Majdouline Khounigere, oncologue-radiothérapeute du Centre international d'oncologie de Casablanca. Propos recueillis par Hajar El Faker – MAP) La consommation excessive de viandes rouges et transformées (charcuterie, viandes séchées, etc.), de sucre et d'alcool favorise certains types de cancers, a affirmé l'oncologue-radiothérapeute, Majdouline Khounigere, du Centre international d'oncologie de Casablanca. «A l'inverse, des repas équilibrés riches en fibres associés à l'exercice physique constituent un élément protecteur», a-t-elle souligné dans un entretien à la MAP, à l'occasion de la Journée nationale de lutte contre le cancer, célébrée le 22 novembre de chaque année, relevant que l'alimentation anti-cancer vise à intégrer tous les nutriments à action antioxydante pouvant limiter la croissance des cellules cancéreuses. Elle a, aussi, indiqué qu'il n'existe pas aujourd'hui une alimentation préventive anti-cancer proprement dite, appelant à l'adoption de bonnes habitudes et d'un mode de vie sain et à trouver un certain équilibre nutritionnel, tout en pratiquant une activité physique régulière. Dr Khounigere a, par ailleurs, précisé que la célébration de la Journée nationale se veut l'occasion de sensibiliser quant à l'importance du dépistage précoce et de mettre l'accent sur les nouvelles avancées thérapeutiques, ainsi que de véhiculer un message d'espoir aux personnes touchées par cette maladie. Evoquant les avancées réalisées par le Maroc pendant ces dernières années, elle a indiqué que le Royaume a connu une évolution fulgurante dans la prise en charge du cancer que se soit en terme de molécules de chimiothérapie, de chimiothérapie intrapéritonéale vaporisée ou hyperthermique intrapéritonéale, de thérapies ciblées, d'immunothérapie, de techniques chirurgicales et de radiothérapie stéréotaxique permettant ainsi d'augmenter le taux de survie. «Nous disposons d'ailleurs au Centre international d'oncologie de Casablanca du +Novalis Truebeam STX+ qui permet de réaliser une radiothérapie ciblée de très haute précision», a-t-elle martelé, ajoutant que le Maroc s'est inscrit dans une démarche de lutte contre le cancer notamment avec le Plan national de prévention et de contrôle du cancer (PNPCC) qui a permis la construction et le réaménagement de plusieurs centres régionaux d'oncologie facilitant ainsi l'accès aux soins. Mettant l'accent sur l'importance du diagnostic précoce dans le traitement de tous les types de cancer, la spécialiste a fait savoir que celui-ci améliore le pronostic et les chances de guérison, notant que les tumeurs de meilleur pronostic, c'est-à-dire les moins agressifs, sont le cancer du testicule et le cancer de la prostate avec un taux de survie dépassant les 80%. «Au Maroc, les cancers les plus fréquents sont le cancer du sein chez la femme et le cancer du poumon chez l'homme avec 48.000 nouveaux cas de cancer tous types confondus recensés annuellement», a-t-elle ajouté. S'agissant de l'impact de la pandémie de la Covid-19 sur les patients cancéreux, le docteure a fait savoir que des dispositifs ont été mis en place dans les différents centres d'oncologie afin de protéger les patients et le personnel soignant et de pouvoir poursuivre un rythme normal de consultation de prise en charge et de suivi, plaidant en faveur du dépistage précoce qui permet de sauver des vies. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait lancé, récemment, une stratégie visant à éliminer le cancer du col de l'utérus, a-t-elle rappelé, estimant que grâce à l'accès généralisé à la vaccination, au dépistage et au traitement, 5 millions de vies seraient sauvées d'ici 2050. «L'élimination d'un cancer aurait auparavant semblé un rêve impossible, mais nous disposons aujourd'hui d'outils efficaces et peu coûteux, s'appuyant sur des données probantes, pour faire de ce rêve une réalité», avait déclaré le directeur général de l'Organisation, Tedros Adhanom Ghebreyesus. La stratégie de l'OMS vise à ce que 90% des filles soient vaccinées contre le papillomavirus humain (responsable du cancer du col de l'utérus) à l'âge de 15 ans. Elle prévoit également que 70% des femmes bénéficient d'un dépistage à l'âge de 35 ans et 45 ans, et que 90% des femmes chez qui une maladie du col de l'utérus a été diagnostiquée soient traitées. Si ces mesures sont mises en œuvre avec succès d'ici 2030, les nouveaux cas de la maladie pourraient être réduits de plus de 40% et le nombre des décès liés à la maladie de 5 millions d'ici 2050. En outre, selon une étude publiée, récemment, par la revue médicale britannique BMJ, le fait de retarder le traitement d'un cancer d'un mois peut accroître de 6 à 13% le risque de mortalité. Cette enquête renforce les conclusions d'autres recherches alertant sur l'effet délétère de la pandémie de la Covid-19 pour les autres maladies. Des chercheurs britanniques et canadiens ont analysé les conséquences de retards de traitements (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie…) pour sept types de cancers, à partir de 34 études publiées ces vingt dernières années. Hors pandémie, «les retards de traitement sont l'exception mais peuvent malgré tout toucher 10% à 15% des patients», a expliqué l'oncologue Ajay Aggarwal, l'un des auteurs de l'étude. Et plus le retard est long, plus ce risque augmente, estiment les auteurs de l'étude, notant que le fait de décaler de 12 semaines l'opération de toutes les femmes atteintes d'un cancer du sein nécessitant une chirurgie, comme lors des confinements liés à la Covid-19 par exemple, se traduirait par 6.100 décès supplémentaires en une année aux Etats-Unis et 1.400 au Royaume-Uni.