Prévisible. Le rapport annuel 2013 d'Amnesty international, publié aujourd'hui, brosse un sombre tableau de l'état des droits de l'Homme au Maroc, en voici les principaux points noirs. D'emblée, Amnesty international pointe du doigt les autorités, responsables selon elle, «des restrictions à la liberté d'expression et engagé des poursuites contre des détracteurs de la monarchie et des institutions étatiques, ainsi que contre des Sahraouis partisans de l'autodétermination». Ce sont là les principaux griefs d'AI contre l'Etat marocain. L'association revient sur le sit-in organisé par une vingtaine d'opposants à la cérémonie d'allégeance : «En août, la police a eu recours à une force excessive envers des personnes qui protestaient devant le Parlement à Rabat contre une cérémonie annuelle commémorant l'accession du roi au trône. Un journaliste qui couvrait l'événement a également été maltraité». Lutte contre le terrorisme, le cas de deux MRE Dans la rubrique terrorisme, Amnesty accorde une importance particulière à deux MRE : Ali Aarass, un belgo-marocain et Mohamed Hajib, un germano-marocain. Madrid avait extradé, le premier en décembre 2010, suite à une demande de Rabat. AI estime que cette extradition est une «violation des mesures provisoires ordonnées par le Comité des droits de l'homme [ONU] car il risquait d'être torturé et maltraité au Maroc. Il aurait été contraint de faire des «aveux» sous la torture». Novembre 2011, il est condamné, en première instance à 15 ans de prison, réduite, en appel à 12 ans. Une peine qui pourrait être revue à la baisse, en fin d'année, lorsque la cour de cassation statuerait sur ce dossier. L'affaire du deuxième MRE est plus grave pour l'image du pays sur la scène internationale. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire, relevant de l'ONU, a conclu, en août, que la détention de Hajib est «arbitraire». Et demandé aux autorités marocaines de le libérer. Amnesty déplore que la condamnation de Mohamed Hajib, à 10 ans de prison en 2010, s'appuyait «sur la base d'aveux qui auraient été obtenus sous la torture pendant sa détention provisoire, en l'absence d'un avocat. Ses allégations de torture n'ont pas fait l'objet d'une enquête». La torture dans les prisons et les locaux de la police Le vendredi 17 mai, un communiqué d'Amnesty accusait les autorités marocaines de torturer six détenus sahraouis. Dans son rapport, l'ONG revient sur le sujet. «De nouvelles informations ont fait état d'actes de torture et de mauvais traitements infligés notamment sur des personnes détenues aux fins d'interrogatoire par des agents de la Direction de la surveillance du territoire (DST)». AI rappelle, à cet effet, que «la visite au Maroc en septembre, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a fait observer que les actes de torture étaient plus répandus lorsque les autorités considéraient que la sécurité nationale était menacée. Il a ajouté que les allégations de torture débouchaient rarement sur des poursuites à l'encontre des auteurs». Amnesty ne se contente pas de citer le document de Juan Mendez, elle évoque également, les conclusions du rapport du CNDH, rendu public en octobre, sur les conditions d'incarcérations dans les prisons du royaume. L'organisme étatique y a signalé «que les membres du personnel pénitentiaire continuaient de maltraiter les détenus et que ces agissements faisaient rarement l'objet d'enquêtes». Les Subsahariens, victimes de torture Le rapport 2013 d'Amnesty est intitulé : «un monde de plus en plus dangereux pour les réfugiés et les migrants». «Partout dans le monde, les Etats se montrent davantage désireux de protéger leurs frontières nationales que les droits de leurs citoyens et ceux des hommes et des femmes qui viennent chercher refuge ou de meilleures chances chez eux». Au Maroc, les migrants, notamment les Subsahariens, ne sont guère mieux lotis. «Les réfugiés et les demandeurs d'asile risquaient d'être victimes d'agressions et de mauvais traitements», constate l'ONG. «En septembre, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a signalé que les «actes d'agression, les violences sexuelles et d'autres formes de mauvais traitements» envers les migrants en situation irrégulière étaient en augmentation. Il a prié les autorités d'enquêter sur les informations faisant état de «violence contre les migrants subsahariens» et de prévenir le renouvellement de ces pratiques». Faisant fi de ces appels, les forces de l'ordre mènent, depuis plusieurs jours, dans les forêts de Nador une campagne contre les Subsahariens pour les empêcher d'entrer à Melilla. Au Sahara et dans les camps de Tindouf «Les autorités continuaient de s'en prendre aux défenseurs sahraouis des droits humains et aux partisans de l'autodétermination du Sahara occidental». Amnesty souligne, dans son rapport, que les 23 détenus dans le procès Gdim Izik, «se sont plaints d'avoir été torturés ou maltraités en détention». Fidèle à une ligne de conduite bien ancrée, Amnesty a passé sommairement l'état des droits de l'Homme dans les camps de Tindouf. «Cette année encore, le Front Polisario n'a pris aucune mesure pour amener à rendre compte de leurs actes les personnes accusées d'avoir commis des atteintes aux droits humains durant les années 1970 et 1980 dans les camps qu'il contrôlait». Aucune mention de la détention du chanteur dissident Allal Najem et des agressions physiques qu'il a subies ou de la déportation de Mustapha Selma en Mauritanie. Amnesty déplore que le Maroc refuse l'égalité dans l'héritage «Les femmes et les filles étaient victimes de violences sexuelles et de discrimination dans la législation et dans la pratique». Bien que le gouvernement a entamé en novembre le processus devant aboutir à l'adhésion du Maroc au Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, adoptée en 1997 par l'Assemblée générale de l'ONU, il maintient toujours ses réserves sur certains articles non conforme à la charia. «Le gouvernement a rejeté une recommandation formulée dans le cadre de l'Examen périodique universel qui l'invitait à réviser le Code de la famille pour garantir l'égalité entre les hommes et les femmes en matière d'héritage». Amnesty regrette que «les hommes coupables de viol pouvaient toujours échapper aux poursuites en épousant leur victime». Une année et deux mois après le suicide d'Amina Filali, le cabinet Benkirane n'a pas, encore, daigné modifier l'article 475 du code pénal.