Amnesty International vient de publier son rapport annuel sur la situation des droits de l'Homme au Maroc. L'ONG revient sur les violations des droits ayant le plus marqué l'année 2019, comme le procès de Hajar Raissouni, l'«espionnage» ayant touché des militants ainsi que les accusations d'«outrage» à des représentants de l'autorité publique. L'année dernière, les autorités marocaines ont «harcelé des journalistes, des personnes animant des blogs, des artistes et des militantes et militants qui n'avaient fait qu'exprimer pacifiquement leurs opinions», écrit ce mardi Amnesty International. Dans la partie réservée au royaume dans son rapport annuel, l'ONG a rappelé la condamnation d'au moins cinq personnes de ce groupe à des peines d'emprisonnement pour «outrage» à des représentants de l'autorité publique, et l'usage de «logiciels espions», pour d'autres. Les autorités marocaines ont également «restreint les droits à la liberté d'association et de réunion en empêchant certains groupes qui les critiquaient de mener leurs activités, et ont recouru à une force inutile ou excessive pour disperser des manifestations au Maroc et au Sahara occidental», poursuit le rapport. Ce dernier commence par rappeler plusieurs événements marquant de l'année dernière, comme la recommandation du Conseil national des droits de l'homme de la dépénalisation des relations sexuelles entre adultes non mariés. Mais ses rédacteurs ne tardent pas, après avoir évoqué ce point positif, d'étaler certaines violations. Ainsi, le rapport pointe du doigt un «code pénal réprimant la légitime liberté d'expression». Il rappelle plusieurs condamnations ayant marqué l'année, comme celles du blogueur Sofian al Nguad et du rappeur Mohamed Mounir (connu sous le nom de Gnawi). Amnesty International n'oublie pas d'évoquer le cas des deux défenseurs marocains des droits humains – Maati Monjib et Abdessadak El Bouchattaoui – ayant «fait l'objet d'une surveillance exercée au moyen de logiciels espions conçus par l'entreprise israélienne NSO Group». Tortures, détenus du Gdim Izik, Sahara et campes de Tindouf Sur le volet de la «torture et autres mauvais traitements», l'ONG estime que «les autorités n'enquêtaient pas de façon adéquate sur les allégations», ce qui conduit à «des procès iniques». Et d'estimer que «plusieurs cas de détention à l'isolement prolongée de prisonniers, qui peut être assimilée à de la torture ou à une autre forme de mauvais traitement, ont été enregistrés». Le rapport cite à cette occasion le procès des leaders du Hirak. La même source cite aussi l'affaire du journaliste Taoufik Bouachrine ainsi que les «23 Sahraouis condamnés en 2013 et en 2017 à l'issue de procès iniques» de Gdim Izik, «entachés par l'absence d'enquête adéquate sur les allégations de torture des accusés». D'ailleurs, sur le Sahara, l'ONG rappelle les condamnations d'Ali Al Saadouni, de Nazha El Khalidi et de Mahfouda Bamba Lefkir. Elle fustige le recours, en juillet 2019, à une «force excessive, utilisant notamment des balles en caoutchouc, des matraques et des canons à eau, contre des manifestants. Des événements ayant causé le décès de la marocaine Sabah Njourni. Même le Front Polisario, administrant les camps de Tindouf, n'échappe pas à la critique. Le rapport rappelle qu'en juin, le mouvement séparatiste avait arrêté au moins deux opposants. Pour l'ONG, le «Front Polisario n'a pas fait le nécessaire pour que les responsables présumés d'atteintes aux droits humains commises dans ces camps lors des précédentes décennies répondent de leurs actes». Droits des migrants, des femmes et des personnes LGBT Dans son volet sur la liberté d'association et de réunion, le rapport d'Amnesty rappelle le cas de l'association Racines, dissoute suite à un procès, ainsi que les restrictions touchant l'Association marocaine des droits humains (AMDH). Pour ce qui est des personnes migrantes au Maroc, l'ONG dénonce les arrestations, les détentions et les déplacements forcés de plusieurs milliers de personnes migrantes. Le rapport regrette aussi, s'agissant des droits des femmes, que celles-ci «continuaient d'être victimes de discrimination, ainsi que de violences sexuelles et d'autres formes de violences liées au genre» au Maroc. Bien qu'elle salue la loi sur la prévention des violences faites aux femmes, l'association regrette que «les mécanismes chargés de la mise en œuvre de ce texte demeurent peu efficaces». L'avortement s'accapare une bonne partie de ce volet, l'ONG rappelant les textes dans ce sens tout comme le cas le plus récent ; celui de la journaliste Hajar Raissouni. Le document reste moins clément lorsqu'il s'agit des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes. «La police a continué de harceler des personnes LGBTI en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre», poursuit-elle. Et de citer les victimes d'agressions homophobes ou transphobes ayant déclaré avoir «peur de se rendre au poste de police pour porter plainte à cause du risque d'arrestation au titre de l'article 489 du Code pénal». Comme à l'accoutumée, ce rapport ne manquera pas de faire réagir le gouvernement marocain. Article modifié le 2020/02/18 à 17h39