Les délais de prise en charge trop longs, le manque de personnel médical suffisamment qualifié et le coût exorbitant des traitements sont autant de facteurs qui freinent la prise en charge des patients. Sans un renforcement des services de lutte contre le cancer, le combat contre la maladie sera perdu d'avance. C'est en substance le message adressé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans un rapport publié mardi 4 février, à l'occasion de la Journée mondiale contre le cancer, appuyé par une autre étude du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) également publiée le même jour. Selon l'agence onusienne, «si les tendances actuelles se poursuivent, le monde connaîtra une augmentation de 60% des cas de cancer au cours des deux prochaines décennies». Ce sont dans «les pays à revenu faible ou intermédiaire, qui enregistrent actuellement les plus faibles taux de survie, que le nombre de nouveaux cas augmentera le plus fortement (+81 % selon les estimations)», prévient l'OMS. Selon le rapport du CIRC, 18,1 millions de nouveaux cas ont été diagnostiqués en 2018 dans le monde. A l'échelle mondiale, le cancer du sein et le cancer du poumon sont les plus diagnostiqués, suivis des cancers colorectaux, de la prostate et de l'estomac. Parmi les principales causes de cette maladie, les deux rapports pointent le tabac, l'obésité et la pollution atmosphérique. Au Maroc, les principaux facteurs de risque sont «le tabagisme, la surcharge pondérale et l'obésité, la consommation insuffisante de fruits et légumes, le manque d'activité physique, la consommation d'alcool, les infections (HVB, HPV) et la pollution de l'air», selon la synthèse relative au Plan national de prévention et de contrôle du cancer (PPCC 2010-2019) de l'association Lalla Salma de lutte contre le cancer. Des délais de prise en charge trop longs «Les prévisions de l'OMS ne datent pas d'aujourd'hui. Les cas de cancer vont effectivement augmenter de façon plus importante dans les pays en voie de développement, notamment sur le continent africain», réagit auprès de Yabiladi Brahim El Gueddari, professeur de radio-oncologie et ancien directeur de l'Institut national d'oncologie (INO). Des prévisions qui risquent de se heurter à l'insuffisance des structures actuelles au Maroc, «qui ne permettent pas de couvrir tous les besoins de la population», estime Brahim El Gueddari, qui souligne toutefois que «300 oncologues ont été formés ces dix dernières années, aussi bien en radiothérapie qu'en chimiothérapie», par l'Institut national d'oncologie à Rabat. Sans compter le coût très élevé de la prise en charge, notamment dans le domaine de la radiothérapie et la chimiothérapie. D'après les estimations de Brahim El Gueddari, il faut compter entre 40 et 50 000 dirhams par cure. Quant aux traitements comprenant les molécules de dernière génération, ils peuvent varier de «60 à 100 000 dirhams», selon Nawfal Mamou, oncologue au Centre international d'oncologie de Casablanca (CIOC), contacté par Yabiladi. Des tarifs exorbitants dans un pays «où le secteur public peine à absorber la population qui n'a pas de mutuelle ou d'assurance privée», déplore l'oncologue. «Les rendez-vous peuvent être étalés sur plusieurs mois. Or le cancer n'attend pas : le développement des métastases menace le pronostic vital», souligne-t-il. D'après la synthèse du PPCC, le délai entre la première consultation et le diagnostic est supérieur à 3 mois dans 52% des cas et supérieur à 6 mois dans 27% des cas. La durée de suivi des patients atteints de cancer est inférieure à 2 ans dans 74% des cas. «La grande difficulté d'accès aux soins fait que les patients sont diagnostiqués le plus souvent à des stades avancés de la maladie», note le document. Mieux vaut pourtant prévenir que guérir. Car pour éviter la maladie, ou en tout cas enrayer la propagation des cellules cancéreuses, le dépistage est fondamental, rappelle Nawfal Mamou, mais insuffisamment développé au Maroc : «Il n'y a pas de politique nationale de dépistage pour les cancers. Les centres de diagnostic gratuits, auxquels les plus précaires peuvent avoir accès, sont cantonnées aux grandes villes.» Preuve que le dépistage est pourtant essentiel : la charge du cancer pourrait être réduite d'environ un tiers par la détection précoce et le traitement des cas au début de la maladie, phase où le traitement est le plus efficace, selon les estimations de la Fondation Lalla Salma de lutte contre le cancer.