Le déficit budgétaire de l'Etat marocain a explosé en 2011. Supérieur à toutes les prévisions, mêmes les plus pessimistes venues du FMI, il atteint 6,1%. Les recettes exceptionnellement hautes cette année n'ont pas suffi à compenser l'augmentation des dépenses. Le déficit budgétaire marocain est supérieur à tout ce que l'on avait imaginé. Il s'élève en 2011 à 6,1% du PIB, a annoncé le ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances chargé du Budget, Idriss Azami Al-Idrissi, alors que la loi de Finances 2011 avait tablé sur 4,5% du PIB, rappelle le quotidien marocain. Plus pessimiste, mais toujours en deçà de la réalité, la mission du FMI, dans ses conclusions préliminaires rendues le 19 juillet, indiquait que «le déficit budgétaire pourrait atteindre 5,5-6% du PIB dû à une hausse des dépenses de 3% du PIB par rapport au budget 2011.» Finalement, le déficit budgétaire atteint 50,1 milliards de dirhams, 20,6 milliards de dirhams en plus par rapport à l'an dernier. Pour retrouver ce niveau de déficit, il faut retourner au milieu des années 1990, rappelle l'Economiste. Deux éléments majeurs ont grevé les dépenses publiques. D'une part, les prix des matières premières ont très fortement augmenté sur les marchés internationaux au point de faire exploser les dépenses de compensation. D'autre part, les révoltes dans le monde arabe ont poussé le gouvernement à des «cadeaux sociaux», des embauches et des augmentations de salaires pour les fonctionnaires, afin d'acheter la paix sociale. Le principe de la caisse de compensation, qui veut que l'Etat paie la différence entre les prix internationaux des denrées de première nécessité (dont le pétrole) et le prix de ces mêmes denrées établi pour le marché intérieur, coûte de plus en plus cher à l'Etat. La loi de finances 2011 prévoyait de consacrer 23 milliards de dirhams à cette seule dépense, soit une hausse de 76,9% par rapport à 2010. Cette augmentation, déjà considérable, se révèle finalement bien inférieure à la réalité. Les dépenses de compensation devraient finalement s'élever à 40 voire 45 milliards de dirhams en 2011. «Dans les années 80 le coût de la compensation s'élevait à 4 ou 5 milliards de dirhams. Aujourd'hui, l'absence de réforme coûte 45 milliards de dirhams et la tendance, pour les années à venir, est à l'augmentation de cette charge», estime Najib Akesbi, économiste, professeur à Institut agronomique et vétérinaire Hassan II, à Rabat, et membre du Parti socialiste unifié. Selon lui, les gouvernements successifs se sont «passés la patate chaude», sans jamais réformer cette institution. Les embauches dans la fonction publique, et les hausses de salaires se sont, elles aussi, soldées par une augmentation considérable. Au lieu de s'élever à 86 milliards de dirhams, comme prévu dans la loi de finances, soit 6,8% de plus qu'en 2010, elles se montent finalement à 95 milliards de dirhams. Les tentatives pour limiter les dépenses publiques ne portent guère de fruits, puisque, comme l'indique l'Economiste, les dépenses de fonctionnement augmentent de 24% cette année. La situation, toutefois aurait pu être pire puisque si les dépenses ont été exceptionnelles cette année, les entrées fiscales le sont aussi : 5,7% d'augmentation par rapport à l'an dernier. Parallèlement, les grandes entreprises publiques ont dégagé 10,5 milliards de dirhams de dividendes au bénéfice du budget publique. Les recettes budgétaires, en augmentation, ne suffisent pas à compenser les dépenses, de la même façon que les exportations marocaines sont inférieures aux importations du royaume. De la sorte les déficits budgétaires – celui de l'Etat en tant que compensation – et commercial – celui de tout le royaume débiteur du reste du monde – se creusent en même temps. Les économistes parlent alors de «déficit jumeaux». Pour lutter contre le déficit commercial, il serait possible de dévaluer le dirham, mais la Banque centrale marocaine, Bank Al Maghrib, s'y refuse. Autre solution : sortir sur les marchés internationaux pour y emprunter des devises. Idriss al-Azami Idrissi, ministre en charge du budget, a déclaré à Reuters, «Une émission d'obligations en 2012 ne figure pas sur l'ordre du jour, mais elle n'est pas à exclure.»