insultes que représentent ces propos provocateurs" pour plus d'un milliard de musulmans.