Le tribunal de première instance de Khénifra a condamné le militant Abdelali Bahmad, dit Ghassan Bouda, à deux ans de prison et à une amende, pour avoir défendu sur Facebook un manifestant qui a brûlé le drapeau national à Paris. Le verdict est tombé au moment où des acteurs associatifs ont décrété le 9 janvier journée de mobilisation pour les détenus d'opinion. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le tribunal de première instance de Khénifra a condamné le militant Abdelali Bahmad, dit Ghassan Bouda, à deux ans de prison ferme assortie d'une amende de 10 000 dirhams pour «outrage à l'emblème et aux symboles du royaume» (article 276-1 du Code pénal), dit communément «atteinte au sacré». Le jugement, comme les poursuites, est basé sur le contenu d'une publication Facebook, où le militant approuve le geste d'une manifestante qui avait brûlé le drapeau national, lors d'une marche tenue en octobre 2019 à Paris en solidarité avec les détenus du Hirak du Rif. En outre, le Parquet reproche à l'enseignant d'avoir «défendu sa position lors d'échanges en commentaires accompagnant le statut». Parallèlement à cette comparution hier, un sit-in s'est tenu devant le tribunal, avec la participation de nombre d'acteurs de la société civile, notamment le président de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), Aziz Rhali, ainsi que des membres de l'ONG. En parallèle, une forte présence policière a été observée sur les lieux du rassemblement, selon le site d'information Al3omk. Le verdict qui clôture une journée de mobilisation Ce verdict a été rendu alors qu'une audience a été reportée, le 2 janvier dernier, à la demande des avocats de Ghassan Bouda pour préparer leur défense. Il a également été annoncé alors que le Comité national pour la libération d'Omar Radi, de tous les détenus d'opinion et pour la liberté d'expression, qui suit le dossier, a décrété le 9 janvier journée de mobilisation sous le thème «2020 : Un Maroc sans détenus d'opinion». En effet, ce verdict résonne comme une réponse aux deux sit-in observés hier en défense de la liberté d'expression, l'un devant le Parlement à Rabat hier à 17h et l'autre devant le tribunal de Khénifra au moment du procès. Au lendemain de la décision de justice, le Comité national réagit ce vendredi en dénonçant «un verdict injuste». Dans un communiqué parvenu à Yabiladi, le Comité décrit ainsi une démarche «incarnant la continuité de la méthode répressive de l'Etat, qui vise à faire taire des voix dissonantes et à leur imposer une situation de fait accompli». Il fustige également «une manière d'asphyxier les libertés d'expression en réagissant d'une main de fer à l'encontre des porteurs d'opinions opposantes à la politique étatique, même lorsque celle-ci génère pauvreté et précarité». Maroc : «La liberté d'expression est la base du débat sur les questions sociales et politiques» «Cette approche répressive et généralisée renforcera davantage la mobilisation pour la liberté d'expression et pour la défense des droits humains de manière globale», estime encore le Comité, qui exige par ailleurs «la libération immédiate et inconditionnelle d'Abdelali Bahmad». De même, la structure «déplore l'exploitation politique du pouvoir judiciaire» en décrivant «un procès équitable». Jeudi matin, l'affaire Ghassan Bouda a été à l'ordre du jour de la première conférence de presse du Comité, deux semaines après sa création. En présence de l'avocat du jeune militant, une déclaration publique de la structure a souligné «la recrudescence des poursuites visant la liberté d'expression de journalistes, d'acteurs de la société civile et d'internautes ayant simplement fait part de leur désarroi vis-à-vis de la situation actuelle du pays». Article modifié le 2020/01/10 à 14h05